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peines de police portées par l'art. 605 du Code du 3 brumaire

an Iv.

1330. Mais les violences sont comprises dans les dispositions de l'art. 311, dès qu'elles laissent des blessures, ou qu'elles se manifestent par des coups. Ainsi le tribunal de police cesse d'être compétent, et l'art. 311 est seul applicable :- lorsque la plainte articule « des coups volontaires et plusieurs soufflets volontairement appliqués1; » - lorsqu'une femme est inculpée d'avoir pris la tête d'une fille entre les jambes, d'avoir fait frapper sur elle son petit garçon avec un bâton ou de lui avoir elle-même frappé la tête contre terre 2; » lorsque les violences consistent en coups de canne portés sur la tête 3 ou simplement en coups volontaires "; lorsque la plainte énonce « que le prévenu a renversé le plaignant par terre et lui a porté des coups de poing; » lorsqu'il s'agit du fait d'avoir jeté à une personne une pierre qui l'a blessée *.

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Trois conditions sont donc exigées pour l'existence du délit et pour l'application de l'art. 311: il faut que le prévenu ait fait des blessures ou porté des coups, c'est là l'élément matériel du délit ; qu'il ait agi volontairement, c'est-à-dire avec l'intention de nuire, car si les coups ont été involontaires, ou le délit n'existe plus, ou il change de nature; enfin, que les coups ou les blessures n'aient pas produit une incapacité de travail de plus de vingt jours, car le fait prendrait un caractère plus grave aux yeux de la loi. Ces différentes conditions vont être reprises tout à l'heure dans l'examen de l'art. 309.

1331. Nous devons faire remarquer ici que ces mots qui terminent le premier paragraphe de l'article: ou de l'une de ces deux peines seulement, ont été ajoutés à l'art. 311 par la loi du 28 avril 1832. Le but de cet amendement fut de donner aux tribunaux correctionnels la faculté de réduire les peines, et de les proportionner aux circonstances variées des innombrables.

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espèces de coups et blessures. A la vérité, l'article 463 disposait, d'un autre côté, que les tribunaux correctionnels sont autorisés à réduire l'emprisonnement même au-dessous de six jours, et l'amende même au-dessous de 16 fr., et qu'ils pourront aussi prononcer séparément l'une ou l'autre de ces deux peines ; mais ils ne peuvent user de cette faculté qu'en déclarant l'existence de circonstances atténuantes, tandis que l'application, dans l'hypothèse qui fait l'objet de l'article 311, soit de la peine de six jours d'emprisonnement, soit d'une seule amende de 16. francs, n'est subordonnée à aucune condition de motifs ou de faits atténuants.

1332. L'article 309 prévoit, dans son premier alinéa, la troisième catégorie des violences, celles qui ont produit une incapacité de travail de plus de vingt jours.

C'est ici que se trouve l'une des innovations les plus graves de la loi du 13 mai 1863; voici le texte du nouvel art. 309:

Art. 309. Tout individu qui volontairement aura fait des blessures ou porté des coups ou commis toute autre violence ou voie de fait, s'il est résulté de ces sortes de violences une maladie ou incapacité de travail personnel pendant plus de vingt jours, sera puni d'un emprisonnement de deux ans à cinq ans et d'une amende de 16 à 2,000 francs. — Il pourra, en outre, être privé des droits mentionnés en l'art. 42 du présent Code pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, à compter du jour où il aura subi sa peine. Quand les violences ci-dessus exprimées auront été suivies de mutilation, amputation ou privation de l'usage d'un membre, cécité, perte d'un œil, ou autres infirmités permanentes, le coupable sera puni de la reclusion. Si les coups portés ou les blessures faites volontairement, mais sans intention de donner la mort, l'ont pourtant occasionnée, le coupable sera puni de la peine des travaux forcés à temps.

L'exposé des motifs porte ce qui suit :

