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quant à elle, nous rentrons dans le droit commun, et le témoignage est admis de plano (Paris 9 mai 1829, Dall. v° Paternité, no 252; Toulouse 4 juin 1842 Dall. v° Paternité, no 248).

Par une juste réciprocité les adversaires de l'enfant seront admis à opposer des témoins à ses témoins, et à démontrer que les faits allégués ne constituent pas une possession d'état suffisante, ou que l'enfant possède un autre état que celui qu'il prétend avoir.

Ils pourront même, une fois la possession d'état établie, combattre la preuve qui en résulte par la preuve contraire.

C'est ce qui résulte a contrario de l'art. 322. Cet article nous dit que l'état de l'individu, qui a un titre et une possession d'état conforme à ce titre, est inattaquable. D'où l'on conclut que l'état de celui qui n'a qu'un titre sans possession d'état, ou une possession d'état sans titre, est susceptible d'être attaqué.

Les intéressés pourront par conséquent prouver qu'aucun enfant n'est issu du mariage des prétendus parents, ou que l'enfant qui était issu de ce mariage est décédé. Enfin s'ils rapportent un titre de naissance contraire à l'état invoqué par le réclamant, toute la force probante de la possession d'état tombera nécessairement car elle n'a de valeur que s'il n'existe pas de titre.

Nous disons nécessairement, parce que l'art. 320 est formel à défaut de titre », dit-il. Donc s'il y a

«

un titre, c'est lui qui l'emporte soit en faveur de l'enfant, soit contre lui. Mais cela ne veut pas dire que si l'enfant avait été inscrit sous de faux noms, il ne serait pas admis à le démontrer, non pas sans doute au moyen de la possession d'état, puisqu'elle a perdu toute sa force, mais par témoins, et en se soumettant aux règles de l'art. 323, c'est-à-dire avec un commencement de preuve par écrit.

Rien d'ailleurs de plus rationnel il n'est pas probable que si l'enfant était véritablement issu de ceux qui lui ont donné la possession d'état, ils l'auraient fait inscrire sous de faux noms. Il est bien plus probable que l'enfant n'a pas l'état qu'il possède. La loi fait donc bien d'admettre l'enfant à se défendre, mais elle a raison d'exiger des garanties (art. 323).

$ 6.

Comparaison de la possession d'état avec les autres preuves de la filiation légitime.

Un premier avantage de la possession d'état sur le titre et le témoignage, c'est d'être une preuve plus vaste que les deux autres. Nous nous expliquons:

On sait que dans toute recherche d'une filiation légitime, quatre faits doivent être établis 1° le mariage des père et mère; 2o l'accouchement de la mère pendant le mariage; 3° l'identité du réclamant avec l'enfant dont elle est accouchée; 4° enfin la paternité.

Le titre n'établit qu'une chose : l'accouchement.

L'identité fait ensuite l'objet d'une preuve directe. Quant au témoignage, il prouve également la naissance, souvent même les témoins appelés à déposer sur le fait de l'accouchement sont en même temps appelés à témoigner de l'identité de l'enfant; mais en tout cas, il faut prouver cette identité.

Il n'en est pas de même de la possession d'état : non seulement elle fait présumer l'accouchement; mais encore par cela même qu'elle existe, ipso facto, l'identité de l'enfant est démontrée.

Ni le titre ni le témoignage ne prouvent le fait de la paternité, elle s'établit par des présomptions de la loi, c'est-à-dire par voie de conséquence. La possession d'état d'enfant légitime au contraire prouve la filiation paternelle en même temps que la filiation maternelle. Il est même impossible, comme nous l'avons vu plus haut, qu'elle prouve l'une sans prouver

l'autre.

La possession d'état a encore un autre avantage. Quand un enfant produit un acte de naissance, qui lui donne pour mère telle ou telle femme, le mari de cette femme peut faire tomber la présomption : Pater is est quem nuptiæ demonstrant par un désaveu fondé sur une impossibilité physique de cohabitation pendant le temps légal de la conception. Lorsque c'est au moyen d'une enquête que la maternité de la femme est établie, le mari n'a pas besoin pour se défendre de recourir à l'action en désaveu, il peut le faire par tous les moyens propres à prou

ver qu'il n'est pas le père de l'enfant (art. 325, C. c.). Mais dans le cas où l'enfant a invoqué la possession d'état, sa filiation maternelle et paternelle est établie, son père a reconnu sa légitimité. Dès lors il ne peut plus être question de désaveu (art. 314, C. c.), excepté cependant dans le cas exceptionnel de l'absence du mari.

En revanche le titre a sur la possession d'état ce grand avantage que la possession d'état ne peut prouver contre le titre, et que s'il y a dissidence entre eux, c'est le titre qui l'emporte (art. 320, C. sauf à l'enfant à écarter l'autorité du titre dans les termes de l'art. 323, qui autorise la recherche de la filiation même contre le titre.

c.),

Enfin, et c'est par là que se termine cette comparaison, le titre et la possession d'état ont cela de commun que lorsque la filiation est prouvée par l'un des deux isolément, la preuve contraire est possible. La loi ne le dit pas expressément; mais cela résulte évidemment par a contrario de l'article 323, qui déclare incontestable l'état de l'enfant, qui jouit à la fois d'un titre et d'une possession conforme à ce titre. C'est ce qui ressort encore, du moins pour l'acte de naissance, de l'art. 323, qui autorise l'enfant à prouver contre son titre, lorsqu'il a été inscrit soit sous de faux noms, soit comme né de père et de mère inconnus.

Concluons-en que si l'enfant entend se prévaloir de son acte de naissance ou de sa possession d'état,

les intéressés auront le droit de contester sa filiation, et que réciproquement, si l'enfant prétend que la filiation qui lui est attribuée par son acte de naissance ou sa possession d'état est fausse, il sera libre de réclamer son véritable état. Ce qui est permis contre l'enfant doit l'être à son profit.

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