Page images
PDF
EPUB

CHAPITRE LII.

DE L'EXCUSE DE LA PROVOCATION.

(Commentaire des art. 321, 322, 323, 324, 325 et 326 du Code pénal.)

[merged small][merged small][ocr errors][merged small]

1428. Quel doit être le caractère de la provocation considérée comme excuse. 1429. Elle doit se manifester par des violences graves (art. 321).

1430. L'injure et l'outrage par paroles ne suffisent pas : il faut des violences

physiques.

1431. Les menaces verbales ne suffisent pas : il en serait autrement si elles étaient accompagnées de l'usage d'armes.

1432. Il faut que les violences aient été exercées envers les personnes : ce qu'il faut entendre par ces termes.

1433. Quid si les violences ont été exercées sur un tiers en présence de l'agent ? 1434. Il faut que les violences soient graves.

1435. Cette qualification s'applique aux coups aussi bien qu'aux violences. 1436. Il faut enfin que les violences soient le résultat d'une injuste agression. 1437. Cas où les violences sont commises par les agents de la force publique

dans l'exercice de leurs fonctions. Renvoi.

1438. Doit-il y avoir simultanéité d'action entre le fait de la provocation et le fait de l'homicide ?

1439. Cas où il y a quelque intervalle entre ces deux faits.

1440. L'excuse disparaît lorsque cet intervalle se prolonge de manière que l'un ne soit plus la suite de l'autre.

1441. La provocation cesse d'être une excuse dans le cas de parricide (art. 323). 1442. Est-elle une excuse dans le cas de coups portés par un fils à son père?

1443. Quid quand le parricide est commis par un mineur de seize ans? 1444. L'excuse ne s'applique pas non plus au meurtre commis entre époux.

Renvoi.

1445. Il y a lieu de poser l'excuse aux jurés toutes les fois qu'elle est proposée. 1446. Application des peines lorsque l'excuse est admise.

1447. Application au cas où la mort a été occasionnée sans intention de la

donner.

§ II.

De la provocation résultant d'un violent outrage à la pudeur.

1448. Ce qu'il faut entendre par un violent outrage à la pudeur dans le cas de l'art. 325.

1449. Si les outrages qui n'ont pas le viol pour but rentrent dans cette classe. 1450. Caractères que doit présenter l'excuse pour être admissible.

1451. Le crime de castration est-il excusable si l'outrage violent à la pudeur a été commis sur un tiers?

§ III.

De la provocation résultant d'une attaque faite pour pénétrer dans une maison pendant le jour.

1452. Droit distinct accordé par la loi à la personne attaquée dans sa maison, suivant que l'attaque a eu lieu pendant le jour ou pendant la nuit. 1453. L'art. 322 contient une règle générale qui est proposée comme exemple plutôt que comme une obligation stricte.

1454. Interprétation de cet article: il doit être étendu aux hypothèses ana

logues.

1455. Quid si le maître de la maison n'a pas attendu l'escalade ou l'effraction pour commettre les voies de fait ?

1456. Le meurtre et les blessures commis après l'accomplissement du crime et au moment de la retraite des malfaiteurs sont-ils encore excusables? 1457. Est-il nécessaire, pour l'application de l'art. 322, que la maison attaquée soit actuellement habitée ?

1458. Le bénéfice de l'excuse peut être invoqué par toutes les personnes, habitantes ou non de la maison, qui ont porté des secours.

§ IV.

De la provocation considérée comme excuse du meurtre de l'un des époux sur l'autre.

1459. Dans quels cas l'art. 324 doit être appliqué.

1460. L'époux, complice du meurtre commis sur son conjoint, peut-il profiter de l'excuse admise en faveur de l'auteur du crime?

1461. Distinction du cas de légitime défense et du cas où la vie de l'époux est mise en péril.

1462. Excuse du meurtre commis sur l'épouse ou son complice au moment où le mari les surprend en flagrant délit.

1463. La loi romaine accordait ce droit au père : cette disposition n'avait pas été adoptée dans l'ancien droit.

1464. Dispositions de la loi romaine et de l'ancienne jurisprudence sur le droit du mari.

1465. Conditions légales de l'excuse dans l'art. 324.

1466. Il faut que le meurtre ait été commis au moment où les coupables sont

surpris en flagrant délit.

1467. Appréciation des actes qui constituent le flagrant délit.

1468. Quid si le mari, soupçonnant l'infidélité de sa femme, s'est caché pour la surprendre ?

1469. L'excuse est-elle admissible si le mari a employé l'aide d'un tiers? 1470. Il faut, en second lieu, que le mari ait surpris l'adultère dans la maison

conjugale.

1471. Le mari peut-il proposer l'excuse s'il a entretenu une concubine dans la maison conjugale ?

1472. L'art. 324 est-il applicable à la femme qui a commis le meurtre aussi bien qu'au mari ?

1427. En exposant dans notre chapitre XV la théorie générale des causes justificatives et des excuses légales des crimes et des délits, nous avons renvoyé l'examen de plusieurs de ces excuses aux chapitres qui devaient traiter des crimes et des délits auxquels elles se rattachaient spécialement. De ce nombre sont la provocation et la légitime défense, causes d'excuse ou de justification de l'homicide volontaire et des coups ou blessures, et qui n'ont été admises par la loi qu'en ce qui concerne ces deux crimes. Il convient dès lors, et nous suivons d'ailleurs en cela l'ordre des dispositions du Code, de rechercher, après avoir tracé les caractères généraux de ces violences, l'influence de cette double cause sur leur criminalité. Nous nous occuperons en premier lieu, dans ce chapitre. de l'excuse de la provocation.

