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tions tous les mois au gouvernement, et à mettre tous les ans, sous les yeux de l'assemblée législative, l'état des affaires de la banque. Les billets en circulation, et ceux qui devaient les remplacer, étaient reconnus comme valeurs monétaires, ayant pour garantie le fonds primitif de la banque, les espèces ou lingots existans dans ses coffres, les dépôts, les dettes des particuliers, et celles du gouvernement. Il était entendu, d'ailleurs, que le gouvernement continuerait à payer, pour sa dette, un intérêt d'un pour cent dont le dividende serait distribué tous les six mois aux actionnaires: et que pour opérer la liquidation ou remboursement de la dette, le gouvernement serait autorisé à contracter un emprunt égal aux trois cinquièmes de cette dette, et dont le produit serait exclusivement appliqué au rachat des billets de banque, au cours de la bourse, etc. etc.

Ce projet était à peine sorti du sein de la commission chargée de l'examiner, lorsqu'arriva l'époque de la session ordinaire, dont S. M. fit l'ouverture ( le 3 mai) en même temps que la clôture de l'autre.

On voit, dans le nouveau discours de l'emperour don Pedro, une déclaration, plus explicite qu'il ne l'avait jamais faite, sur les affaires de Portugal, son dessein de n'accepter aucun compromis sur l'usurpation du trône de sa fille chérie, mais aussi sa détermination de ne pas compromettre, dans cette cause, les intérêts et la tranquillité du Brésil. S. M. parle ensuite des troubles de Fernambouc et des mesures extraordinaires qui avaient été prises, comme motivées par des attaques contre la forme monarchique constitutionnelle du gouvernement brésilien (elles venaient d'être rapportées par un décret du 27 avril ). Elle s'élève avec force contre l'abus fait dans ces derniers temps de la liberté de la presse; annonce, à cet égard, des mesures répressives, et termine par appeler l'attention des deux Chambres sur le budget qui serait présenté, sur l'organisation du pouvoir judiciaire et sur les développemens qu'on se proposait de donner à l'agriculture en favorisant la naturalisation des étrangers, et la distribution des terres incultes entre des mains capables de les féconder.

L'expédition portugaise annoncée arriva, peu de jours après (le 10 mai), sur un navire danois, le Cecrops. Telle était encore la répugnance des Brésiliens pour les sujets de l'ancienne métropole, qu'on avait mis en délibération dans le conseil, la question de savoir s'il ne faudrait pas demander l'autorisation des Chambres pour le débarquement; mais on crut néanmoins pouvoir s'en passer, attendu que ces malheureux émigrés, bien qu'officiers et soldats portugais, n'étaient ni armés, ni enrégimentés. Il y en avait environ 200 qui furent logés et nourris, dans des maisons non habitées, aux frais de l'état et au moyen de souscriptions particulières dont l'empereur, les ministres et les négocians riches donnèrent l'exemple; mais cette générosité ne ramena point les esprits en faveur d'une cause qui tenait au cœur du père de dona Maria. Les deux Chambres lui exprimèrent, dans leur adresse en réponse à son discours, leur satisfaction d'apprendre qu'il saurait concilier les droits d'un père avec la politique du monarque, en défendant les droits de la jeune reine de Portugal, sans compromettre les destinées du Brésil.

Quant aux mesures politiques et financières annoncées par S. M., la répression des abus de la presse, l'organisation judiciaire et le budget, les deux Chambres promettaient d'y donner l'attention la plus sérieuse mais la session se passa sans laisser d'autre résultat important que l'adoption du projet relatif à la réorganisation de la banque avec de légères modifications.

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Plus d'une fois, dans le cours de la discussion, on attaqua les ministres, surtout relativement aux mesures qu'ils avaient cru devoir prendre pour réprimer l'insurrection de Fernambouc, mesures signalées comme des violations de la loi fondamentale. Il fut mème question de mettre en accusation le ministre de la justice, pour avoir ordonné des arrestations illégales, et le ministre de la guerre Alvarez, pour avoir établi la commission militaire de Fernamboue. Le premier vint about de se disculper; on ne mit pas aux voix la proposition faite contre lui. Le second ne pouvait pas défendre sa mesure sous le rapport de la légalité; mais il essaya de la justifier par la nécessité de maintenir la tranquillité de L'empire, qui était sérieusement menacée; et la Chambre, moins

persuadée peut-être par ces raisons que par les intentions généreuses et les principes constitutionnels de l'empereur, finit par rejeter la proposition de sa mise en accusation à la majorité de sept voix (39 contre 32).

