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1525, Résumé des règles de la matière.

1526. L'acquittement sur le crime d'attentat à la pudeur avec violences n'est pas un obstacle à la poursuite ultérieure du délit d'outrage public à la pudeur.

1502. Nos lois anciennes avaient déployé une extrême sévérité dans la répression des attentats aux mœurs. La limite qui sépare, en cette matière, l'acte immoral et le délit, n'avait pas été aperçue. Le législateur, dominé d'abord par la pensée de réformer les mœurs, entraîné ensuite avec plus de force dans la même voie par les idées religieuses, confondait dans ces incriminations, avec les faits de violence et de corruption, tous les actes de libertinage, toutes les immoralités, toutes les actions honteuses que la morale réprouve et qui avilissent et dégradent l'homme, mais que la société se voit forcée de ne pas punir tant qu'ils ne dégénèrent pas en scandale public. C'est ainsi que la loi avait prévu, en leur assignant des degrés divers de criminalité, la fornication, le stupre, le rapt de séduction, l'inceste, la sodomie, la bestialité.

1503. La simple fornication échappait seule à la loi pénale : fornicatio simplex de jure civili non est prohibita1. Mais on ne comprenait sous ce mot qu'un commerce volontaire avec des filles ou des veuves majeures qui consentaient à se prostituer, ou, pour mieux dire, avec des filles publiques'. L'empereur Constantin supprimait en ce cas toutes poursuites, parce que ces femmes, par la bassesse de leur vie, échappaient à la sollicitude de la loi : Hæ autem immunes à judiciarid severitate et stupri et adulterii præstentur quas vitæ vilitas dignas legum observatione non credidit. La fornication n'était égale

1 Julius Clarus, § Fornicatio, n. 1; Farinacius, dé delictis carnis, quæst. 137, n. 41; Jousse, t. 8, p. 708. — La loi canonique portait : Specialiter intelligitur fornicatio in usu viduarum, vel meretricum, vel concubinarum.

2 Damhouderius, ch. 93, p. 294, và même jusqu'à donner ce motif de la tolérance de la loi civile: Eam majoris mali vitandi gratia, prudenter dissimulat et permittit justitia sæcularis. Muyart de Vouglans, Lois crim., p. 212; Damhouderius, cap. 94, num. 2.

3 L. 29, C. ad leg. Jul. de adulteriis.

ment passible d'aucuns dommages et intérêts, suivant la maxime: Scienti et consentienti non fit injuria neque dolus. Il n'en était plus ainsi dès que la fornication était accompagnée de circonstances qui en aggravaient le caractère : elle prenait alors le nom de stupre ou de rapt de séduction. « Il y a cette différence, dit Muyart de Vouglans, entre le stupre et la fornication, qu'au lieu que celle-ci se commet avec les filles de mauvaise vie qui se prostituent à prix d'argent, le stupre suppose que la fille ou la veuve a été jusqu'ici d'une conduite régulière, et qu'elle ne s'est laissé séduire que par l'espérance du mariage1. >>

1504. Ainsi le stupre supposait une séduction exercée, soit par des promesses, soit par des présents, sur une femme d'une réputation jusque-là intacte: Stupri flagitium punitur cùm quis sine vi vel virginem vel viduam honestè viventem stupraverit. La peine de ce délit était, dans la loi romaine, la confiscation de la moitié des biens si le coupable était d'une condition honnête, et une peine afflictive avec relégation s'il était d'une condition inférieure 3. Le droit canonique voulait qu'il fût condamné à épouser la fille séduite, ou, en cas de refus, à la doter. Cet usage, observé pendant longtemps, s'était maintenu dans quelques parties de la France, et notamment jusqu'en 1730; il fallut qu'une déclaration du 22 novembre 1730 vint l'abolir explicitement : cette déclaration était fondée sur ce que l'expérience avait démontré que les filles faisaient une spéculation de cette peine pour se procurer des partis avantageux. L'art. 3 de cette déclaration portait : « Les personnes majeures ou mineures qui se trouveront seulement coupables

1 Lois crim., p. 212.

Inst., 1. 4, de publicis judiciis, § 4.