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Quand celui qui a frappé l'a fait avec la volonté de donner la mort, l'incrimination de cet acte par la loi ne présente pas de difficulté : c'est un assassinat ou un meurtre, selon qu'il a été commis avec ou sans préméditation. Des circonstances atténuantes peuvent dans quelques espèces modifier la criminalité et la peine, quand le jury a déclaré que ces circonstances existent. Mais nous ne parlons ici que de l'incrimination générique, celle qui est faite par la loi : elle est simple, facile et certaine. Les difficultés et les incertitudes commencent quand l'intention de donner la mort n'est pas établie. Où est la règle alors pour qualifier l'offense et mesurer la peine? A quel signe reconnaître la perversité de

l'agent et l'intensité de sa volonté criminelle ? Elle ne sera que très-imparfaitement révélée par le résultat matériel des blessures ou des coups; ce résultat, en effet, sa gravité ou son peu d'importance, dépendent de bien des causes qui ne peuvent être imputées à l'agent. Est-ce à dire pour cela qu'on n'en doit tenir aucun compte dans la pénalité; que les violences, les excès qui eurent des suites déplo rables, ne doivent pas être réprimés plus sévèrement que les voies de fait et les violences légères ? Non certes; c'est un principe écrit dans la conscience humaine, que le délit devient plus grave avec le préjudice; là n'est point la difficulté. Mais ce qui est vraiment difficile, c'est d'établir des catégories pour la distribution des peines, en fixant par avance, d'une manière uniforme, invariable, les conditions de durée et de gravité du mal, qui feront que la blessure sera crime ou délit (309-311). Quelques législations étrangères ont fait deux classes de blessures et de peines correspondantes, en abandonnant aux juges le soin d'apprécier dans chaque espèce quelles blessures sont graves et quelles sont légères. Ce système, que nous ne jugeons point, ne pouvait pas être celui du Code. Il a emprunté le sien à une disposition de la loi de 91, mais en réduisant à une durée de plus de vingt jours la circonstance aggravante de l'incapacité de travail, qui était de plus de quarante jours dans cette loi (art. 21 de la sect. 1re du titre 2). Que cette circonstance puisse motiver justement une répression correctionnelle plus sévère, nous le reconnaissons volontiers, et le projet de loi dispose en conséquence mais nous ne croyons pas qu'on doive lui attribuer la vertu de changer le caractère de l'infraction et la nature de la peine. Elle n'a pas la certitude et la fixité nécessaires pour servir de limite entre deux juridictions et de base à une distinction aussi fondamentale que celle de crime ou délit. On peut trop facilement en procurer l'apparence et en prolonger la durée. Trop de causes étrangères, qui ne sont pas toutes de bon aloi, peuvent concourir à sa formation: l'erreur, l'inhabileté, l'imprudence, le défaut de soin, la fraude intéressée. Le fait principal même, hors les cas de préméditation, porte rarement avec lui un caractère marqué d'immoralité. Il y a dans ces actes de violence plus d'irréflexion et de colère que de volonté criminelle : ce sont des faits de rixe et d'emportement, où le blâme n'est pas toujours du côté de la peine, et que le jury hésite à punir comme des crimes. Les relevés statistiques de la justice criminelle montrent que les acquittements sont dans la proportion de moitié, et que sur cinquante condamnés, plus de quarante le sont correctionnellement. De leur côté, les magistrats, pour obtenir une répression plus certaine et plus égale, écartent fréquemment la circonstance de l'incapacité de travail, et se réduisent à poursuivre devant les tribunaux correctionnels l'application de l'art. 311. Il n'est pas bon que cette situation se prolonge. - Pour la faire cesser, le projet de loi remplace la reclusion, dans le § 1er de l'art. 309, par la plus forte peine correctionnelle, conservant ainsi une gradation suffisante entre cette disposition et celle de l'art. 311 qui punit les blessures et coups simples. Mais, à n'y faire que ce changement, le système d'incrimination de l'art. 309 resterait défectueux encore par un autre côté, et d'une manière plus grave peut-être. Cette condition de la maladie ou de l'incapacité de travail pendant plus de vingt jours peut manquer dans des circonstances où les coups ou blessures ont eu des suites déplorables qui dureront autant que la vie : les cas de mutilation, par exemple, d'amputation

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ou privation de l'usage d'un membre, perte d'un œil ou autres infirmités permanentes. Dans tous ces cas divers, la lésion est plus grave que celle incriminée par le § 1er, et son existence certaine : il n'y a pas de fraude ou d'erreur possible, et l'agent a voulu presque toujours le mal qu'il a fait. La mutilation surtout, malheureusement trop fréquente dans une certaine classe, révèle des sentiments de dépravation et de férocité contre lesquels il faut énergiquement réagir. Eh bien dans l'état présent de la loi, si la mutilation ou la privation d'un membre n'a pas occasionné une maladie de plus de vingt jours, l'art. 311 devra être appliqué, et le coupable ne subira qu'un emprisonnement correctionnel de six jours à deux ans. Cette lacune du Code est d'autant plus remarquable que le système du § 1er de l'art. 309 fut emprunté, comme nous l'avons dit, à l'art. 21 de la loi de 91, et qu'immédiatement à la suite de cet article se trouve une série de dispositions qui incriminent séparément les cas de mutilation, de perte ou de privation de l'usage des membres. En proposant de réparer cette omission dans l'art. 309, nous ne croyons pas qu'il suffise d'assimiler la mutilation et les autres infirmités permanentes à la maladie de plus de vingt jours. Elles formeront, si vous adoptez le projet, une catégorie distincte, réglée par un nouveau paragraphe, et punie de la reclusion.

