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sur les inhumations 1. Et, en effet, inhumer un cadavre ou faire une opération sur ce cadavre avant les délais prescrits, sont deux actes différents qui n'ont pas un caractère identique, qui ne présentent pas des dangers aussi graves. Si, en matière pénale, toute analogie est interdite, il n'y a pas même ici d'analogie qui puisse être invoquée.

1765. L'art. 358 ne punit, d'une part, que l'inhumation sans autorisation, et, de l'autre part, que l'infraction aux lois et règlements relatifs aux inhumations précipitées. De là résulte une lacune assez grave en ce qui concerne les autres dispositions sur la police des sépultures: elles n'ont pas de sanction.

En effet, aux termes de l'art. 16 du décret du 23 prairial an xi, les lieux de sépulture, soit qu'ils appartiennent aux communes, soit qu'ils appartiennent aux particuliers, sont soumis à l'autorité, police et surveillance des administrations municipales. Mais la loi n'a prescrit aucunes peines contre les infractions aux dispositions prises par ces administrations. Ainsi la Cour de cassation a décidé avec raison que l'inhumation hors du cimetière commun ne constituait point l'infraction prévue par l'art. 358, quand cette inhumation avait été précédée de la permission du maire, et lors même que cette permission avait été donnée à la condition de la faire dans le cimetière commun: l'art. 358 n'exige qu'une condition, l'autorisation d'inhumer; cette autorisation donnée, il n'y a plus de délit, quelles que soient les autres contraventions commises à la police des sépultures.

Cependant la Cour, inquiète des conséquences d'une telle impunité, a cherché un remède dans l'application des peines de simple police. Un premier arrêt portait : « que le décret du 4 thermidor an XIII, relatif à la police des sépultures, rentre dans les pouvoirs donnés par la loi à l'autorité administrative, et, à défaut de sanction spéciale, la trouve dans les dispositions des art. 600 et 606 du Code du 3 brumaire an iv, lesquels s'ap

1 Cass., 1 mars 1834, Journ. du dr. crim., 1834, p. 235.

2 Cass., 14 avril 1838, S.38.1.449; 12 juill. 1839, S.40.1.330; Contrà, arr. Lyon, 12 déc. 1833, S.34.2.541; Dall.34.2.25.

pliquent à toutes les contraventions de police qui ne sont pas textuellement punies par les lois pénales 1. » Un second arrêt dispose: «que l'art. 16 du décret du 23 prairial an xã confère à l'administration municipale la police et la surveillance des lieux de sépulture; que l'autorité dont il l'investit implique donc le pouvoir d'interdire toute inhumation particulière dans tout autre lieu que dans le cimetière commun; que la défense prononcée à cet égard par le maire est de plein droit obligatoire, sous les peines de police qui ́en sont la sanction légale, tant qu'elle n'a pas été réformée, s'il y a lieu, par l'administration supérieure 2. » L'arrêt du 12 octobre 1850, qui a été rapporté au no 1763, est venu pleinement confirmer cette jurisprudence.

On doit peut-être citer également ici, parce qu'ils confirment encore les mêmes principes, les arrêts qui ont décidé : « qu'en soumettant à l'autorité, à la police et à la surveillance des administrations municipales les lieux de sépulture appartenant aux communes et aux particuliers, l'art. 16 du décret du 23 floréal an xii a conféré à ces administrations le droit d'interdire toute inhumation ailleurs que dans le cimetière commun; que l'infraction des défenses par elle faites à cet égard entraîne contre ceux qui s'en sont rendus coupables l'application de l'art. 471, no 15'. » Mais il n'appartient qu'à l'autorité administrative d'ordonner l'exhumation des personnes ensevelies sans autorisation dans un terrain privé.

§ II.

Du recélé du cadavre d'une personne homicidée.

1766. La prévoyance de la loi n'a plus ici pour objet de protéger les restes mortels de l'homme, ou de prévenir de funestes erreurs son but est d'empêcher qu'on ne puisse soustraire à la justice la connaissance ou la preuve d'un crime,

L'art. 359 est ainsi conçu : « Quiconque aura recélé ou caché le cadavre d'une personne homicidée, ou morte des suites

1 Cass., 27 janv. 1832, S.32.1.386.

2 Cass., 14 avril 1838, S.38.1.449.

3 Cass., 10 oct. 1856, Bull. n. 331; et conf. 14 avril 1838, Bull. n. 101; 28 déc. 1839, Bull. n. 395; 24 janv. 1840, Bull. n. 36; 11 juill. 1856, Bull. n. 250.

de coups ou blessures, sera puni d'un emprisonnement de dix mois à deux ans, et d'une amende de cinquante francs à quatre cents francs, sans préjudice de peines plus graves s'il a participé au crime. »>

