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peuvent être admis à jouir de tous les priviléges de l'état ; mais alors aussi notre admirable constitution, qui a été si long-temps l'orgueil de l'Angleterre, l'admiration du monde entier, la base fondamentale de nos libertés, est renversée. Je soutiens que la religion catholique romaine est, dans son caractère et dans son principe, incompatible avec l'existence de la constitution britannique, et qu'ainsi done ceux qui la professent doivent être exclus des priviléges auxquels ils sont incapables de participer, ou au moins dont ils ne sauraient jouir sans contribuer à les détruire. Quand on présentera le bill d'émancipation, j'espère sincerement que les représentans des vrais intérêts protestaus et constitutionnels dans le parlement examineront avec le soin le plus minutienx chaque dispo sition du bill, et élèveront tons leurs voix pour la défense de la constitution.

«Dans toutes les situations de ma longue carrière politique, disait lord Eldon, je me suis opposé à l'émancipation des catholiques, et mon opinion n'est pas changée aujourd'hui. Je viens encore avec le même courage et la même conviction remplir ce que je regarde comme un devoir; je viens déclarer que je ne vois pas la moindre raison pour modifier mon opinion; si j'avais vu un seul bon motif pour changer de conduite, aucune considération ne m'aurait empêché de le faire, et avec le plus grand empressement; je me suis livré de nouveau à un examen complet de cette grande question, et avec le plus vif désir d'arriver à une juste conclusion. Je n'ai pas le moindre doute aujour d'hui, pas le plus léger scrupule à ce sujet; je déclare, et tout le pays m'entendrà, j'espère, que ma persuasion ferme, intime, inébranlable, est que sí jamais on permet aux catholiques romains de siéger dans une des Chambres du parlement, ou de faire des lois dans l'état, si on leur accorde le privilège de posséder les grandes fonctions exécutives de la constitution, dès ce jour, dès ce moment, le soleil de la Grande-Bretagne se couche. On peut accueillir cette opinion par la risée et le mépris, on peut m'accabler de la haine publique; je persiste à soutenir que cette opinion est juste, et j'espère que mes craintes ne se réaliseront jamais.

J'ai trop de reconnaissance pour la mémoire de George III, et pour les bontés de son auguste fils, pour ne pas éviter scrupuleusement tout ce qui pour rait déplaire à mon souverain: aussi, en agissant ainsi, suis-je eonvaincu que je remplis mou devoir envers le Roi et la nation. Certes, quand je vois l'association catholiqué faire acte de gouvernement, arracher aux malheureux habitans de l'Irlande leur pain, sous forme d'impôt, obtenir du secours de puissances étrangères, la France et l'Amérique, je sens qu'il faut détruire une pareille association; et le seul moyen, c'est d'en rendre les chefs responsables devant la loi commune, et de la mettre ainsi hors d'état de renaître jamais à l'exis

tence.»

Lord Farhnam, qui prit aussi la parole, accusa le duc de Wellington d'avoir trompé le public en cachant ses véritables intentions jusqu'au dernier moment; accusation que le noble duc repoussa en rappelant qu'il avait constamment exprimé le vœu que la question catholique fût décidée par un arrangement définitif, mais dans un moment opportun, moment qui lui paraissait être arrivé.

Le marquis d'Anglesey avait eu l'intention de donner à la haute Chambre des explications relativement à son rappel du gouverne

ment d'Irlande, et on les attendait avec intérêt; mais il s'est excusé d'occuper la Chambre de ses propres griefs « maintenant qu'il « voyait qu'on se disposait à redresser ceux de plusieurs millions de ses compatriotes. »

Dans la Chambre des communes aussi, plusieurs membres (M. Bankes, sir R. Inglis, le marquis de Chandos, M. Moore, sir Th. Lethbridge, etc.) annoncèrent l'intention qu'ils avaient de parler contre l'émancipation. Quelques reproches, où quelques insinuations malignes s'adressèrent à M. Peel sur son changement d'opinion depuis l'année dernière, et il s'en défendit en orateur habile, en homme d'état qui devait faire le sacrifice de ses opinions au bien de son pays. Il exprimait son regret d'être obligé de se séparer de ses amis; il persistait à penser que l'émancipation avait beaucoup de dangers, mais aussi qu'il valait mieux s'exposer à des dangers éventuels que de prolonger le mal existant, au risque de l'aggraver encore: il insistait sur l'inconvénient qui eût résulté de la division qui existait précédemment dans le ministère par rapport à cette question, et sur l'impossibilité de former un ministère disposé à refuser d'un commun accord toute concession. Il entrait ensuite dans quelques développemens sur certaines exceptions et restrictions qui se rattachaient à l'émancipation, en déclarant qu'elle n'était proposée que « comme mesure ministérielle et sous la responsabilité du gouvernement. »

