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teurs. Enfin, si les termes de l'art. 349 étaient pris dans un sens trop étroit, leur utilité deviendrait assez douteuse; ils dévieraient trop peu, en effet, de la règle générale de l'art. 60, pour que leur insertion dans la loi parût complétement justifiée.

1736. L'art. 350 contient une disposition corrélative de celle de l'art. 353; il est ainsi conçu: «La peine portée au précédent article sera de deux ans à cinq ans, et l'amende de cinquante fr. à quatre cents fr., pour les tuteurs ou tutrices, instituteurs ou institutrices de l'enfant exposé et délaissé par eux ou par leur ordre. » Nos observations précédentes sur l'article 353 s'appliquent naturellement ici. On doit remarquer, de plus, que la peine du délit, qui est doublée dans l'art. 353, à raison de la qualité des agents, est portée à plus du double dans l'art. 350, dont l'espèce est parfaitement identique, sans que rien rende raison de cette différence. Cet article inculpe aussi les tuteurs et institutcurs, non-seulement à raison du fait de l'exposition, mais à raison de l'ordre qu'ils auraient donné d'exposer. On doit entendre ce mot dans le même sens que dans l'art. 349.

1737. Enfin, l'exposant dans un lieu solitaire est déclaré responsable des suites de l'exposition : « Car il ne pouvait se dissimuler, porte l'exposé des motifs, que la privation absolue où il laissait l'enfant de toute espèce de secours, l'exposait à cet événement, et il ne tenait qu'à lui de l'en préserver; dès qu'il ne l'a pas fait, la loi déclare qu'il en est la cause volontaire, et le soumet aux peines établies contre les auteurs de blessures ou d'homicide volontaires. >>

L'art. 351 est ainsi conçu: «Si, par suite de l'exposition et du délaissement prévus par les art. 349 et 350, l'enfant est demeuré mutilé ou estropié, l'action sera considérée comme blessures volontaires à lui faites par la personne qui l'a exposé et délaissé ; et si la mort s'en est suivie, l'action sera considérée comme meurtre au premier cas, les coupables subiront la peine applicable aux blessures volontaires, et au second cas, celle de meurtre. >>

Remarquons qu'il ne s'agit que de l'exposition prévue par les art. 349 et 350, et, par conséquent, de l'exposition d'un

enfant au-dessous de sept ans dans un lieu solitaire dans ce cas seulement, l'agent est responsable des résultats de son action; le délit s'aggrave à raison du mal éprouvé par l'enfant exposé.

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Les souffrances et maladies passagères de l'enfant ne suffiraient pas pour motiver l'aggravation, la loi exige qu'il soit demeuré mutilé ou estropié. La peine est alors celle prévue par l'art. 309 pour les blessures qui ont occasionné une maladie ou une incapacité de plus de 20 jours. Si la mort a suivi l'exposition de manière qu'elle en ait été le résultat, il faut distinguer si l'enfant a été exposé et délaissé avec le dessein constaté de le faire périr par ce moyen; par exemple, si cet enfant nouveau-né a été laissé la nuit et pendant les froids d'hiver, dépouillé de ses langes, dans un lieu solitaire, il n'y aurait plus une simple exposition suivie de mort, il y aurait crime d'infanticide. L'exposition que la loi assimile au meurtre est celle dans laquelle l'agent n'a pas voulu directement donner la mort à l'enfant; mais il a dû prévoir que l'exposition pourrait avoir cet effet, et en risquant la vie de cet enfant avec cette probabilité, il s'est rendu responsable des conséquences plus ou moins graves de son action.

1738. Enfin il n'est pas inutile de mentionner ici que la solitude du lieu, qui est une circonstance aggravante de l'exposition simple, devient une circonstance constitutive de l'exposition suivie de blessures ou de mort. C'est ce qui a été jugé par un arrêt qui dispose : « qu'il résulte de la combinaison des art. 349, 351 et 352 que, lorsque la mort de l'enfant a suivi l'exposition ou le délaissement, il n'y a d'accusation de meurtre qu'autant que le lieu de l'exposition a été solitaire; que, dans ce cas, la circonstance de la solitude du lieu, qui, si l'on confère l'art. 349 avec l'art. 352, peut être simplement aggravante, devient circonstance constitutive du crime dans la relation de l'art. 349 avec l'art. 351'. » D'où il suit que la question qui énonce à la fois l'exposition et le lieu solitaire n'est pas complexe.

1 Cass., 28 déc. 1860, Bull. n. 305.

CHAPITRE LXIII.

DE L'ENLÈVEMENT DES MINEURS.

(Commentaire des art. 354, 355, 356 et 357 du Code pénal.)

1739. Dispositions du droit romain sur cette matière.

1740. Dispositions de notre ancien droit. Distinction du rapt de violence et du rapt de séduction.

1741. Législation nouvelle. Disposition de l'art. 354.

1742. Caractère et éléments du crime d'enlèvement de mineurs.

1743. Il n'y a point lieu de distinguer entre l'enlèvement et les faits d'entraînement, de détournement et de déplacement.

1744. L'enlèvement n'est punissable, dans les termes de l'art. 354, qu'autant qu'il est commis avec fraude et violence.

1745. Il n'est punissable qu'autant qu'il a été commis sur la personne d'un mineur.

1746. Quel est le but criminel que doit se proposer l'agent?

1747. Résumé des différents éléments du crime.

1748. Circonstance aggravante résultant de l'âge de la victime (art. 355). 1749. Cas où la fille enlevée a suivi volontairement son ravisseur (art. 356). 1750. La fraude ou la violence ne sont point un élément constitutif de ce crime. 1751. L'art 356 n'est appliqué qu'à la séduction pratiquée par un houme sur une jeune fille. Il ne s'applique pas aux femmes.

