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« Paris, le 7 décembre 1851.

• Général, dans plusieurs quartiers de Paris,quelques propriétaires ont l'impudeur de mettre sur leur porte Armes données. On concevrait qu'un garde national écrivit Armes arrachées de force, afin de mettre à couvert sa responsabilité vis-à-vis de l'État et son honneur vis-à-vis de ses concitoyens; mais inscrire sa honte sur le front de sa propre maison révolte le caractère français.

« J'ai donné l'ordre au préfet de police de faire effacer ces inscriptions, et je vous prie de me désigner les légions où ces faits se sont produits, afin que je propose à M. le Président de la République de décréter leur dissolution. »

Répondant immédiatement à cet appel, M. de Lawesteine signalait en ces termes la légion de Paris dont les armes avaient servi à l'émeute:

« Paris, le 7 décembre 1851.

» MONSIEUR LE MINISTRE,

«Toute la garde nationale applaudira aux sentiments exprimés dans la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire.

« Une des légions de Paris a subi le double affront du désarmement à domicile et des inscriptions honteuses dont vous parlez. Sa mairie, malgré la présence de plus de soixante hommes, a été prise par les insurgés c'est la 5e légion.

:

« Je viens vous la signaler et demander son licenciement. Je suis heureux d'avoir, d'un autre côté, un grand nombre de faits qui constatent l'esprit d'ordre et d'obéissance qui n'a cessé de régner dans d'autres légions. »

La 5. légion était immédiatement dissoute. L'administration pouvait donc reprendre, dès le 7, sa marche habituelle. C'est ce que faisait M. de Morny, par sa circulaire adressée aux préfets, et conçue en ces termes :

« Paris, le 7 décembre 1851.

• MONSIEUR LE PRÉFET,

«Par ma circulaire en date du 3 décembre, vous avez été investi du droit de suspendre et même de remplacer immédiatement tous les fonctionnaires dont le concours ne vous serait point assuré.

• Ces pouvoirs extraordinaires ont dû vous être conférés alors qu'il y avait nécessité de briser immédiatement les résistances qui auraient été de nature à compromettre le succès des grandes mesures de salut public décrétées par le prince Louis-NapoTéon.

« Ces pouvoirs vous permettaient d'atteindre les juges de paix, ils doivent cesser aujourd'hui, que le gouvernement est maître de la situation. Le temps qui doit s'écouler avant l'ouverture du scrutin permet d'ailleurs de suivre les voies ordinaires de nomination.

« Vous devrez donc à l'avenir, Monsieur le Préfet, laisser aux chefs des cours d'appel le libre et plein exercice du droit qui leur appartient de présenter, et au ministre de la justice l'exercice du droit qui lui appartient également de pourvoir à toutes les fonctions de la magistrature. M. le ministre de la justice invite au reste les procureurs généraux à prendre votre avis sur les révocations et sur les remplacements qui devraient être opérés. »

XLIV

Le 8 décembre, le Président de la République fermait l'ère de la lutte, et ouvrait l'ère de la confiance et du concours, par cette admirable proclamation au peuple français :

FRANÇAIS,

Les troubles sont apaisés. Quelle que soit la décision du peuple, la société est sauvée. La première partie de ma tâche est accomplie; l'appel à la nation, pour terminer les luttes des partis, ne faisait, je le savais, courir aucun risque sérieux à la tranquillité publique.

Pourquoi le peuple se serait-il soulevé contre moi?

Si je ne possède plus votre confiance, si vos idées ont changé, il n'est pas besoin de faire couler un sang précieux; il suffit de déposer dans l'urne un vote contraire. Je respecterai toujours l'arrêt du peuple.

Mais, tant que la nation n'aura pas parlé, je ne reculerai devant aucun effort, devant aucun sacrifice pour déjouer les tentatives des factieux. Cette tâche, d'ailleurs, m'est rendue facile.

D'un côté, l'on a vu combien il était insensé de lutter contre une armée unie par les liens de la discipline, animée par le sentiment de l'honneur militaire et par le dévouement à la patrie.

D'un autre côté, l'attitude calme des habitants de Paris, la réprobation dont ils flétrissaient l'émeute, ont témoigné assez hautement pour qui se prononçait la capitale.

Dans ces quartiers populeux où naguère l'insurrection se recrutait si vite parmi les ouvriers dociles à ses entraînements, l'anarchie, cette fois, n'a pu rencontrer qu'une répugnance profonde pour ces - détestables excitations.

Grâces en soient rendues à l'intelligente et patriotique population de Paris! Qu'elle se persuade de plus en plus que mon unique ambition est d'assurer le repos et la prospérité de la France.

Qu'elle continue à prêter son concours à l'autorité, et bientôt le pays pourra accomplir dans le calme solennel qui doit inaugurer une ère nouvelle pour la République.

Fait au palais de l'Élysée, le 8 décembre 1851.

LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE.

LXV

Enfin, une mesure capitale était prise, le même jour, par M. le ministre de l'intérieur ; c'est la proposition, convertie en décret, ayant pour objet de défendre la société contre l'armée du vice et du crime. Voici ce document mémorable, dont l'exécution ferme et sévère donnera du repos à la France pour une génération.

DÉCRET SUR LA TRANSPORTATION.

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS,

Le Président de la république,

Sur la proposition du ministre de l'intérieur,
Considérant que la France a besoin d'ordre, de

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travail et de sécurité; que, depuis un trop grand nombre d'années, la société est profondément inquiétée et troublée par les machinations de l'anarchie, ainsi que par les tentatives insurrectionnelles des affiliés aux sociétés secrètes et repris de justice, toujours prêts à devenir des instruments de désordre ; Considérant que, par ses constantes habitudes de révolte contre toutes les lois, cette classe d'hommes non-seulemeut compromet la tranquillité, le travail et l'ordre public, mais encore autorise d'injustes attaques et de déplorables calomnies contre la saine population ouvrière de Paris et de Lyon ;

Considérant que la législation actuelle est insuffisante et qu'il est nécessaire d'y apporter des modifications, tout en conciliant les devoirs de l'humanité avec les intérêts de la sécurité générale ;

DÉCRÈTE :

Article premier. Tout individu placé sous la surveillance de la haute police qui sera reconnu coupable du délit de rupture de ban pourra être transporté, par mesure de sûreté générale, dans une colonie pénitentiaire, à Cayenne ou en Algérie. La durée de la transportation sera de cinq années au moins et de dix au plus.

Art. 2. La même mesure sera applicable aux individus reconnus coupables d'avoir fait partie d'une société secrète.

Art. 3. L'effet du renvoi sous la surveillance de la haute police sera, à l'avenir, de donner au gouvernement le droit de déterminer le lieu dans lequel le condamné devra résider après qu'il aura subi sa peine.

L'administration déterminera les formalités pro

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