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les prisons ou sous la surveillance de la police jusqu'à ce qu'il fût renvoyé du royaume, d'où il est revenu en France subir un nouveau jugement.

Il ne faut pas s'étonner de la rigueur exercée alors contre un écrivain étranger sous le poids d'un arrêt sévère pour un genre de délits que le gouvernement des Pays-Bas poursuivait lui-même avec rigueur, tout désarmé qu'il disait être par la loi du 16 mai dernier.

Le message envové à la seconde Chambre, le 11 décembre, à l'appui d'un nouveau projet de loi répressive, explique la situation où les débats politiques et religieux avaient mis les provinces méridionales sous un jour tout autre que le discours du trône, où cet état de choses, ni le projet de loi, n'étaient pas même annoncés. En voici quelques traits:

Tandis que nous jouissons de la paix au dehors et de la tranquillité an dedans, que fleurissent tant de branches de commerce et de l'industrie, que règnent des lois douces ainsi que la liberté civile et politique, nous voyons un petit nombre de nos sujets, entraînés par l'exagération et excités par le fanatisme de quelques malveillans, méconnaitre tous ces bienfaits et s'élever d'une manière aussi alarmante que scandaleuse contre le gouvernement, nos lois et nos intentions paternelles.

« L'abus de la presse, dont nous avions désiré amener la liberté en lui imposant moins de restrictions que dans tout autre pays de l'Europe, n'a que trop malheureusement contribué à fomenter l'inquiétude, la désunion et la défiance, à propager les doctrines aussi pernicieuses pour l'existence de toutes les institutions sociales, quelle que puisse être leur forme de gouvernement, que contraires à la monarchie des Pays-Bas, établie par la loi fondamentale, et à l'autorité de notre dynastie, dont nous n'avons jamais désiré voir continuer l'exercice illimité, mais que, de notre propre mouvement, nous avons restreint de la manière qui nous a paru la plus convenable au bien-être, aux mœurs et au caractère de la nation.

« La presse qui, d'après le but de la loi fondamentale, doit servir à répandre les connaisssances et les lumières, devenue entre les mains des malveillans un moyen pour faire naitre la discorde et le mécontentement, les haines religieuses et l'esprit de parti, la soif des disputes et la rébellion, a tellement attaqué et troublé la tranquillité publique, les forces de l'état, la marche libre du gou vernement et l'accomplisssement des devoirs dans les relations publiques, que c'est devenu un devoir pénible pour nous d'appeler votre commune attention sur cet objet; de faire en sorte, au moyen de mesures fixes et de bonnes lois, que la prospérité de l'état, la fidélité et l'amour de nos sujets, l'attachement an gouvernement monarchique tempéré par une loi fondamentale; en un mot, que la vraie liberté, l'ordre et la loi soient respectés et maintenus dans le royaume des Pays-Bas. »

Ici le message, exposant les vues générales sur la marche du

gouvernement, répondait à tous les griefs développés dans les journaux ou autres écrits, et dans les pétitions nouvelles adressées à la chambre. Il exposait que le gouvernement professait une religion qui avait pour devise, Liberté ; de même aussi la liberté entière des opinions, la protection égale de tous les cultes; qu'à l'égard de la religion catholique dans les provinces méridionales, on avait suivi le système et l'exemple de Marie-Thérèse: que depuis la conclusion du concordat et son entière exécution dans ces mêmes provinces, l'église catholique y jouissait de libertés plus étendues qu'à une autre époque, et que cette jouissance pourrait être bientôt assurée au même degré aux sujets catholiques dans les autres provinces, grace aux progrès désirés des arrangemens qui devaient encore avoir lieu à ce sujet de sorte que l'on pouvait s'attendre à voir bientôt remplir les siéges épiscopaux encore vacans; que la cour de Rome elle-même avait été satisfaite de l'arrêté du 2 octobre (voyez p. 315), comme ayant donné au concordat toute la force et l'effet désirables; et enfin, qu'en vertu d'un autre arrêté déja pris, la direction des affaires du culte catholique était sur le point d'être confiée à une administration entièrement séparée (M. le baron de Pelichy de Lichterfelds, procureur du Roi près le tribunal d'Amsterdam, et catholique', venait d'être nommé directeur des affaires du culte catholique ).