L'homicide et les coups et blessures, lorsqu'ils ont été précédés d'une provocation sont excusables, dans les quatre cas suivants :

1° Lorsqu'ils ont été provoqués par des coups ou violences graves envers des personnes;

2° Lorsqu'ils ont été provoqués par un violent outrage à la pudeur;

3o Lorsqu'ils ont été commis en repoussant, pendant le jour, l'escalade ou l'effraction des murs, des clôtures ou de l'entrée d'une maison;

4o Enfin, lorsqu'ils ont été commis par l'époux sur son épouse surprise en flagrant délit d'adultère.

Ces différentes hypothèses vont faire l'objet de quatre sections distinctes.

TOME IV.

9

§ Ier.

- De la provocation par coups ou violences.

1428. La principale difficulté de cette matière est de déterminer les faits auxquels la loi a voulu attribuer le caractère d'une provocation; elle les énonce sans les caractériser, elle admet l'excuse sans la définir.

La provocation, même lorsqu'elle se manifeste par des voies de fait et des violences, n'est, en général, qu'une injure, une insulte, un outrage; les violences qui l'accompagnent n'en changent point le caractère, elle ne font que l'aggraver. Si elle cessait d'avoir ce caractère, elle dégénérerait nécessairement en une véritable attaque; elle menacerait ou la vie, ou du moins la sûreté personnelle de celui qui en est l'objet, et ne serait plus alors une simple provocation; il y aurait nécessité pour la personne attaquée de se défendre; l'homicide ne serait pas seulement excusable, il serait justifié.

C'est, en effet, de la nature de l'attaque que doit dériver la nature du droit de la défense : si la personne qui en est l'objet a de justes motifs de craindre pour sa sûreté personnelle, la loi n'a pu la priver du droit naturel de repousser la force par la force. Mais si l'attaque ne se propose qu'un outrage, si elle ne menace ni sa sûreté, ni sa vie, son droit se modifie, et les voies de fait auxquelles elle se livre elle-même trouvent encore dans cet outrage une excuse, mais non plus une cause de justification; en effet, si la personne outragée n'écoutait que la voix de la raison, elle ne se ferait point justice ellemême, elle aurait recours à la protection des lois. Dans une société régulière, il n'est permis à personne de repousser un outrage par un outrage, une voie de fait par une voie de fait : l'individu ne doit pas se venger, il ne lui est permis que de se défendre. C'est à la justice à réparer les injures qui ont pu l'atteindre; c'est au pouvoir social à substituer la puissance du juge aux querelles privées, le glaive de la loi aux vengeances des citoyens.

Celui qui venge lui-même l'injure qu'il a reçue est donc coupable aux yeux de la loi comme aux yeux de la morale; car il usurpe la puissance sociale, il demande à la force une répara

tion qu'il devait attendre de la justice; il règle lui-même, dans l'élan de la passion, le taux de cette réparation; enfin, il devient agresseur au moment où il excède la mesure des violences qui ont été exercées sur sa personne. Néanmoins sa culpabilité n'est pas la même que si son action n'avait pas été précédée d'une insulte; car il n'a point agi avec préméditation et même avec sang-froid; il a frappé dans l'émotion de la colère, et cette colère n'était pas dénuée de motifs : il est donc coupable, mais à un moindre degré; l'injure ne le justifie pas, mais elle l'excuse. Or cette modification de la culpabilité, qui s'affaiblit sans cesser d'exister, atteste la règle que nous avons posée tout à l'heure, à savoir que le caractère principal de la provocation est celui d'un outrage, car la criminalité cesserait entièrement au moment où l'agent lèverait le bras, non pour se venger, mais pour se défendre.

1429. Toutefois, même pour admettre cette atténuation de la peine, on conçoit que la provocation doit avoir un caractère grave toute injure ne serait pas suffisante pour servir d'excuse à l'agent. Cette excuse prend sa source dans l'émotion qui maîtrise ses sens et le précipite vers une action irréfléchie. Il faut donc que la provocation soit de nature à produire une vive impression sur son esprit, à jeter la perturbation dans sa pensée, à lui ôter sa liberté de réflexion. La loi civile ne reconnaît à la violence le caractère légal qu'autant qu'elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu'elle peut lui inspirer la crainte d'exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent. On a égard, en cette matière, à l'âge, au sexe et à la condition des personnes (art. 1112 du Cod. civ.).

Tel est aussi le principe adopté par le Code pénal. L'orateur du gouvernement s'exprimait, dans l'exposé des motifs, en ces termes : « Le Code n'admet pas l'excuse sans une provocation violente, et d'une violence telle que le coupable n'ait pas eu, au moment même de l'action qui lui est reprochée, la liberté nécessaire pour agir avec une mûre réflexion. Sans doute il a commis une action blâmable, une action que la loi ne peut se dispenser de punir; mais il ne peut être, aux yeux de la loi, tout à fait aussi coupable que si la provocation qui

« PreviousContinue »