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minée, suivant les circonstances, d'après la disposition combinée de ces deux articles 1.

1447. Il nous reste à faire une observation, qui se rattache au texte de l'art. 321. Cet article ne déclare excusables, en cas de provocation, que le meurtre et les coups et blessures. Or le meurtre, dans le système du Code, est l'homicide commis avec le dessein de tuer; d'où il suivrait que l'homicide commis volontairement, mais sans intention de donner la mort, et que le deuxième paragraphe de l'art. 309 a prévu, ne pourrait profiter du bénéfice de cette excuse. Telle n'a pu être l'intention du législateur. Le Code de 1810 avait confondu ces deux homicides volontaires dans une qualification commune, celle du meurtre; de là la rédaction de l'art. 321. Il eût fallu que la loi de 1832, qui a distingué deux espèces d'homicides volontaires, avec ou sans intention de tuer, et qui a restreint la qualification de meurtre à la première, substituât, dans cet article, au mot meurtre qui n'exprime qu'une espèce, celui d'homicide volontaire qui exprime le genre; mais cette omission ne peut influer sur le sens de la loi, qui comprend évidemment toutes les espèces d'homicide volontaire comme tous les coups et blessures, et qui n'a posé de limites à la puissance de l'excuse de la provocation qu'en ce qui concerne l'assassinat, parce que la préméditation a paru inconciliable avec cette excuse.

§ II. De la provocation résultant d'un violent outrage à la pudeur.

1448. Nous avons déjà remarqué que l'art. 321, en exigeant que la provocation, pour constituer une excuse légale, résultât de coups ou violences graves, n'a point défini ces violences. Tous les faits de cette nature qui peuvent exciter l'indignation et la colère de l'agent, et lui ôter la liberté d'esprit nécessaire pour agir avec réflexion, doivent donc produire les mêmes. effets tels sont les attentats à la pudeur.

Il faut distinguer, parmi ces attentats, ceux qui placent la personne outragée en état de légitime défense, et la justifient

1 V. dans ce sens Carnot, sur l'art. 326, t. 2, p. 90, et Rauter, t. 2,

p. 54.

par conséquent de l'homicide qu'elle commet, et ceux qui ne constituent qu'une insulte et outrage.

Le crime de viol et la tentative de ce crime placent nécessairement la personne qui en est l'objet en état de légitime défense'. L'homicide qu'elle commet pour se défendre est donc légitime. Cette décision est empruntée à la loi romaine. Divus Hadrianus præscripsit eum qui stuprum sibi vel suis per vim inferentem occidit, dimittendum'. La raison qui en est donnée par les anciens auteurs est que le déshonneur est une chose plus grave et plus redoutable que la mort même : plus est stuprum quàm mors, et major est timor stupri quàm mortis3. Ces auteurs, en conséquence, enseignent qu'il est licite de tuer le coupable pro defensione sui honoris licitum est stupratorem occidere. « La femme qui tue son ravisseur, dit Jousse, pour conserver sa pudicité, ne mérite aucune peine, et est plutôt digne de récompense que de blâme et de punition". » Quelques auteurs ont même pensé que l'homicide était légitime, non-seulement pour empêcher le viol, mais pour en tirer vengeance après qu'il avait été commis: violentiam castitatis non solùm qui potest propulsare ne fiat, sed etiam inferentem hanc violentiam in flagranti crimine, licet occidere animo ulciscendi 5. Dans ce dernier cas, toutefois, la légitime défense existé encore in flagranti crimine; mais si l'agent poursuivi par sa victime succombait sous ses coups, le viol consommé cesserait alors d'être une cause justificative de l'homicide; il n'y aurait plus qu'une violente provocation.

1449. Les autres attentats à la pudeur, qui ont pour but l'outrage et non le viol, doivent être considérés comme une provocation suffisante du meurtre, ainsi que des coups et des blessures, et, par conséquent, comme autorisant l'application de l'art. 321. Le texte de cet article ne s'oppose nullement à cette application, car il établit en thèse générale les violences graves envers les personnes comme causes d'excuse de ces crimes. Or, comment

1 V. le chapitre suivant, dans lequel nous revenons sur cette question.

2 L. 1, § ult., Dig. ad leg. Corn. de sicariis.

3 Farinacius, quæst. 125, num. 44.

4 Traité des mat. crim., t. 3, p. 748.

3 V. les auteurs cités par Farinacius, quæst. 125, num. 44.

ne pas ranger dans cette classe les attentats à la pudeur commis avec violence sur les personnes? De tels actes ne constituent-ils pas les violences les plus graves, et surtout ne forment-ils pas la provocation la plus énergique? Comment dénier le bénéfice de l'excuse à la femme qui n'a fait que repousser un violent outrage, tandis que ce bénéfice lui serait assuré par le seul fait qu'elle aurait reçu des coups? Il est évident que la cause impulsive et déterminante de l'action est de la même nature dans les deux hypothèses, et que sa force est bien plus grande dans la première; toute distinction serait donc injuste; l'art. 321 comprend toutes les violences graves.

1450. Cela posé, il semble que la disposition de l'art. 325 était surabondante, car l'art. 321 la renfermait implicitement dans ses termes. En effet, l'art. 325 est ainsi conçu: « Le crime de castration, s'il a été immédiatement provoqué par un outrage violent à la pudeur, sera considéré comme meurtre ou blessures excusables. >>

Mais le législateur a dû faire de cette espèce de blessure l'objet d'une disposition particulière, parce qu'elle suppose, en général, une sorte de préméditation; qu'il pouvait dès lors s'élever, dans cette hypothèse, des doutes sur l'application de l'art. 321, et qu'il était nécessaire de déclarer expressément cette application.