Le rapport, après avoir analysé les dispositions du Code, ajoute :

Il est aisé d'apercevoir les défauts et les difficultés pratiques de cette classification. Que des blessures aient amené une mutilation, et que la maladie n'ait pas duré vingt jours, c'est un simple délit. Au contraire, qu'une maladie quelquefois peu intense ait duré plus de vingt jours, il y a un crime; et cependant on ne saurait méconnaître que le premier cas soit plus grave que le second. De plus, la durée de la maladie étant la limite entre le délit et le crime, le choix de la juridiction n'est le plus souvent qu'arbitraire, car rien n'est plus facile que d'abuser de l'élasticité de la ligne de démarcation. Enfin, même au cas où la maladie a réellement duré plus de vingt jours, le fait ne mérite pas toujours d'être rangé au nombre des crimes, et la preuve en est que les poursuites de ces sortes d'affaires n'aboutissent presque jamais qu'à des acquittements ou à des condamnations correctionnelles. A notre sens, le projet corrige comme il convient ces classifications qui n'étaient pas parfaitement entendues. Il laisse tel qu'il est réglé dans le Code pénal le cas où les blessures ont entraîné la mort. Il spécifie le cas où les coups et blessures ont entraîné une mutilation, la cécité ou la perte d'un membre; il en fait un crime, et il le punit de la reclusion. Enfin il maintient la distinction entre les maladies de plus et de moins de vingt jours, mais seulement pour appliquer dans les deux cas l'emprisonnement dans des mesures différentes. Par ce moyen, les coups et blessures sans intention de donner la mort ne seront jamais que des délits; la juridiction demeurera toujours la même, et il n'y aura plus d'intérêt dans l'instruction à fausser une ligne de démarcation que les tribunaux correctionnels n'auront plus à observer que pour l'application de la peine.

1333. Aucune discussion ne s'est élevée sur cet article, qui méritait cependant quelque attention. La correctionalisation des blessures et des coups qui ont occasionné une incapacité de travail de plus de vingt jours est une chose grave. C'est là l'un de ces faits qui, par leur nature, appartiennent au jury, parce que leur gravité consiste surtout dans l'intention et la moralité des agents. Nous avons critiqué la distinction qui faisait la base de la double qualification du Code; mais en ajoutant que le jury, qui est le meilleur juge de ces sortes d'infractions, par une saine distribution des circonstances atténuantes, en corrigeait les vices. La loi a maintenu la distinction, mais pour en faire seulement désormais un degré de la pénalité tous les coups et blessures, quelle que soit leur gravité matérielle, et lors même qu'ils ont causé une incapacité de travail de plus de vingt jours, sont transportés à la juridiction correctionnelle. Quel est le motif de cette exclusion du jury? Les relevés statistiques, dit l'exposé des motifs, montrent que les acquittements sont dans la proportion de moitié et que sur cinquante condamnés, plus de quarante le sont correctionnellement. La dernière statistique antérieure à la loi donne les chiffres suivants : « Coups et blessures suivis d'incapacité de travail pendant plus de vingt jours, total de 1857 à 1861, 282 accusés, 92 acquittés, 13 condamnés à des peines afflictives et infamantes, 177 à des peines correctionnelles. » Les acquittements n'étaient donc pas dans la proportion de moitié ; ils n'étaient que de 36 sur 100 accusés. Quant à l'application de peines correctionnelles, elle est le résultat des circonstances atténuantes qui en cette matière sont et doivent être fréquemment déclarées, parce que la moralité des faits de cette nature est essentiellement variable. Est-ce que la faculté de déclarer les circonstances atténuantes a été donnée au jury pour ne pas en user? Et s'il s'en sert surtout dans les affaires qui en provoquent l'application, faudra-t-il aussitôt transporter ces affaires au juge correctionnel sous le prétexte que le jury lui-même les transforme en simples délits?

Une seconde modification consiste dans l'insertion des mots : << Ou commis toute autre violence ou voie de fait. » Il s'était élevé quelques difficultés dans la pratique sur le point de savoir

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