Une autre fois, à l'occasion des mesures de finances, un député (M. Vasconcellos) interpella le ministère pour se plaindre de ce qu'il détournait', au profit des réfugiés portugais à Londres, les intérêts de l'emprunt que le Brésil avait pris à sa charge pour prix de son indépendance, par une convention solennelle conclue sous la médiation de l'Angleterre, et pour savoir si le gouvernement brésilien voulait en effet déclarer la guerre au Portugal. Le ministre (Clemente Pereira) répondit sur ce dernier point que l'intention de l'empereur avait été clairement exposée; que, loin d'avoir voulu intervenir dans les affaires du Portugal, le ministère brésilien avait repoussé positivement tous les actes que ses agens avaient faits à ce sujet ; que l'éloignement des lieux avait empêché que leur désapprobation arrivât à Londres dans un temps utile, mais qu'elle avait été manifestée par la démission envoyée à l'un de ces agens à raison de sa conduite dans les affaires du Portugal. Quant à la première question, M. Clemente Pereira refusa ou éluda d'y répondre.

La grande affaire de la session ordinaire était le budget. Le ministre des finances n'avait pas dissimulé que la somme des recettes évaluées sur les produits des dernières années offrirait un déficit de 5 à 6 millions de milreis; mais il espérait y pourvoir par l'augmentation des produits, par l'amélioration du change, ou par des ressources extraordinaires, c'est-à-dire par un emprunt.

La commission de finances, après deux à trois mois de délibération, jugea plus convenable de réduire les dépenses au niveau ou même beaucoup au dessous des produits présumés, car les réductions qu'elle proposait montaient à près de 10 millions milreis, distribués entre les divers départemens ainsi qu'il suit :

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En résultat, les critiques de la commission portaient sur l'abus des cumuls, sur l'exagération des traitemens diplomatiques, les dépenses de la guerre et de la marine, dont l'effectif ne paraissait pas proportionné à la dépense (2).

Ce rapport, fait à la Chambre des députés le 20 août, arrivait trop tard pour que le budget pût être discuté dans la durée ordinaire de la session. Une prorogation semblait inévitable. Mais la tournure que prenaient les débats, l'obstination que la commission mettait à réduire les dépenses de la guerre et de la marine d'où l'on voulait éloigner les officiers étrangers, c'est-à-dire les Portugais, et il faut le croire aussi, le ressentiment des inculpations ou des apostrophes faites à ses ministres, décidèrent l'empereur à mettre fin à cette session, qui s'était passée en débats stériles ou en discussions violentes. Le jour de la clôture, une foule de curieux s'étaient rendus à la salle des séances. Tout le monde s'attendait à un discours où le souverain aurait demandé à la Chambre le résultat de ses travaux : le message qu'on y lut au nom de S. M. ne contenait que ces paroles:

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« Très illustres et très dignes représentans de la nation brésilienne, la session est close. »

(1) Il faut observer que, d'après le cours du chauge, le milreis en billet de banque ne pouvait guère être évalué que de 2 fr. 50 cent, â 2 fr. 60 cent.

(2) La marine brésilienne, pour laquelle le ministre demandait 12 à 13 milions de francs, ne comptait guère en armement qu'un vaisseau de ligne, 9 frégates, 4 corvettes, 10 briks et une quarantaine d'autres bâtimens.

Cette manière laconique de congédier la représentation nationale causa plus de surprise que de mécontentement. Il venait de se faire de nouvelles élections où beaucoup de députés n'avaient pas été réélus. Le conseil d'état fut convoqué pour fixer le budget que les députés n'avaient pas eu le temps de terminer, et il ne parut rester dans l'opinion publique de la capitale aucun symptôme de l'opposition qui s'était manifestée dans l'assemblée législative.

On y était alors vivement occupé de l'arrivée prochaine de la nouvelle impératrice Amélie -Auguste- Eugénie Napoleone, troisième fille de la duchesse de Leuchtemberg et nièce du roi de Bavière.

Nous avons donné des détails sur ce mariage, célébré à Munich le 2 août; sur le départ de la princesse et de la jeune reine de Portugal, dona Maria, qui s'embarquèrent le 30 août à Portsmouth. (V. ci-dessus page 300).

L'empereur attendait son épouse et sa fille, et le peuple entier partageait son impatience. La marquise de Santos, dont la liaison avec S. M. n'était pas agréable au peuple, avait été éloignée, et les appartemens de Boa Vista étaient somptueusement réparés plusieurs semaines avant l'arrivée des deux princesses.

Le 17 octobre, enfin, on siguala les deux frégates qui portaient l'impératrice du Brésil, la reine dona Maria, le duc de Leuchtem berg et toute leur suite. Le canon des forts et de toute la flotte l'annonça au peuple. L'empereur alla sur son yacht de promenade à la rencontre de son auguste épouse, et débarqua avec elle sous un arc de triomphe dressé à l'arsenal, au bruit des salves d'artillerie et des acclamations populaires. Le cortége se rendit du port à la chapelle du palais, où la bénédiction nuptiale fut donnée aux deux époux par l'évêque grand-aumônier, et suivie d'un Te Deum, dont la musique avait été composée par l'empereur lui-même. L'impératrice fit ensuite une entrée pompeuse dans la capitale, où elle fut accueillie par les acclamations de toutes les classes. On lança le même jour à la mer une corvette qui reçut le nom de S. M. (l'Amélie). Il y eut cercle à la cour, illuminations dans la ville et sur la flotte; promotions, faveurs de toutes espèces; et, pour per

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