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paraissent pas avoir eu d'autres résultats que des changemens nombreux dans l'administration de l'armée et des deux principautés. Le général Zolstuchin fut nommé président provisoire de ces provinces en remplacement du comte Palhen, appelé à l'armée active. Il fut formé à Jassy et à Bucharest un divan composé de six boyards et d'un commissaire russe, chargé de tout ce qui était relatif à l'exécution des lois, à la répartition des réquisitions, des travaux de corvée, convois, etc., mais dont les décisions devaient être sanctionnées par le président des principautés, revêtu à cet égard de pouvoirs plus étendus que son prédécesseur. Le premier acte de ce président fut de remettre en activité la commission établie à Bucharest pour informer des mesures prises par l'ancienne administration supérieure des vivres, de faire arrêter plusieurs de ses principaux agens, et de sommer les boyards valaques émigrés en Transilvanie pour échapper aux réquisitions, de rentrer dans leurs foyers sous peine de voir leurs propriétés séquestrées.

Quant à cette armée, où tant de plaintes et de mécontentemens se mêlaient aux récompenses et aux acclamations de la victoire, elle n'avait plus de chef. Le feld-maréchal comte de Wittgenstein avait donné dès la fin de la campagne, en rentrant à Jassy, sa démission motivée sur son grand âge et sur le mauvais état de sa santé. Mais l'empereur l'avait invité à conserver le commandement pendant l'hiver, qu'il consacra encore à la réorganisation de l'armée destinée à faire la campagne prochaine. Ce ne fut qu'aux approches du printemps que S. M. consentit à sa retraite, en le remerciant « de ses services distingués dans la carrière de la gloire, et de ceux « même qu'il venait de rendre en organisant l'armée de manière à ◄ assurer les succès de la campagne prochaine.

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L'honneur de la diriger fut donné au général d'infanterie comte Diebitsch, aide-de-camp-général, chef de l'état-major de l'empereur (1), nommé, dans le rescrit impérial du 18 février, «comman

(1) Le général comte Diebitsch, né en 1785 dans la Silésie prussienne, avait été élevé à Berlin dans l'école des Cadets; placé en 1815 dans l'armée russe son mérite l'avait fait distinguer de l'empereur Alexandre; sa conduite lors de

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<< dant en chef de la seconde armée, avec tous les droits, pouvoirs « et prérogatives attachés à ce commandement par le règlement • concernant les grandes armées en campagne. »

Par un autre rescrit ou ordre du même jour, le commandant du corps d'armée détaché du Caucase, général d'infanterie, aide-decamp-général comte Paskewitch-Érivansky était nommé commandant en chef dudit corps, également avec tous les droits, pouvoirs et prérogatives d'un commandant en chef de la grande armée en

campagne.

Le général Diebitsch étant arrivé le 24 février à Jassy, son prédécesseur lui remit le commandement, et prit congé de l'armée (27 février), par un ordre du jour dans lequel il témoignait aux soldats sa reconnaissance illimitée du zèle qu'ils avaient montré dans le service de l'empereur, et des résultats importans de la dernière campagne.

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Mon âge avancé me force à me séparer de vous, leur disait-il en terminant; mais je me consolerai de la douleur que j'éprouve à vous quitter quand j'entendrai le récit de vos nouveaux exploits sous la direction de mon digne successeur; et par vos hauts faits vous montrerez au monde votre ardent amour pour l'empereur et pour la patrie.

Aussitôt le vieux général se retira dans ses terres, près de Kaminieck-Podolski, pour y passer le reste de ses jours.

Le comte Diebitsch, en prenant le commandement par une proclamation du même jour ( 27 février), rendit politesse pour politesse à ce respectable prédécesseur, « dont l'âge avancé lui enlevait, disait-il, le bonheur de le voir encore une fois battre les enne« mis.... D'ailleurs rien ne lui paraissait impossible avec les braves guerriers de l'armée russe, quand cette armée combattait pour sa foi, son empereur et sa patrie. »

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De grands changemens eurent bientôt lieu dans le personnel et dans l'administration de l'armée. Le chef d'état-major Kisseleff fut

la rébellion de 1826 à l'avènement de l'empereur Nicolas, l'attacha plus étroitement au nouveau souverain; et c'est à lui qu'on a particulièrement attribué le plan de campagne de 1829.

remplacé par le général comte de Toll, et mis à la tête d'un corps détaché; le général Boutourlin succéda dans les fonctions de quartier-maître général à M. de Berg; le comte de Langeron prit sa retraite, et le commandement des corps de la réserve de Moldavie et de Valachie fut donné au général Palhen, frère du président qui venait d'être rappelé à Pétersbourg.

Quoiqu'il soit difficile d'assurer l'exactitude des rapports ou des nouvelles publiées au commencement d'une campagne sur la force des parties belligérantes, intéressées tantôt à les enfler, tantôt à les amoindrir, il y a lieu de croire que l'armée active d'opérations, estimée à la fin de la dernière campagne à 80,000 hommes, et renforcée sur la fin de l'hiver par les réserves tirées de l'armée du sud ( 15e armée) évaluée à 120,000 hommes, sous les ordres du général comte Sacken, et par environ 20,000 cosaques, devait être à l'entrée de la campagne de plus de 240,000 hommes, nombre formidable sans doute, mais peut-être encore au dessous de ce qu'exigeaient la garde des principautés, les siéges à faire, et une ligne d'opérations dont il était difficile d'apprécier l'étendue éventuelle.

