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était placée comme domestique, pour qu'il soit devenu passible de l'aggravation pénale; que la loi a voulu frapper d'une peine plus forte l'auteur d'un attentat à la pudeur sur l'une des personnes qui sont protégées par l'autorité du chef de la famille, pour avoir ainsi porté le désordre dans la maison où il a été admis 1. »

1599. Les fonctionnaires publics et les ministres des cultes forment la dernière classe des personnes dont la qualité est une cause d'aggravation de la peine. A l'égard des uns et des autres, une grave question peut s'élever : suffit-il d'avoir cette qualité pour devenir passible des peines de l'art. 333? Ne faut-il pas encore que le crime ait été commis dans le lieu où les fonctions étaient exercées, et sur des personnes sur lesquelles elles donnaient autorité? Un député avait demandé, dans la discussion de la loi du 28 avril 1832, que les termes de la loi fussent restreints à ce dernier cas à l'égard des fonctionnaires. » Le motif, disait-il, qui fait porter une peine plus grave contre les personnes désignées dans le premier paragraphe, est uniquement la plus grande facilité qu'elles trouveraient à commettre le crime; ce motif ne s'applique donc au fonctionnaire que dans les cas où ses fonctions lui auraient donné un ascendant sur la personne, un moyen de s'introduire auprès d'elle; en un mot, qu'autant que le délit aura été commis sous l'influence des fonctions. La disposition de la loi ne doit donc pas être obligatoire contre la seule qualité de fonctionnaire pubiic, mais seulement facultative, selon les cas essentiellement variables. Et cependant, liés par les termes positifs de l'article du Code pénal, que le projet copie, des tribunaux ont appliqué cette aggravation de peine à un employé de l'octroi', attendu que, dressant des procès-verbaux qui font foi jusqu'à inscription de faux, il est revêtu d'un caractère public comme si le droit de dresser des procès-verbaux était . d'aucun secours pour commettre l attentat dont il est question, et devait être d'aucun poids dans l'aggravation de la peine! Dira-t-on que les fonctionnaires publics, en cette qualité, doivent donner l'exemple de la moralité, et sont plus coupables quand

1 Cass., 16 mars 1854, Bull. n. 72.

2 A un employé des douanes; Cass., 24 janv. 1822, S.22.184.

ils y manquent? Mais alors aggravez donc contre eux toutes les peines pour tous les délits, et non pour celui-ci spécialement, car il n'existe pas pour lui de raison spéciale'. » Cet amendement fut rejeté sans discussion à une faible majorité. Faut-il considérer ce vote de la Chambre des députés comme une réprobation du système qui lui était présenté? Ce ne serait qu'avec peine que nous admettrions cette conclusion, car il serait difficile de méconnaître la justesse de ce système. Ce n'est que l'abus du pouvoir dont les fonctionnaires sont investis qui rend leur crime plus grave; quand leurs fonctions n'ont pu exercer aucune influence sur sa perpétration, lorsqu'ils ne se sont servis ni de leur autorité ni de leurs prérogatives pour le consommer, on ne voit pas par quel motif ils seraient punis d'une peine. plus forte que les autres citoyens. C'est sans doute cette réflexion qui a porté M. Carnot à émettre l'opinion, trop absolue du reste, que, hors le lieu de la résidence du fonctionnaire, l'aggravation de peine lui serait inapplicable. A la vérité, quelques paroles du rapporteur du Corps législatif semblent contredire la distinction proposée : « Les fonctionnaires publics, disait M. Monseignat, ou les ministres d'un culte, les hommes investis d'un caractère éminent, vous disait, il y a peu de jours, le rapporteur du Conseil d'Etat, en développant une disposition que vous avez déjà.convertie en loi, ces ministres doivent aux autres citoyens l'exemple d'une conduite pure et sans tache: plus répréhensibles quand ils tombent en faute, plus coupables quand ils commettent des crimes, ils doivent être punis davantage. » Mais il faut remarquer que ces dernières lignes, empruntées à M. Berlier, n'avaient été appliquées par celui-ci qu'au fonctionnaire coupable de concussion, et que la loi frappe d'une peine plus grave que le simple préposé. M. Monseignat, en étendant cette observation aux crimes de viol et d'attentat à la pudeur, n'a pas réfléchi que la gravité de ces crimes ne se puisait plus, comme celui de concussion, dans l'élévation des fonctions, mais bien dans l'abus de l'autorité qui en dérive; car, si le fonctionnaire qui commet un tel crime

1 Moniteur du 6 déc. 1830.

2 Comment. du Code pénal, t. 2, p. 78.

était réputé plus coupable à raison de son seul titre, cette présomption devait s'étendre à tous les crimes, à tous les attentats. Ce n'est donc pas l'indignité du fonctionnaire que la loi punit dans le viol d'une peine plus grande, c'est l'application de son influence et de son pouvoir à la consommation du crime; ce n'est pas dans son titre que se puise l'aggravation, c'est dans l'abus qu'il a fait de la puissance dont il était dépositaire. Les termes de la loi, quelque absolus qu'ils soient, ne repoussent cependant point cette distinction, qui ne fait que les concilier, en expliquant leur véritable sens, avec la pensée qui les a dictés.