1752. L'âge de vingt et un ans du séducteur est une circonstance aggravante. 1753. Il faut que la jeune fille enlevée ne soit pas âgée de moins de seize ans. 1754. Fin de non-recevoir contre la poursuite résultant du mariage du ravisseur avec la fille enlevée.

1755. La demande en nullité du mariage équivaut-elle à la plainte exigée par la loi? Conditions de la poursuite.

1756. Quid si la nullité du mariage a été prononcée ?

1757. La question de validité ou de nullité du mariage est préjudicielle.

1758. La fin de non-recevoir résultant du mariage doit-elle s'étendre aux complices?

1739. La loi romaine confondait dans la même incrimination le rapt commis avec violence et le viol; elle punissait les

TOME IV.

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ravisseurs de la peine capitale : Raptores virginum honestarum capitis supplicio plectendos decernimus'. Mais elle supposait que le rapt avait eu pour but et pour résultat l'accomplissement du viol: maximè cùm virginitas vel castitas corrupta restitui non possit. Toutefois, le rapt ne changeait pas de caractère quand il avait été commis avec le consentement de la personne enlevée, parce que le consentement était présumé surpris à son inexpérience et à sa faiblesse, et le fruit d'une captation criminelle: Hoc ipsum velle mulierem ab insidiis nequissimi hominis, qui meditatur rapinam, inducitur; nisi etenim eam sollicitaverit, nisi odiosis artibus circumvenerit, non facit eam velle in tantum dedecus se prodere2.

1740. Notre ancienne législation distinguait deux espèces de rapt le rapt de violence et le rapt de séduction.

Le rapt de violence n'était, à proprement parler, qu'une tentative de viol: Jousse le définissait « l'enlèvement qui se fait par force d'une fille ou d'une femme, pour en jouir contre sa volonté 3. » Farinacius donnait le même but à ce crime: qui raptu potitur stupro fruitur. Decianus posait la même règle : Raptum esse mulieris violentiam vel abductionem mulieris honestæ et invitæ de loco ad locum animo eam carnaliter cognoscendi. Baïardus limite également l'application de la peine à ceux qui ont enlevé la personne dans la vue d'en abuser, qui libidinis causâ rapiunt; et Farinacius ajoute que le crime change de nature si le rapt a un autre but: In rapiente mulierem non causâ libidinis, sed et aliâ causâ, non intrat pœna raptûs'. Le rapt de violence n'était donc qu'un moyen de perpétration de viol: « Les lois, dit Jousse, ont regardé ces deux espèces de crimes comme semblables; et même on a appliqué

i L. 53 au Cod. de episc. et clericis; 1. un. au Cod. de raptu virginum ; Nov. 143, de muliere raptum passâ.

2 L. 53 au Cod. de episc. et cleric.; 1. un. au Cod. de raptu virginum; Nov. 143, de muliere raptum passâ.

3 Traité de just. crim., t. 3, p. 743.

* Quæst. 145, num. 2; Julius Clarus, de raptu.

5 L. 8, c. 7, num. 4.

6 Ad Julium Clarum, de raptu, num. 1.

7 Quæst. 145, num. 45.

à tous les deux les dispositions des ordonnances qui n'étaient rendues que pour l'un ou l'autre de ces crimes'. »

Le rapt de séduction était l'enlèvement commis sans violence, mais contre le gré et à l'insu des parents d'une fille ou d'un fils mineurs, soit pour l'entraîner dans la débauche, soit pour consommer un mariage clandestin. Ce crime était plus particulièrement appelé raptus in parentes, parce que la personne ravie était sous la puissance de ses père et mère, tuteur ou curateur; c'est contre eux que le rapt était commis; et le consentement de cette personne n'effaçait nullement le délit, parce que la séduction paraissait plus odieuse encore que la contrainte: Persuadere plus est quàm compelli atque cogi sibi parere; et suivant la maxime posée par Baldus: Voluntas vitiata per dolum vel machinationem non excludit delictum'. L'art. 42 de l'ordonnance de Blois portait : « Tous ceux qui se trouveront avoir suborné fils ou filles mineurs de 25 ans, sous prétexte de mariage ou autre couleur, sans le gré, su, vouloir et consentement exprès des pères et mères et des tuteurs, seront punis de mort, sans espérance de grâce et pardon, nonobstant tout consentement que les mineurs pourroient alléguer avoir donné audit rapt d'icelui ou auparavant. Et pareillement seront punis extraordinairement tous ceux qui auront participé audit rapt, et qui auront prêté conseil, confort et aide, en aucune manière que ce soit. » Cette ordonnance a été renouvelée et confirmée par celle du mois de janvier 1629, et par la déclaration du 26 novembre 1639. Cette déclaration porte : « que cette peine de mort aura lieu quand même les pères et mères, tuteurs ou curateurs consentiroient dans la suite au mariage, ou même qu'ils le requerroient. » Une autre déclaration du 22 novembre 1730 proscrit l'usage des Cours d'ajouter à la condamnation des ravisseurs cette clause: Si mieux ils n'aiment épouser la personne ravie, et leur enjoint de juger suivant la rigueur des ordonnances.

1741. Le Code de 1791 n'avait, de ces deux espèces de rapt,

1 Tome 3, p. 743.

2 L. 1, § 3, Dig. de servo corrupto.

3 In lege 1, au Cod. de raptu virginum.

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