Nous ne nous dissimulons point toutefois, poursuivait le message, qu'au milieu de la jouissance de tous ces priviléges, un zèle religieux trop outré, s'il est excité dans un but peu louable, soutenu par une influence pernicieuse, et faiblement contenu par l'accomplissement des préceptes d'une religion qui implique pourtant d'une manière si touchante la subordination nécessaire au bon ordre et à la tranquillité; que ce zèle, dirons - nous, peut avoir des suites déplorables, et peut faire germer des semences de désunion et de résistance; et que même des tentatives pour légitimer l'influence d'un système religieux sur lamarche de notre gouvernement, pourraient, sous l'une ou l'autre forme, se manifester tôt ou tard.

« Mais nous déclarons que nous sommes fermement résolus à user de tons les moyens qui nous sont donnés pour maintenir toujours intact le pouvoir temporel, et nous veillerous soigneusement à ce que toutes les communions se renferment strictement dans les bornes de l'obéissance aux lois de l'état, afin que de cette manière la liberté de conscience soit garantie à chacun, et que la direction du gouvernement demeure à l'abri de l'intervention de tout pouvoir spirituel..... »

Venant aux modifications dernièrement adoptées et proposées dans l'enseignement, le message faisait observer que si le gouvernement n'avait pas admis cette liberté illimitée et sans frein qui conduit au désordre et à la dissolution de toute société humaine, on ne pouvait nier qu'il n'eût fait à cet égard aux autorités locales et provinciales toutes les concessions que pouvait permettre la loi.

Quant à l'usage de la langue française, le gouvernement croyait avoir fait tout ce qu'on pouvait raisonnablement demander pour la facilité des intérêts privés des habitans, et il était disposé à adopter encore des modifications raisonnables, si les dispositions déja prises étaient réellement insuffisantes ou pouvaient, sans inconvénient, être étendues aux affaires publiques, mais sans que jamais l'expression violente des passions ou des prétentions inconvenantes pussent hâter le moment des concessions.

On demandait encore dans les pétitions nouvelles l'inamovibilité des juges; mais ce principe était déja consacré par la loi, et devait recevoir son application lors de l'organisation judiciaire, dont le temps n'était pas éloigné.

Quant à la responsabilité ministérielle, unanimement réclamée dans les pétitions et à la tribune, la doctrine développée dans le message veut être textuellement rapportée:

« Si nous examinons ce qu'on appelle la responsabilité ministérielle, dont il nous est plus difficile de déterminer le véritable sens que le but réel; si nous considérons les principes de la loi fondamentale, qui non seulement soumet exclusivement à notre jugement et à notre décision tous les règlemens de l'administration, mais qui nous abandonne aussi la nature des obligations qu'il nous plaît d'imposer aux chefs des départemens, et qui nous les attache par serment, alors nous croyons, pour la conservation de nos institutions politiques, pour le maintien du pouvoir qui nous a été confié, pour la protection durable des intérêts de nos sujets bien-aimés, ne pouvoir prêter l'oreille à aucune autre responsabilité de nos ministres qu'à celle qui, outre leurs devoirs à notre égard, a été déterminée pour eux par la loi fondamentale et les autres lois existantes; et dans l'existence constitutionnelle du conseil d'état, d'après le principe que celui-ci, et non le seul chef d'un département ministériel, doit être entendu, nous trouvons non seulement l'exclusion de l'idée de la responsabilité ministérielle, mais nous y voyons, en outre, pour le peuple néerlandais, une plus grande garantie que ses intérêts sont convenablement examinés avant qu'il y soit statué.

L'introduction de la responsabilité ministérielle qu'on a en vue devant les denx Chambres dont se composent les états généraux, et devant le pouvoir

judiciaire, transporterait contrairement à la loi fondamentale l'exercice du pouvoir royal en d'autres mains, sans donner aux libertés du peuple une nouvelle garantie, une garantie réelle; car, quels que fussent les hommes appelés à juger les actes des ministres, on ne pourrait recueillir des fruits salutaires d'un tel jugement, à moins que ceux auxquels on devrait rendre compte ne se trouvassent placés en dehors des rangs de la société, et par conséquent an dessus des passions du vulgaire. Les Pays-Bas, en ceci, ne ressemblent point à d'autres pays où l'on a pu sans inconvénient introduire la responsabilité ministérielle par suite de circonstances tout-à-fait étrangères à ce royaume, et qui par cela même ont exigé que l'on y imprimât une direction toute particulière à l'administration constitutionnelle. »

Sur les autres objets de réclamation, le gouvernement appréciait la nécessité de favoriser et d'assurer de plus en plus le commun accord entre les divers pouvoirs. Il se proposait de revenir au sujet des conflits, de manière à concilier la marche libre de l'administration, l'intérêt des citoyens et l'indépendance des tribunaux. Il faisait observer qu'on avait agrandi de beaucoup la sphère et les attributions des états provinciaux; mais qu'institués pour les intérêts particuliers de leurs provinces, ils devaient se borner là, et he pas étendre leurs travaux aux matières d'intérêt général soumises à la discussion de la législation commune.