La cavalerie et le matériel de la nouvelle armée avaient été recomposés d'une manière miraculeuse; et afin de remédier au défaut ou à l'insuffisance des convois au moyens de transport si sensible dans la dernière campagne, on avait formé en Russie un train de plusieurs milliers de chariots attelés de bœufs, distribués en divisions, avec quatre pièces d'artillerie, et des soldats armés de sabres, de fusils et de faux, de sorte que ces magasins ambulans pussent suffire eux-mêmes à leur entretien, à leur défense, et au moyen de leurs bêtes de trait fournir, en cas de besoin, de la viande à l'armée.

Quant à la force de l'armée turque, les documens manquent encore davantage pour l'évaluer avec quelque certitude; mais avec les renforts qu'elle avait reçus des hordes asiatiques, des contingens de Servie, de Bosnie et de Romélie, avec les garnisons de Widdin, de Giurgewo, Nicopoli, Rotschouck et Silistrie, avec le camp de Schoumla, d'Aïdos, et les réserves de Constantinople, elle

ne pouvait être estimée au dessous de 180,000 hommes (1), dont la partie active était sur le haut Danube, dans Silistrie et au camp de

Schoumla.

Les forces maritimes que les deux puissances avaient à porter dans cette guerre, et qui semblaient devoir y jouer un rôle important pour l'approvisionnement des armées, autant que pour l'attaque, étaient encore plus disproportionnées.

La Russie avait, à l'ouverture de la campagne dans la Méditerranée, huit vaisseaux de ligne, sept frégates, et plusieurs autres bâtimens inférieurs portant ensemble 1002 canons, et dans la mer Noire, neuf vaisseaux de ligne, cinq frégates, et vingt-huit corvettes, bricks et petits bâtimens, en tout 42 vaisseaux portant 1,550 bouches à feu (2); forces redoutables auxquelles la Turquie ne pouvait opposer que les débris de la flotte échappée au désastre de Navarin, des bâtimens de construction nouvelle ou hors de service (3), et la

(1) Un journal russe d'Odessa évaluait la force de l'armée turque, en commençant la campagne, ainsi qu'il suit :

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(2) Une évaluation qu'on peut regarder comme officielle portait le total des forces maritimes russes en armement, à la fin de 1829, à 32 vaisseaux de ligne, 25 frégates, 20 corvettes ou briks, 6 cutters, 7 brigantins, 84 schvonces, 20 galères, 25 batteries flottantes, et 121 chaloupes canonnières, portant ensemble près de 4,000 bouches à feu et 33,000 hommes d'équipage.

(3) Le même journal que nous avons cité portait la marine turque au commencement de 1828 à 24 vaisseaux de ligne, 21 frégates et 40 petits batimens ayant à bord 5,200 hommes et 2000 pièces de canon, exagération évidente, car il ne se trouva dans le port de Constantinople, au mois de mai 1829, pour s'opposer aux entreprises des Russes dans la mer Noire, que 4 vaisseaux de ligne, a fregates, 3 corvettes, quelques bricks et brilots; et la flotte qpi arriva d'Alexandrie à la fiu de décembre n'était composée que de 16 voiles, dont un vieux vaisseau de 80 canons, 6 frégates de 44 à 54, 7 corvettes de aa, a bricks de 20, et une goëlette.

flotte égyptienne, qui resta dans le port d'Alexandrie, tenue en respect ou bloquée par l'escadre russe du vice-amiral Heyden, et dont la Porte ne tira aucun secours dans cette campagne.

Le mois de mars se passa des deux côtés à concentrer les troupes. Reschid-Pacha, nouveau grand-visir, nommé dès le 10 février, était alors en Épire, ou dans la Grèce occidentale, moins occupé de la guerre contre les Grecs, que de retenir les Albanais sous le joug de la Porte. Il se rendit à Constantinople pour recevoir ou donner son plan de campagne, et y prendre des renforts, et n'arriva qu'à la fin de mars au camp de Schoumla. Il ne s'était passé jusque-là sur le Danube et en Bulgarie que des affaires insignifiantes sans résultats; quelques sorties de Giurgewo et de Silistrie, une attaque des cosaques qui brûlèrent un petit camp turc sur le Kamlschick (3 mars). Mais la marine russe avait fait une conquête plus remarquable, et dont les conséquences eurent une influence heureuse sur leur campagne. Le contre-amiral Koumani, sorti du port de Sebastopol à la fin de février, avec quelques bâtimens de guerre portant environ 2,000 hommes, débarqua sur la côte de Romélie, surprit la petite place de Sizeboli ( 27 février), située sur une presqu'île à l'extrémité sud-est du golfe de Bourgas, position militaire et maritime importante, où les Turcs n'avaient qu'une faible garnison, et que les Russes fortifièrent au moyen d'une redoute élevée en quelques jours sur une montagne située à une portée de canon de la place qu'elle domine.

Hussein-Pacha, qui se trouvait alors au camp d'Aïdos, sentant l'importance de cette position et la nécessité d'en déloger l'ennemi, se hâta de rassembler 4,000 hommes d'infanterie et environ 1,500 cavaliers, avec lesquels il parut le 9 avril, à la pointe du jour, sous la redoute construite près de la place, que le major Lebedoff était chargé de défendre avec un bataillon du régiment dAzoff. L'attaque des Turcs fut vive. Ils s'avancèrent sous le feu de huit canons chargés à mitraille, soutenus par une mousqueterie bien dirigée; et quatre ou cinq d'entre eux, parmi lesquels un aidede-camp de Hussein-Pacha, réussirent à escalader le parapet, et à pénétrer jusque dans l'intérieur de la redoute, où ils tombèrent

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