La loi n'admet comme excuse qu'un violent outrage à la pudeur. Que faut-il entendre par ces mots ? Nous croyons que l'on doit entendre les attentats consommés ou tentés avec violence, c'est-à-dire les violences physiques de nature à offenser la pudeur. En effet, l'art. 325 n'est que l'application, dans une espèce particulière, du principe posé par l'art. 321. Les conditions de l'excuse doivent donc être les mêmes, et, par conséquent, il est nécessaire, comme l'exige ce dernier article, que les violences soient exercées sur les personnes mêmes. Ainsi un outrage à la pudeur, commis sous les yeux d'une personne, mais sans violences exercées sur elle ou sur un tiers, ne serait pas une excuse légale de la castration. Les violences constituent seules une provocation assez forte pour atténuer le crime. L'art. 321 exige, de plus, que ces violences soient graves; et nous ne pensons point qu'il y ait lieu de déroger ici à cet article.

1451. La castration est-elle excusable si l'outrage violent à la pudeur a été commis non sur son auteur, mais sur un tiers? Nous avons déjà résolu cette question affirmativement à l'égard de l'homicide et des blessures que des violences graves ont provoqués; les mêmes motifs commandent la même solution. Comment refuser au père ou à la mère, agissant sous l'impression de l'injure faite à leur fille, le droit d'invoquer l'excuse? La loi romaine l'étendait non-seulement à la victime, mais à ses parents, sibi vel suis. Tous les témoins de l'outrage, qui opèrent la castration immédiatement et pour punir cet outrage doivent être excusables, car la même cause modifie leur criminalité; ils sont coupables au même degré; ils ont agi d'après la même impulsion; les mêmes dispositions doivent les atteindre. Il faut cependant excepter le cas où un complot aurait été formé à l'avance pour l'exécution de la mutilation, et où l'outrage viclent à la pudeur n'aurait été que le résultat et la suite d'une provocation faite à l'offenseur : il est évident que, dans une telle hypothèse, les auteurs de la mutilation ne pourraient invoquer comme excuse un outrage qu'ils auraient euxmêmes provoqué.

§ III.

De la provocation résultant d'une attaque faite pour pénétrer dans une maison pendant le jour.

1452. L'art. 322 assimile aux violences graves sur les personnes, et qui fondent l'excuse du meurtre et des coups et blessures, l'escalade, l'effraction, et la violation du domicile commises pendant le jour. Ces actes d'agression sont considérés comme une sorte de provocation. L'art. 322 est ainsi conçu : « Les crimes et délits mentionnés au précédent article sont également excusables, s'ils ont été commis en repoussant pendant le jour l'escalade ou l'effraction des clôtures, murs ou entrée d'une maison ou d'un appartement habité, ou de leurs dépendances. Si le fait est arrivé pendant la nuit, ce cas est réglé par l'art. 329. »

La première disposition à laquelle il faut s'arrêter dans cet article est le droit différent qu'il accorde à la personne attaquée dans sa maison, suivant que l'attaque a eu lieu pendant

la jour ou pendant la nuit. Cette distinction est fondée sur la nature des choses pendant la nuit, ainsi que nous le verrons dans le chapitre suivant, en expliquant l'art. 329, la personne menacée dans son domicile est considérée comme en état de légitime défense; elle ne peut reconnaître les assaillants, elle ignore leurs projets, elle peut les supposer homicides; les secours sont éloignés ou incertains; le péril est imminent; la défense n'est pas forcée de les attendre, elle peut les prévenir. La situation n'est plus la même pendant le jour : les assaillants peuvent être reconnus et livrés plus tard à la justice; il est facile d'apprécier leurs desseins et de les déjouer ; les secours sont plus prompts, les nécessités de la défense moins urgentes, le péril moins menaçant.

Cette distinction, fondée sur l'imminence présumée du danger se trouve dans les législations les plus anciennes. On lit dans l'Exode: Si effringens fur domum sive suffodiens fuerit inventus, et accepto vulnere mortuus fuerit, percussor non erit reus sanguinis. Quod si orto sole hoc fecerit, homicidium perpetravit. Solon permettait également de tuer ou de blesser, en le poursuivant, le voleur de nuit, et la loi des XII Tables avait recueilli sa décision: Si noctu furtum fiat, furem autem aliquis occiderit, impunè esto. Cette loi fut continuée par les édits des préteurs et recueillie par le Digeste, qui la reproduit et l'explique en ces termes : Lex XII Tabularam furem noctu deprehensum occidere permittit, ut tamen id ipsum cum clamore testificetur interdiù autem deprehensum ità permittit occidere, si is se telo defendat3. On la retrouve dans les Capitulaires de Charlemagne : Fur nocturno tempore captus in furto dùm res furtivas secum portat, si fuerit occisus, nulla ex hoc homicidio querela nascatur. Les auteurs attestent que la jurisprudence a constamment appliqué cette règle'.

1453. Cependant elle ne doit point être prise dans un sens

1 Cap. 22, num. 2 et 3.

2 Demosth., orat. adv. Timocrat.

3 L. 4, Dig. ad leg. Aquiliam,

4 Cap. reg. Franc. Baluze, lib. 5, num. 343.

Farinacins, quæst. 25, num. 199; Jousse, t. 3, p. 501.

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