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attitude imposante, le pays à manifester sa volonté dans le calme et la réflexion. Soyez prêts à réprimer toute tentative contre le libre exercice de la souveraineté du Peuple.

Soldats, je ne vous parle pas des souvenirs que mon nom rappelle. Ils sont gravés dans vos cœurs. Nous sommes unis par des liens indissolubles. Votre histoire est la mienne. Il y a entre nous, dans le passé, communauté de gloire et de malheur. Il y aura, dans l'avenir, communauté de sentiments et de résolutions pour le repos et la grandeur de la France.

Fait au palais de l'Élysée, le 2 décembre 1851.

(Signé) LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE.

Un si noble langage devait infailliblement être entendu de l'armée, car le Président de la République se bornait à lui demander de faire respecter la libre expression de la volonté universelle.

XXIII

Enfin Louis-Napoléon s'adressait à la nation entière, et lui demandait, dans les termes suivants, de déclarer si elle voulait, oui ou non, être sauvée, par l'établissement d'un régime sérieux et pratique, de l'anarchie et du pillage.

FRANÇAIS,

La situation actuelle ne peut durer plus longtemps. Chaque jour qui s'écoule aggrave les dangers du pays. L'Assemblée, qui devait être le plus ferme appui de l'ordre, est devenue un foyer de

complots. Le patriotisme de trois cents de ses membres n'a pu arrêter ses fatales tendances. Au lieu de faire des lois dans l'intérêt général, elle forge des armes pour la guerre civile; elle attente au pouvoir que je tiens directement du Peuple; elle encourage toutes les mauvaises passions, elle compromet le repos de la France je l'ai dissoute, et je rends le Peuple entier juge entre elle et moi.

:

La Constitution, vous le savez, avait été faite dans le but d'affaiblir d'avance le pouvoir que vous alliez me confier. Six millions de suffrages furent une éclatante protestation contre elle, et cependant je l'ai fidèlement observée. Les provocations, les calomnies, les outrages m'ont trouvé impassible. Mais aujourd'hui que le pacte fondamental n'est plus respecté de ceux-là même qui l'invoquent sans cesse, et que les hommes qui ont déjà perdu deux monarchies veulent me lier les mains, afin de renverser la République, mon devoir est de déjouer leurs perfides projets, de maintenir la République, et de sauver le pays, en invoquant le jugement solennel du seul souverain que je reconnaisse en France : le Peuple!

Je fais donc un appel loyal à la nation tout entière, et je vous dis Si vous voulez continuer cet état de malaise qui nous dégrade et compromet notre avenir, choisissez un autre à ma place, car je ne veux plus d'un pouvoir qui est impuissant à faire le bien, me rend responsable d'actes que je ne puis empêcher, et m'enchaîne au gouvernail quand je vois le vaisseau courir vers l'abîme.

Si, au contraire, vous avez encore confiance en moi, donnez-moi les moyens d'accomplir la grande mission que je tiens de vous.

Cette mission consiste à fermer l'ère des révolutions, en satisfaisant les besoins légitimes du Peuple et en le protégeant contre les passions subversives. Elle consiste surtout à créer des institutions qui survivent aux hommes, et qui soient enfin des fondations sur lesquelles on puisse asscoir quelque chose de durable.

Persuadé que l'instabilité du Pouvoir, que la prépondérance d'une seule Assemblée sont des causes permanentes de trouble et de discorde, je soumets à Vos suffrages les bases fondamentales suivantes d'une Constitution que les Assemblées développeront plus tard :

10 Un chef responsable nommé pour dix ans ;

2o Des ministres dépendants du pouvoir exécutif seul;

30 Un conseil d'État formé des hommes les plus distingués, préparant les lois et en soutenant la discussion devant le corps législatif;

4o Un corps législatif discutant et votant les lois, nommé par le suffrage universel, sans scrutin de liste qui fausse l'élection;

50 Une seconde Assemblée, formée de toutes les illustrations du pays, pouvoir pondérateur, gardien du pacte fondamental et des libertés publiques.

Ce système, créé par le Premier Consul au commencement du siècle, a déjà donné à la France le repos et la prospérité; il les lui garantirait encore.

Telle est ma conviction profonde. Si vous la partagez, déclarez-le par vos suffrages. Si, au contraire, vous préférez un gouvernement sans force, monarchique ou républicain, emprunté à je ne sais quel passé ou à quel avenir chimérique, répondez négativement.

Ainsi donc, pour la première fois depuis 1804, vous voterez en connaissance de cause, en sachant bien pour qui et pour quoi.

Si je n'obtiens pas la majorité de vos suffrages, alors je provoquerai la réunion d'une nouvelle Assemblée, et je lui remettrai le mandat que j'ai reçu de vous.

Mais si vous croyez que la cause dont mon nom est le symbole, c'est-à-dire la France régénérée par la Révolution de 89 et organisée par l'Empereur, est toujours la vôtre, proclamez-le en consacrant les pouvoirs que je vous demande.

Alors, la France et l'Europe seront préservées de l'anarchie, les obstacles s'aplaniront, les rivalités auront disparu, car tous respecteront, dans l'arrêt du peuple, le décret de la Providence.

Fait au palais de l'Élysée, le 2 décembre 1851.

LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE.

XXIV

Quoi de plus simple, de plus naturel, de plus universellement désiré qu'un pouvoir un peu durable, afin qu'il ait le temps de rasseoir la société, ébranlée par tant et de si profondes secousses?

Quoi de plus stérile, de plus irritant, de plus révolutionnaire en soi que ce régime parlementaire, sous lequel les Assemblées délibérantes entravaient toutes les affaires, agitaient sans cesse les passions des partis, entraient perpétuellement en lutte avec le gouvernement, le déconsidéraient et l'affaiblissaient dans l'opinion publique?

Qui n'applaudira au contraire à des Assemblées calmes, laborieuses, contrôlant, éclairant, aidant le

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chef de l'État, au lieu de le miner et de le combattre? Et qui ne sent que le suffrage universel, exercé à la commune, entre gens qui se connaissent et qui s'estiment, loin de l'influence des comités directeurs, arrachera la France des mains des vieux partis, et enverra aux Assemblées des hommes dévoués aux intérêts publics, et non aux brigues, aux coteries, et aux conspirations?

Les grandes mesures prises par le Président, la loyauté avec laquelle il faisait, sous la protection de l'armée, un appel au bon sens, au patriotisme, à la volonté libre de tous les citoyens, devaient donc frapper et frappèrent en effet tout le monde d'étonnement et d'admiration.

Une seule de ces mesures fut mal comprise.

Se reportant à l'exemple donné par d'autres grandes époques de notre histoire politique, le Président avait d'abord voulu que tous les citoyens votassent à l'aide de registres déposés dans les mairies, en inscrivant leur nom à côté de leur suffrage, affirmatif ou négatif. C'était un hommage rendu à la fierté et au courage des Français.

Informé des racines profondes que le scrutin secret avait poussées dans nos mœurs politiques, et du vœu général qui était fait pour son maintien, le Président n'a pas hésité un seul instant à le maintenir, voulant, avant tout, que l'opinion de chacun fût complétement et absolument libre.

XXV

Il eût été insensé d'espérer que les vieux partis politiques et le socialisme se laisseraient désarmer sans combattre.

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