1600. Mais nous devons dire de suite que cette interprétation n'a point été adoptée par la jurisprudence, et il était peut-être difficile qu'en présence des termes de la loi et de l'exposé de l'orateur du Corps législatif, elle pût l'admettre, quoique cette restriction fût conforme au système général de la loi pénale. Plusieurs arrêts ont déclaré: « que l'aggravation de peine prononcée par l'article 333 contre le fonctionnaire qui s'est rendu coupable de viol ou d'attentat à la pudeur, n'est point subordonnée aux relations que les fonctions ont pu établir entre l'auteur de l'attentat et sa victime; qu'il résulte de l'art. 333 que la qualité de fonctionnaire est par ellemême la circonstance aggravante, et que dès lors l'application n'en doit pas être restreinte au cas où le crime a été commis par le fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions ou à l'occasion de cet exercice1. » La même solution a été appliquée aux ministres des cultes. Il importe d'ajouter que le jury, en ce qui touche la qualité comme pour l'autorité, ne doit déclarer que la fonction exercée par l'agent, par exemple, s'il était préposé de la poste ou des douanes, et non le titre légal de fonctionnaire public 3.

1601. Nous venons d'examiner les circonstances aggravantes des crimes de viol et d'attentat à la pudeur, qui prennent leur

1 Cass., 9 juin 1853, Bull. n. 204; 5 mai 1859, Bull, n. 115; 22 nov. 1866, Bull. n. 241.

2 Cass., 13 nov. 1856, Bull. n. 347.

3 Cass., 22 nov. 1866, Bull. n. 241.

source soit dans l'âge de la victime, soit dans la qualité de l'agent. Une troisième circonstance aggravante résulte encore de l'assistance que le coupable reçoit d'une ou de plusieurs personnes dans l'exécution de son crime.

Cette assistance peut être donnée soit par des complices qui n'ont d'autre but que de faciliter à l'auteur l'exécution du crime, soit par des coauteurs qui se prêtent une coopération mutuelle pour l'exécution successive du même crime.

Dans l'un et l'autre cas, l'aggravation est également applicable, car c'est le fait matériel de l'assistance, quelle que soit l'intention de ceux qui la prêtent, qui aggrave la criminalité. << Ce serait, suivant les expressions d'un arrêt, faire injure au législateur que de croire qu'il aurait entendu infliger la même peine à l'individu qui, seul et sans être aidé de personne, aurait commis ou tenté de commettre un viol, qu'à celui, beaucoup plus coupable, qui se serait fait aider dans son crime par un ou plusieurs complices, dont les forces réunies auraient mis leur malheureuse victime dans l'impossibilité absolue de se défendre, et qui auraient encore pu assouvir tour à tour sur elle toute leur brutalité, et joindre ainsi la barbarie à l'outrage 1. »

La même peine frappe également les complices et les coauteurs; les premiers en vertu de l'art. 59, les autres en vertu de l'art. 333 du Code pénal. Cette association ne peut avoir pour moteur, dans l'un ou l'autre cas, que le plus vil intérêt ou le plus dégoûtant partage. Toutefois il faut remarquer cette différence, qu'à l'égard des complices il est nécessaire que les questions posées au jury renferment les circonstances constitutives de la complicité spécifiée par l'article 60 du Code pénal, tandis que cette déclaration devient sans objet dès que les assistants ont eux-mêmes coopéré simultanément au crime 2.

La Cour de cassation a jugé, par une conséquence de cette distinction, que l'accusé déclaré coupable d'avoir, conjointement avec un autre individu, commis le crime de viol, était passible des peines de l'article 333: « attendu que, quand deux individus commettent un crime conjointement, ils en sont nécessai

1 Cass., 20 mars 1812, J.P.10.239.

1 Cass., 31 juill. 1818, J.P.14.953.

rement coauteurs; qu'il y a simultanéité d'action et assistance réciproque1. >>

Il résulte d'un autre arrêt que le complice peut être déclaré coupable, bien que le jury ait déclaré que l'auteur principal n'avait pas été aidé dans son crime, « attendu que la circonstance aggravante prévue par l'article 333 porte sur la participation directe et matérielle donnée au crime, tandis que la complicité résultant des dispositions des articles 59 et 60 ne présente pas nécessairement les caractères de participation directe et matérielle; que la complicité peut résulter de faits et d'actes qui, tout en concourant à la perpétration du crime et en facilitant sa consommation, ne constituent pas cependant la contrainte violente et immédiate exercée sur la victime. » Mais il y a cette différence entre le coauteur et le complice que si ce dernier est investi d'une qualité qui entraînerait dans l'auteur l'aggravation pénale, cette aggravation ne lui est pas applicable, «< attendu que, d'après l'article 60, le complice doit être puni de la même peine que l'auteur principal; que cette identité n'existerait plus s'il était possible qu'une circonstance ou une qualité personnelle au complice aggravât sa culpabilité légale et le soumît à une peine qui ne pourrait s'étendre à celui qui a consommé le crime 3. >>

Il a encore été décidé que, dans une accusation de complicité de viol, il n'est pas nécessaire, en déclarant l'accusé coupable d'avoir assisté l'auteur du crime dans les moyens de le commettre, que le jury ajoute qu'il a agi avec connaissance". Nous avons combattu cette décision en posant les règles constitutives de la complicité (no 298), et nos observations ont été justifiées par un arrêt qui déclare : « que la déclaration du jury qui n'établit pas que l'accusé a aidé et assisté avec connaissance l'auteur du crime dans les faits qui l'ont préparé et facilité, est une déclaration incomplète à laquelle manque un des éléments essentiels et constitutifs de la complicité; que sans

1 Cass., 29 janv. 1829, Journ. du dr. crim., 1829, p. 134.

2 Cass., 27 nov. 1856, Bull. n. 375.

3 Cass., 2 oct. 1856, Bull. n. 326.

4 Cass., 18 mai 1815, J.P.12.735.

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