On écarte ici des détails qui doivent bientôt se reproduire pour tenir note de quelques faits qui s'y rattachent.

M. Peel était depuis long-temps député pour l'université d'Oxford, dont l'opinion toujours opposée à l'affranchissement des catholiques venait encore de se manifester dans une pétition récemment envoyée à la Chambre. Il crut alors, décidé qu'il était à soutenir la mesure qu'il avait conseillée à S. M., d'accord avec ses collègues, devoir remettre un mandat qu'il n'avait reçu que dans la confiance de son opposition constante à l'affranchissement des catholiques, c'est-à-dire douner sa démission (1). L'université l'ac

(1) Voici les passages les plus remarquables de la lettre de M. Pobert Peel

cepta, et procéda quelques jours après (26 février) à une élection nouvelle.

Peut-être, malgré sa résignation apparente, M. Peel se flattait il, par l'appui que son crédit et son talent donnaient à l'université, et par la diversité nécessaire des opinions dans un corps si nombreux, d'obtenir les honneurs de la réélection. Mais, malgré tous les efforts de ses amis, son compétiteur, antagoniste décidé de l'émancipation, sir Robert Henry Inglis obtint sur lui une majorité de 146 voix sur 1364 votans, et il n'eut d'autre recours, pour rester membre du parlement, que de se faire nommer pour Wetsbury, l'un de ces bourgs pourris à la disposition de la couronne, en remplacement d'un membre qui voulut bien donner sa démission.

au vice-chancelier de l'université, sur ce sujet (White - Hall 4 février): Mon cher monsieur,

« Je profite de la première occasion qui m'est offerte de vous adresser une communication, bien pénible pour mes sentimens.

« Comme conseiller responsable de S. M., j'ai cru qu'il était de mon devoir de lui déclarer l'opinion que je partageais avec tous mes collègnes, que le moment était venu de prendre un parti décisif sur la situation de l'Irlande, et tout ce qui a rapport à la grande question de l'émancipation.

« Après avoir mûrement réfléchi à la position des affaires, aux perspectives de l'avenir, aux opinions plusieurs fois émises par la majorité des communes, aux difficultés résultant d'une plus longue division dans les conseils de S. M., et d'une désunion entre les deux Chambres, le gouvernement du Roi a reconnu qu'il y a moins de mal et de danger à terminer d'une manière conciliable la question catholique, qu'à adopter tout autre ligne de conduite. En exprimant moi-même cette opinion à S. M., j'ai dû mettre de côté toute autre considération que celle de l'intérêt et de la prospérité du pays.

« A peine ai-je eu rempli ces obligations vis-à-vis du Roi, que j'ai reporté toute mon attention sur mes rapports avec l'université d'Oxford.

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Je ne peux douter que ma longue résistance à l'affranchissement des catholiques n'ait été une des causes principales de la confiance et de l'appui que j'ai reçu de mes mandataires; et quoique je ne renonce à cette ligne de conduite que parce qu'en y persévérant je croirai nuire aux intérêts que je suis chargé de défendre, je ne m'en trouve pas moins conduit à reudre à l'université d'Oxford le mandat qu'elle m'avait confié.

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Je vous prie de vouloir bien communiquer cette lettre aux principaux membres de l'université, et de décider avec eux de l'époque où ils jugeront convenable que je cesse de la représenter au parlement,»

:

M. Peel représentait encore l'université d'Oxford lorsqu'il présenta à la Chambre des communes (10 février) le bill pour la suppression de l'association catholique mais sur l'avis des plus zélés avocats de l'émancipation, surtout de M. O'Connell, qui regardaient la prolongation de son existence comme un obstacle à la réalisation prochaine du bienfait attendu, l'association catholique, donna aussi sa démission, ou, pour mieux dire, elle se déclara définitivement dissoute (12 février).