5 Ins., ibid.; 1. 37, § 1, Dig. ad leg. Jul. de adulteriis.

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« Sur la requête de cette fille qui demande à épouser celui qu'elle appelle son suborneur, et sur le consentement que la crainte de la mort arrache toujours au condamné, un commissaire de parlement le conduit à l'église, les fers aux pieds, pendant que la fille est en liberté ; c'est là que, sans publication de bans et par la seule autorité du juge séculier, se consomme un engagement dont la débauche a été le principe, et dont les suites, presque toujours tristes, ont rendu cette jurisprudence odieuse à ceux mêmes qui la suivent, sur la foi de l'exemple de leurs pères. (Préambule de l'ord.)

d'un commerce illicite seront condamnées à telles peines qu'il appartiendra, selon l'exigence des cas. » Muyart de Vouglans atteste que ces peines, d'après la jurisprudence, étaient de simples aumônes avec des dommages-intérêts, sauf le cas où la gravité des circonstances et la qualité des coupables pouvaient donner lieu à des peines corporelles'.

1505. Le rapt de séduction était un délit plus grave: il consistait, suivant les termes de l'art. 1er de la déclaration du 22 novembre 1730, dans le fait « d'avoir séduit et suborné par artifices, intrigues ou mauvaises voies, des fils ou filles (mêmes des veuves) mineurs de 25 ans, pour parvenir à un mariage à l'insu ou sans le consentement des pères, mères ou tuteurs ». Ainsi il n'était pas nécessaire qu'il y eût enlèvement de la personne séduite; il fallait seulement que cette personne fût mineure, et que la séduction se fût opérée à l'insu ou contre le gré des parents: de là la dénomination de raptus in parentes donnée à ce délit'. La peine était très-rigoureuse; l'art. 2 de la même déclaration, reproduisant l'art. 42 de l'ordonnance de Blois et la déclaration du 26 novembre 1639, portait : « Voulons que ceux ou celles qui seront convaincus dudit rapt de séduction soient condamnés à la peine de mort, sans qu'il puisse être ordonné qu'ils subiront cette peine s'ils n'aiment mieux épouser la personne ravie. » Toutefois les parlements n'appliquaient cette peine que dans le cas où l'accusé avait employé des moyens odieux pour réussir, ou lorsqu'il était soit domestique de la personne séduite, soit son tuteur, son médecin, son seigneur ou son confesseur. On retrouve encore aujourd'hui ces dispositions, modifiées seulement en ce qui concerne les peines, dans les législations américaines3, dans le Code de Prusse, § 145, et dans le Code de la confédération du Nord de l'Allemagne, § 173.

1 Lois crim., p. 212.

2 V. infrà notre ch. de l'enlèvement des mineurs.

3 V. l'art. 224 du Code du Brésil, et l'art. 342 du projet de Code de la Louisiane; ce dernier article est ainsi conçu : . Whoever shall be guilty of seducing a woman of good reputation under a promise of marriage and shall violate his promise, shall be fined not less than one hundred nor more than one thousand dollars and shall be imprisoned not less than one nor more than six months.

1506. L'inceste est le commerce illicite qui a lieu entre les personnes qui ne peuvent se marier à raison de leur parenté ou alliance; la peine de l'inceste était la mort, soit qu'il eût été commis entre ascendants et descendants, soit entre frères et sœurs, soit entre beaux-pères et belles-mères, beaux-fils et belles-filles. Il en était de même de celui qui avait eu commerce successivement avec la mère et la fille. L'inceste des beaux-frères et belles-sœurs, oncles et nièces, n'était passible que d'une peine arbitraire 3. Ce commerce criminel est encore aujourd'hui puni chez la plupart des peuples : les statuts de New-York le punissent d'un emprisonnement dans un pénitencier pendant dix ans au plus (tit. 5, § 12, no 3); le Code de Géorgie, de la même peine pendant un an à trois ans (10o div., sect. 4); le Code d'Autriche, de six mois à un an de prison (art. 113); le Code de Prusse, § 141, d'une détention de cinq ans dans un fort, quand l'inceste est commis entre ascendants et descendants, et d'une reclusion de trois mois à deux ans quand il est commis entre frères et sœurs en âge de puberté. Le § 173 du Code de la confédération du Nord reproduit cette disposition.