Le message était terminé par des considérations sur l'état des finances, dont voici quelques traits:

« Si enfin nous envisageons la situation financière du royaume, alors nous verrons, non sans une vive satisfaction, les dépenses diminuées de plus en plas, et surtout celles qui sont indépendantes de l'introduction d'institutions constitutionnelles, de l'accomplissement d'engagemens légitimes ou de calamités générales, ainsi que des troubles survenus dans nos possessions lointaines, de plus grandes économies assurées, le vœu pour la suppression de l'impôt de mouture accompli. Nous voyons pareillement disparaître jusqu'à la possibilité des abus dans les opérations du syndicat, par la présentation d'une disposition législative; en un mot, NN. et PP. SS., ici nous sommes pleinement convaincus quant à nous que, quel que puisse être le résultat de nos efforts pour le bien-être de la nation, pour l'allégement de ses charges, pour la conservation d'une administratiou régulière, et pour le maintien du crédit de l'état, ces efforts ne pourront être méconnus ni par nos contemporains, ni par la postérité.

« Cette considération ne doit-elle pas nous encourager à placer une pleine confiance dans le Dieu de nos pères, dans l'amour et la reconnaissance de nos sujets bien-aimés, et dans la coopération constitutionnelle de VV. NN. PP. pour la repression efficace du mal et pour la constante protection de ce qui est bien.

Nous ne verrons plus, par ce moyen, des victimes innocentes et malheureases immolées à l'astuce et à la perversité, et le mal cessera d'être impuni;

l'union des citoyens, sans acception de religion ou de province, sera maintenue, et la liberté de tous demeurera entière, malgré les agitations du petit nombre. De cette manière, cette fois encore le commun accord avec VV. NN. PP. contribuera à l'affermissement de l'ordre social; de cette manière l'influence douce et puissante de notre règne transmettra intacts aux générations à venir et à notre race, tels que nous les avons reçus, les exemples de nos aïeux dont la sagesse et le courage servirent d'égide à la liberté publique, civile et religieuse au dedans, et préservèrent la patrie contre les tentatives d'une multitude égarée, et contre les entreprises ambitieuses et l'agression de l'étranger. »

Le projet de loi présenté à la suite de ce message reproduisait, à peu de chose près, les dispositions de ceux qu'on avait retirés ou modifiés l'année dernière, notamment en matière de délits d'attaque ou d'injure contre le gouvernement ou une de ses branches, en outrageant ses actes, en calomniant ses intentions, ou essayant de saper son autorité. Il rétablissait aussi la poursuite d'office en cas de calomnie ou d'injure contre les fonctionnaires publics, sans qu'il fût besoin de plainte de la part des personnes injurićes ou calomniées.

On s'est étendu sur le message qui motivait cette proposition inattendue, dont on dira le sort l'année prochaine, parce qu'il prépare et répond d'avance aux discussions des lois de finances, que nous allons reprendre et suivre dans leur ensemble.

Le ministre des finances, en présentant, le 26 octobre, à la deuxième chambre, le projet de budget ordinaire pour la seconde période décennale, ainsi que le budget extraordinaire pour l'exercice 1830, exposait à l'assemblée qu'on avait cherché dans leur rédaction nouvelle à profiter des lumières répandues sur ce sujet dans la dernière session, et admis, sauf le maintien de ce que prescrit la loi fondamentale, et de ce que réclament les intérêts confiés au gouvernement, beaucoup de modifications que l'on estimait devoir répondre aux vœux de LL. NN. PP.

Ainsi la seconde rédaction du budget portait les dépenses de l'état à 82 millions de florins. Le Roi les avait d'abord réduites, par arrêté, à 79 millions, et aujourd'hui on ne demandait plus que 77,800,000 florins, dont 17,050,000 florins étaient portés au budget extraordinaire, d'après les vœux souvent exprimés de laisser plus de latitude à la possibilité d'opérer chaque année des écono

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