L'honorable secrétaire d'état de l'intérieur, en faisant la motion d'être autorisé à présenter le bill de suppression, rappelait les désordres qui avaient eu lieu l'année dernière dans diverses parties de l'Irlande. Il en rapportait la preuve d'après les documens soumis à la Chambre ( le rapport du commandant en chef, ceux des sheriffs, etc.); et de ces circonstances affligeantes il concluait la nécessité de détruire l'association et d'empêcher toutes les réunions semblables. Ainsi le lord lieutenant d'Irlande était autorisé à supprimer toute association on assemblée de ce genre; deux officiers de paix, munis de son ordre, pouvaient s'y faire admettre et la disperser, sous peine, pour les membres qui s'y refuseraient, d'être condamnés à trois mois de prison et à une année en cas de récidive. D'après d'autres dispositions, toute personne qui permettrait avec connaissance de cause la réunion de l'association prohibée était passible d'une amende de 100 l. s., et tout souscripteur encourait celle de 10 l. s. Mais comme cet acte investissait le gouvernement de pouvoirs extraordinaires et sous quelques rapports contraires à l'esprit de la constitution britannique, on ne le proposait que comme mesure temporaire, ct pour un an seulement, jusqu'à la fin de la prochaine session du parlement, dans l'espérance qu'il produirait d'ici là les heureux résultats qu'on en attendait.

La motion fut reçue par la Chambre avec l'assentiment de tous les partis. Le bill, lu une première fois, passa à la seconde lecture le 12, et à la troisième, le 17 février, mais non pas sans quelques modifications.

On insista beaucoup, dans le cours de la discussion, sur les dé

lais que les ministres avaient mis à supprimer l'association catholique.

«Vous nous la représentez, leur disait-on, comme un corps dont l'existence était incompatible avec l'action d'un gouvernement régulier, Vous nous montrez l'Irlande dans un état d'agitation qui ne peut se calmer qu'en accordant aux catholiqnes tout ce qu'ils demandent; et personne ne peut douter que l'association catholique, existant en vue d'agiter la population, ne soit en effet le foyer de cet esprit dangereux et alarmant. Vous demandez qu'elle soit détruite; vous avouez qu'en la tolérant vous avez laissé le géant grandir et la tyrannie se fortifier; vous avouez que vous avez eu tort, et vous cherchez à vous excuser d'abandonner le système où vous vous êtes engagé. Il y a plus : vous avez demandé et obtenu en 1825 un acte pour supprimer cette même association, et c'est depuis qu'elle est devenue si formidable; si les pouvoirs que vous donnait cet acte étaient suffisans, pourquoi ne l'avez-vous pas exécuté? S'ils ne l'étaient pas, que n'en avez-vous demandé de plus efficaces? Qui aurait pu refuser les pouvoirs nécessaires pour détruire une telle usurpation du gouvernement légal du pays?

De leur côté, les ministres ou orateurs ministériels répondaient que les choses en étaient arrivées, depuis 1825, au point de rendre impossible toute tentative de détruire l'association catholique par l'irritation que cette mesure aurait produite en Irlande, et que c'était chose difficile à faire qu'un bill d'accusation contre sept millions d'individus (M. John Doherty, procureur général pour l'Irlande). M. Huskisson faisait observer qu'il eût été impossible d'aller plus loin que le bill de 1825 sans enfreindre mal à propos, sans motif suffisant, les droits et priviléges des sujets britanniques en général; que, quant à lui, il n'aurait jamais consenti à donner au gouvernement le pouvoir nécessaire pour détruire l'association sans mettre fin en même temps au cruel système d'exclusion qui lui avait donné naissance; que, soit qu'il fit ou non partie du ministère, il ne consentirait jamais à une mesure coërcitive de ce genre, s'il savait qu'elle dût être permanente, sans être assuré en même temps de l'abandon de ce fatal système auquel l'association cherchait à porter remède : opinion que M. Peel appuya, en rappelant que l'acte de 1825 avait été suivi d'un bill de relief en faveur des catholiques, qui avait restreint leurs incapacités, tant était fondé et reconnu le principe de compensation entre les concessions et les mesures coërcitives.

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