Le fait prévu par cet article n'est plus, comme dans l'art.358, une simple infraction matérielle, une contravention aux règlements sur les inhumations; il constitue un véritable délit moral. L'agent ne se contente pas de ne pas déclarer le décès, il cache le cadavre; son intention est de dérober à la justice les traces du crime; il voile le coupable; il trompe la société; il se rend même, en quelque sorte, complice du crime, car il semble se l'approprier en en faisant disparaître les vestiges. Aussi le Code pénal de 1791 plaçait ce délit au rang des actes de complicité, et le punissait comme crime : « Quiconque, portait ce Code, serait convaincu d'avoir caché et recélé le cadavre d'une personne homicidée, encore qu'il n'ait pas été complice d'homicide, sera puni de la peine de quatre années de détention. » Mais le législateur de 1810 a remarqué avec raison qu'il ne s'agit point ici d'un acte véritable de complicité, puisque le recélé du cadavre de la victime n'est point un acte d'assistance donnée à la perpétration du crime; le seul but de l'agent est de favoriser l'impunité du coupable; c'est donc un délit distinct, qui est empreint d'une criminalité spéciale, et qui n'emprunte nullement la gravité du crime qu'il veut dérober à la justice, car son auteur n'en doit point profiter. La loi l'a donc suffisamment puni en le frappant d'une peine correctionnelle. Le caractère particulier de ce délit a, du reste, été spécifié par un arrêt de la Cour de cassation, qui reconnaît également «que celui qui recèle ou cache le cadavre d'une personne homicidée commet une espèce de complicité du meurtre, comme celui qui recèle un objet volé se rend coupable de complicité du vol; que si la loi ne punit que des peines correctionnelles la complicité qui existe dans le premier cas, c'est que ce genre de complicité n'a pas pour objet d'aider le meurtrier, mais seulement de procurer son impunité 1. »

1 Cass., 21 sept. 1815, Devill. et Car., 5, p. 100; Journ. du palais, t. 13,

Il suit de là que les auteurs mêmes du meurtre ou des blessures ne peuvent, en aucun cas, être poursuivis pour avoir recélé le cadavre; car on ne peut être coupable et poursuivi tout à la fois comme auteur et complice; le recélé du cadavre n'est, d'ailleurs, de leur part que la conséquence de leur crime; ce n'est point un fait nouveau et qu'on puisse en séparer. L'article 359 ne s'applique donc qu'à des tiers, étrangers au meurtre ou aux blessures, et qui n'ont été portés à cacher le cadavre que dans l'intérêt des coupables et pour les soustraire à la justice.

1767. Le caractère du délit ainsi fixé, il est nécessaire de déterminer les faits matériels qui le constituent. Ces faits sont au nombre de deux : le premier consiste à recéler ou cacher le cadavre, n'importe par quels moyens, l'article ne le définit pas : une inhumation clandestine, et sans déclaration, peut constituer un fait de recélé : « Ceux à qui la loi impose le devoir de faire les déclarations, porte l'exposé des motifs, ne doivent pas perdre de vue que, dans le cas où il s'élèverait quelques présomptions de mort violente, leur négligence les exposerait à être poursuivis comme recéleurs du cadavre d'une personne homicidée. »

Le deuxième fait matériel, également constitutif du délit, est que la personne dont le cadavre a été recélé ait été réellement homicidée, ou soit morte des suites de coups ou de blessures; si ce genre de mort n'était pas constaté par les débats, le délit cesserait d'exister, car le recélé n'aurait pas de cause criminelle; le fait ne pourrait être poursuivi que comme une infraction aux règlements sur les inhumations. Mais il importe peu que la mort soit le résultat d'un crime ou d'un délit, que l'homicide ait été volontaire ou involontaire, car la disposition de l'art. 359 est générale, et n'est nullement restreinte par l'énonciation d'une réserve de peines plus sévères, au cas où il y a eu participation au crime 1.

1768. Un auteur a pensé que les père et mère, frères et sœurs de l'individu qui a commis l'homicide ou porté les blessures et les coups, étaient implicitement exceptés des disposi

1 Cass., 26 mai 1855, Bull. n. 179.

tions de l'art. 359, attendu que la loi ne peut pas les astreindre à dénoncer le crime de leur frère ou de leur fils 1. Il est vrai que l'art. 107, aujourd'hui abrogé, du Code pénal, exceptait des peines de la non-révélation les époux, les frères et sœurs, les ascendants et descendants de l'auteur du crime; mais d'abord, puisque cette exception, écrite dans l'art. 107, n'a pas été répétée par l'art. 359, il faut en conclure que la loi ne l'a pas admise dans ce dernier article; ensuite, autre chose est la dénonciation, autre chose le recélé du cadavre; il peut répugner de dénoncer un proche parent, lors même qu'il a commis un crime, mais il répugne également de se rendre en quelque sorte son complice en cachant le cadavre de la victime; toutefois nous devons reconnaître que dans des espèces de cette nature la déclaration de circonstances atténuantes doit venir modifier la sévérité de la loi.

§ III.

De la violation des sépultures.

1769. Dans tous les temps, chez tous les peuples, le culte des morts a été considéré comme un sentiment moral et religieux ce sentiment est imprimé dans notre conscience, qui s'indigne des outrages dont leurs cendres peuvent être l'objet; toutes les législations ont puni ces outrages.

La loi romaine regardait la violation des sépulcres comme une espèce de sacrilége: ceux qui enlevaient les corps mêmes de leurs tombeaux étaient punis, suivant leur condition, soit du dernier supplice, soit de la déportation: Rei sepulcrorum violatorum, si corpora ipsa extraxerint, vel ossa eruerint, humilioris quidem fortunæ summo supplicio adficiuntur : honestiores in insulam deportantur3. La peine capitale était également appliquée contre ceux qui dépouillaient les cadavres à main armée Adversùs eos qui cadavera spoliant, præsides severius intervenire: maximè si manu armata adgrediantur; ut si armati, more latronum, id egerint, etiam capite plectan

↑ Carnot, Comment. du Code pénal, t. 2, p. 176.

2 L. 1 et 5, au C. de sepulchro violato.

3 L. 11, Dig. de sepulchro violato.

TOME IV.

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