1507. Enfin la sodomie et la bestialité étaient punies du dernier supplice; toutefois il est à remarquer que les anciens Romains ne frappaient le premier de ces crimes que d'une amende de dix mille sesterces. Les empereurs chrétiens établirent la peine de mort, et les expressions que Constantin emploie pour la prononcer sont remarquables: Jubemus insurgere leges armari jura gladio ultore ut exquisitis pœnis subdantur infames qui sunt vel qui futuri sunt rei'. Un capitulaire de

1 Glos. in l. 2, C. de adulteriis; Damhouderius, cap. 94, n. 4; Boërius, quæst. 318, n. 3; Farin., quæst. 149, n. 62; Julius Clarus, § Incestus, n. 3; Menochius, de arbitr. jud. casu 102, n. 9. - Capitul. de Childebert. Si quis

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uxorem patris acceperit mortem incurrat (Baluze, t. 1or, p. 11).

2 Farin., quæst. 149, num. 104.

3 Ibid., n. 88, 23 et 96.

4 Cicéron, Epist., 1. 8, 12 et 14; Suétone in Domitiano, cap. 8; Quintilien, Inst. orat., 1. 4, cap. 2.

5 L. 31, C. ad leg. Jul. de adulteriis; nov. 117, de his qui luxuriantur contrà naturam, cap. 1. V. aussi Lévit., cap. 18 et 20.

Charlemagne, qui se réfère à cette loi, ordonne également l'application de la peine de mort: Scimus quoniam talium criminum patratores, lex romana quæ est omnium humanarum mater legum, igne cremari jubet. Scire enim vos cupimus quia quicumque super his aut faciens aut libenter consentiens inventus fuerit, nos eum juxtà prædictam romanam legem velle punire1. Muyart de Vouglans atteste que la disposition de la loi romaine était suivie dans le royaume, et ajoute « que l'usage constant était de le punir de la peine du feu, à l'exemple du châtiment que la justice divine en a tiré 2. » Jousse rapporte un grand nombre d'arrêts qui avaient appliqué cette peine. Quelques législations modernes ont continué de punir ces abominables actes; l'art. 113 du Code d'Autriche punit de six mois à un an de prison « l'attentat contre nature ». Le § 175 du Code prussien et le § 144 du Code allemand prononcent un emprisonnement. La loi anglaise n'a point abrogé ses statuts qui autorisent encore l'application de la peine de mort "; enfin la loi américaine prononce une détention qui peut s'élever jusqu'à dix ans ".

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1508. Les différents faits que nous venons de parcourir, quelque honteux et coupables qu'ils soient, ont cessé de figurer dans notre législation pénale. Écartés des tribunaux de répression par les lois des 19-22 juillet et 25 septembre-6 octobre 1701, notre Code les a également rejetés de ses dispositions; le législateur s'est borné à incriminer les actes contraires à la décence qui se produisent en public, les faits de corruption pratiqués sur les mineurs, et les violences commises sur les personnes. C'est à ces actes, en effet, que son action doit se restreindre ceux-là seuls portent à autrui un dommage visible et appréciable; seuls ils se manifestent aussi avec un fait matériel

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1 Capit. Carol. Magn., add. 4, c. 103. Et le 5 des Établissements de saint Louis, ainsi conçu «Se aucune est soupçonneux de bougrerie, la justice il doit le prendre et envoyer à l'évesque, et se il en étoit prouvés l'on le doit ardoir. »

2 Lois crim., p. 244.

5 T. 4, p. 119.

By. 9, Georges IV, c. 31, sect. 15.

5 Stat. revis. of New-York, tit. 5, § 20.

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