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nele regardés pas comme une Di- « vinité. Vous fçavez que c'eft un « homme fujet à l'erreur comme « les autres, & capable d'être maî- «‹ trifé par fes paffions. Que préten-«< dez-vous donc ? Voulez-vous «<< avilir la Majefté de Dieu, & la« mettre au deffous d'un homme?« Quelle raifon avez-vous de vous «< plaindre, vous qui avez tant de« fois prêché aux autres fa juftice,« fa fageffe, fa bonté? Et qui vous « a dit que la mort de votre fils fût « un mai? N'eft-ce pas plûtôt une bienfait de Dieu & pour lui &« pour vous? Pour lui, puifqu'ayant «< été régénéré dans les eaux du Baptême, il joüit maintenant d'un «< bonheur qui ne finira jamais ; « Pour vous, puifque c'eft un In-« terceffeur que vous avez auprès « de Dieu, & que vous aurez beau- «‹ coup moins de peine à congédier «< la mere de ce fils, qui n'eft pas «

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votre Epoufe légitime.

"9 Mais je veux, lui ajoûtai-je » que vous ayez raifon de faire .con

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fifter la profperité dans les honneurs, dans les grands emplois,' ,, & dans les richeffes: fi c'est là » votre idée, je vois peu de Princes » à la Cour qui y foient autant ho»norez que vous, ou qui y ayent » des emplois auffi confidérables » que ceux dont vous êtes revêtu : » vous avez d'ailleurs des biens

proportionnez à vos emplois : >> vous voilà donc, felon vous, du » nombre de ces méchants, à qui » tout profpere? Et vous vous plai»gnez de Dieu ? &c.

Il foûrit à ces dernieres paroles, & il m'avoüa qu'à la verité il auroit de la peine à fe faire Chrétien avec cet attirail d'emplois & de dignitez, & l'affiduité au Service qui ne lui laiffoit prefque aucun moment de libre; mais que fi une

fois il pouvoit s'en dégager, fa converfion feroit fincere & durable. Il convenoit avec moi que les grandeurs & les richeffes du fiecle n'étoient pas les récompenfes que Dieu promettoit aux Chrétiens, & qu'effectivement elles ne méritoient pas nos empreffements. On verra dans la fuite de quelle maniere Dieu l'attira tout-à-fait à lui.

Il n'y a aucun de ces Princes dont la converfion n'ait eû quelque chofe de remarquable, &. dont le zele, la ferveur, & la vie toute fainte ne méritât une hiftoire particuliere qui édifieroit les gens de bien, & exciteroit les plus tiédes à la vertu. Je me contenterai de vous donner ici une, idée générale du mérite & de la vertu de ces illuftres Néophites, fans prefque garder d'autre ordre. que celui du tems de leur converfion à la Foy.

Environ deux ans après le dé part du grand Général dont j'at parlé cy-devant, l'Empereur le rappella pour venir paffer le nouvel an à la Cour, & y rendre compte en détail de l'état de l'armée & du Royaume de Tibet: il en avoit chaffé les ennemis, c'est-àdire, les troupes de Tfe vam raptan qui avoit occupé le payis des Lamas, & le ravageoit depuis: quatre ans. Ce Général ramena avec lui le Prince Paul, qu'il eftimoit fort à caufe de fa valeur, & de fon experience à la guerre : il rendit de lui un témoignage fi favorable à l'Empereur fon pere, que Sa Majesté l'éleva à de nouveaux honneurs, & augmenta fes appointêmens à proportion des dignitez dont Elle venoit de le décorer.

Mais le Prince Paul avoit bien d'autres vûës ; fa résolution étoit

prifede ne plus fervir d'autre Maître que JESUS-CHRÎT, & de ne plus combattre d'autres ennemis que ceux de fon nom. Il ne fut pas long-tems fans préfenter un Mémoire au Tribunal des Princes, où entr'autres chofes il difoit qu'une incommodité qui lui étoit furvenue aux genoux, le mettoit hors d'état de monter à cheval; que devenant par-là inutile pour le fervice, il n'étoit pas jufte qu'il poffédât les dignitez, ni qu'il jouît des appointemens dont l'Empereur l'avoit gratifié ; & qu'il fupplioit Sa Majesté de vouloir bien agréer fa démission.

Le Regulo Préfident de ce Tribunal étoit ami du Prince Paul; il fit fon rapport de telle maniere,que l'Empereur confentit à fa retraite : il lui laiffa néanmoins un titre d'honneur, qui no Fengageoit à aucune fonction,

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