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lors, la théorie de la garantie à raison des vices cachés fut constituée, et se détacha pleinement de la garantie que nous nous proposons seulement d'envisager.

Pour donner aux explications qui vont suivre le plus de clarté possible, nous les grouperons sous la quadruple division suivante.

Dans un premier chapitre, nous examinerons la nature de l'obligation de garantie en cas d'éviction et nous aurons à résoudre le difficile problème qui se formule ainsi : la garantie est-elle divisible ou indivisible?

Dans un second, nous verrons quelles sont les conditions générales que nécessitent les recours en garantie, et quels en sont les sujets actifs et passifs?

Dans un troisième, nous nous demanderons : par quelles actions le recours en garantie est exercé; quels sont les cas spéciaux d'application et les effets respectifs de chacune d'elles?

Enfin, dans un quatrième et dernier chapitre, nous préciserons quelles sont les causes de cessation de l'obligation de garantie.

CHAPITRE PREMIER.

Nature de la garantie.

L'action en garantie est, selon les explications données plus haut, l'action que l'acquéreur intente contre le vendeur ou ses ayants-cause, pour l'obliger, soit à le défendre contre la prétention d'un tiers, soit, à défaut de défense, à l'indemniser en cas d'éviction. L'exception est le moyen de défense par lequel l'acquéreur repousse la prétention du vendeur ou de ses ayants-cause sur la chose vendue. Quelle est la nature de l'obligation de garantie envisagée sous cette double face? Est-elle divisible ou indivisible? Pour nous faire mieux comprendre, prenons un exemple. Primus a vendu le fonds Sempronien d'une contenance de 500 jugera à Secundus. Il meurt, laissant pour héritiers Tertius et Quartus. Mævius revendique le fonds vendu. Secundus appelle en garantie Tertius et Quartus, et Tertius seul comparaît. Si l'action en garantie est indivisible, il ne se libérera pas en faisant maintenir Secundus en possession pour 250 jugera; il devra lui garantir la libre possession des 500; il sera tenu de défendre pour le tout. Au contraire, si l'action

est divisible, il se libérera, en faisant maintenir à Secundus la possession des 250 jugera. Voilà pour l'action.

Passons à l'exception. Il se trouve que Primus, le vendeur, avait vendu à Secundus le fonds Sempronien, appartenant à Mævius l'un de ses héritiers. Il décède laissant Mævius et Titius institués pour parts égales. Si l'exception de garantie est indivisible, Mævius ne pourra revendiquer aucune partie du fonds aux mains de Secundus; si elle est divisible, il pourra réclamer la moitié, et sera écarté pour l'autre moitié seulement.

Voilà les hypothèses pratiques dans lesquelles se soulève le problème. On remarquera ici que nous avons mis en scène l'acquéreur et les héritiers du vendeur; on pourrait faire la même espèce à l'égard de plusieurs vendeurs et d'un acquéreur unique. Mais ce qu'il importe de bien remarquer, c'est que, entre le vendeur primitif et l'acquéreur, on n'a pas à se demander si l'obligation est ou non divisible, car elle doit s'exécuter, comme si elle était indivisible. Ceci dit, abordons la discussion.

Sur ce point, les théories les plus diverses ont été émises, et, depuis la divisibilité complète jusqu'à l'indivisibilité absolue, tous les systèmes ont été soutenus.

La doctrine classique de nos anciens auteurs (1) considérait l'obligation de garantie comme indivisible, et l'exception comme divisible.

Quels sont les arguments donnés à l'appui de ce système?

(1) Dumoulin, Tractatus de div. et individ., pars II, nos 487 et suiv.; Pothier, loc. cit., nos 103 et 174.

On fait remarquer d'abord, au point de vue de la logique pure, que l'action ne peut être divisible, parce que tout fait est indivisible de sa nature. Quand je plaide, je plaide pour le tout ou point du tout; je fournis des arguments ou je n'en fournis pas; il n'y a pas de milieu. Au surplus, quand même on concevrait une défense partielle, il est certain que les parties n'ont pu vouloir, en contractant, admettre la possibilité d'une semblable solution. Dans l'exemple que nous avons choisi plus haut, l'acquéreur a acheté le fonds Sempronien, en entier, et non pas les 500 jugera qui le composent. Le morcellement de ce fonds n'a pu être admis par lui; donc chaque cohéritier ne peut satisfaire à l'obligation de garantie, qu'en défendant pour le tout.

Arrivent-ils, au contraire, à l'exception de garantie, nos anciens auteurs la déclarent en général divisible, parce que chaque héritier du vendeur ne succède aux obligations du de cujus, que dans la mesure de sa part héréditaire; chaque héritier n'est débiteur du fonds que dans la mesure de ce qu'il recueille dans la succession. Si la livraison n'avait pas eu lieu, il se serait libéré en livrant les 250 jugera; donc il ne saurait être tenu plus étroitement de l'obligation de garantie qui n'est que la suite, la conséquence de l'obligation de délivrance, et qui partant ne saurait avoir plus d'étendue que cette première obligation.

Comme on le voit, nos anciens auteurs posent en principe que l'action en garantie était indivisible d'une double indivisibilité. Elle était indivisible naturà seu contractu et obligatione. Et si nous appliquons à leur idée la terminologie moderne, nous dirons que, suivant eux, l'action en

garantie est indivisible à la fois naturellement et intentionnellement (1).

Examinons cette théorie, au point de vue des principes. Il faut, en matière d'indivisibilité distinguer entre les obligations qui tendent à un dare (transférer la propriété) ou à un facere. Pour les premières la divisibilité est la règle, et l'indivisibilité l'exception. Cela va de soi pour les choses de genre. Il en est de même eu égard aux corps certains, car ces objets composent une propriété partielle; on peut être propriétaire pour moitié, pour un quart d'un esclave, d'un cheval, etc..... Mais, il peut y avoir des obligations de dare indivisibles : par exemple, l'établissement d'une servitude de passage. La règle est inverse pour les faits pour eux, la divisibilité est l'exception, et l'indivisibilité la règle. Je m'oblige à faire tant de mètres cubes de maçonnerie: voilà un fait divisible; mais, au contraire, je m'engage à faire un voyage à Capoue; voilà un fait indivisible car j'irai à Capoue tout à fait ou je n'irai pas du tout, et si je vais jusqu'à moitié chemin, je n'aurai rien accompli en réalité. Or, la raison indique que cette impossibilité de scinder un fait sera la règle, et que, par suite, en thèse générale, les faits seront indivisibles. Quoi qu'il en soit, dans le doute, que présumer? Le critérium suivant peut servir de guide : Un fait sera indivi

(1) Pothier et Dumoulin émettant une théorie à peu près généralement suivie à leur époque, admettaient trois espèces d'indivisibilité : 1° l'indivisibilité naturâ seu contractu, c'est-à-dire l'indivisibilité absolue provenant de la nature des choses et révélée par le contrat luimême; 2o l'indivisibilité obligatione, résultant du point de vue spécial sous lequel les parties avaient, en contractant, envisagé l'objet du contrat; 3o l'indivisibilité solutione qui n'avait trait qu'à l'impossibilité d'effectuer un paiement divisé, l'obligation étant du reste parfaitement divisible à tous les autres points de vue.

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