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tend même qu'il y a des exemples de particuliers qui ont été condamnés à mort pour de pareilles menaces; ce qui a lieu, ajoute-t-il, dans le cas où ces menaces sont réitérées et s'adressent à un grand nombre de personnes 1. Cet auteur rapporte toutefois un arrêt qui n'a prononcé, dans ce cas même, que la peine de trois ans de galères 2. Les menaces sans condition, et faites dans un moment de colère, n'étaient punies que d'une amende La loi anglaise, soit que les menaces faites sous condition soient qualifiées par elle d'attentat contre la personne, ou d'imputation calomnieuse, prononce une peine qui peut varier, suivant la volonté du juge, depuis un court emprisonnement jusqu'à la transportation à vie". Les autres législations, et notamment les lois pénales de Naples et le Code du Brésil, ne portent qu'une peine d'emprisonnement, qui dans la première de ces lois ne peut excéder cinq ans, dans la seconde six mois de durée. Le Code pénal de l'empire d'Allemagne ne prononce qu'un emprisonnement de six mois ou une amende de cent thalers (§ 241).

1316. La loi du 13 mai 1863 a atténué les pénalités des art. 305 et 306. On lit dans l'exposé des motifs :

«En comparant les art. 305 et 306, on remarquera que, dans l'un et dans l'autre, c'est la menace accompagnée d'ordre ou de condition, verbale dans celui-ci, écrite dans celui-là; c'est toute la différence : quelle distance entre les peines ! Celle des travaux forcés à temps, infligée à la menace écrite, fut toujours considérée comme extrêmement sévère. Quand on réfléchit que c'est la peine du viol, du vol avec violences et d'autres grands crimes, on s'étonne de la voir appliquée à ce qui n'est après tout que la menace d'un crime. Les circonstances du temps où la loi fut faite peuvent expliquer en partie cette sévérité. Les mœurs gardaient encore des habitudes de violence dont la trace est visible dans quelques incriminations du Code; les menaces d'attentat inspiraient de justes alarmes. Il faut bien reconnaître qu'elles n'ont plus la même importance aujourd'hui ; elles restent en général à l'état de menaces, sans danger pour la sécurité publique, et n'aboutissent le plus souvent qu'à livrer leurs auteurs aux mains de la justice. Le résultat des poursuites montre mieux encore que cette infraction a singulièment perdu de sa gravité : les acquittements sont nombreux, les condamnations

2 Traité des mat. crim., t. 4, p. 221.

2 Arr. 7 déc. 1746, t. 3, p. 587.

3 Arr. parl. de Dijon du 22 sept. 1700, Dugeard, t. 2, p. 49. 47 et 8 Georg. IV, C. 29, § 7. 4 Georg. IV, C. 55, § 3.

presque toujours modifiées par les circonstances atténuantes; et les Cours, en abaissant la peine de deux degrés, s'associent manifestement aux appréciations du jury. »

La loi du 13 mai 1863 a d'ailleurs ajouté dans l'art. 305 aux peines d'emprisonnement et d'amende qu'elle a édictées les deux dispositions suivantes : « Le coupable pourra en outre être privé des droits mentionnés en l'art. 42 du présent Code pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, à compter du jour où il aura subi sa peine. Le coupable pourra être mis aussi sous la surveillance de la haute police, pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, à dater du jour où il aura subi sa peine. »>

1317. Nous ne nous sommes occupé jusqu'ici que du délit prévu par l'art. 305, c'est-à-dire des menaces faites par écrit et portant ordre ou condition. Mais il peut arriver ou que les menaces par écrit ne portent aucune condition, ou que, conditionnelles, elles soient en même temps faites verbalement; ces deux hypothèses font l'objet des art. 306 et 307.

L'art. 306 est ainsi conçu: « Si cette menace n'a été accompagnée d'aucun ordre ou condition, la peine sera d'un emprisonnement d'une année au moins et de trois ans au plus, et d'une amende de cent francs à six cents francs. » Cette atténuation du délit et de la peine est expliquée par l'exposé des motifs « Lorsque la menace écrite n'a été accompagnée d'aucun ordre ou condition, on ne peut l'attribuer qu'au désir de répandre l'effroi, sans aucun but de s'approprier le bien d'autrui. Le coupable doit être puni, mais il ne le sera que des peines de police correctionnelle. Ce délit est en effet bien moins grave que le premier. »>

1318. L'art. 307 prévoit la seconde hypothèse : « Si la menace faite avec ordre ou sous condition a été verbale, le coupable sera puni d'un emprisonnement de six mois à deux ans, et d'une amende de vingt-cinq francs à trois cents francs. >> Les menaces verbales sont moins punies que les menaces. écrites, parce que, le coupable agissant plus à découvert, il est moins difficile de se mettre en garde contre lui; que dès lors elles excitent une crainte moins forte, et que, d'un autre côté, la préméditation n'est pas nécessairement attachée aux menaces

que

verbales comme elle l'est aux menaces écrites. Il n'y a pas lieu de distinguer d'ailleurs, pour incriminer les menaces, si l'ordre était juste ou injuste, si la condition était préjudiciable ou non, pourvu que l'intention fût coupable: c'est la violence la loi punit indépendamment de ses motifs, c'est l'oppression injustement exercée sur la personne menacée. Il a été jugé dans ce sens : « que l'art. 307, non plus que l'art. 305 auquel il se rattache, n'exige point, pour que la menace avec ordre ou sous condition soit punie, que l'ordre donné soit injuste et que la condition soit préjudiciable au droit de celui à qui la menace est adressée; qu'on ne pourrait admettre une telle restriction sans méconnaître le caractère du délit ; qu'en effet, quoique dans certains cas il puisse être considéré comme une sorte d'extorsion, il est cependant classé par le Code pénal parmi les délits contre les personnes; qu'il porte atteinte à la liberté et à la sécurité des citoyens ; qu'il ne saurait dépendre du plus ou moins de fondement du droit dont l'exercice serait troublé par la menace; qu'il n'est jamais permis de se faire justice à soi-même, et que la menace qui révèle l'intention de recourir au crime doit être réprimée pour le prévenir; que sans doute, si l'auteur de la menace n'y a eu recours que pour la défense d'un droit légitime, il peut y avoir là un motif d'atténuation du délit ; que même, suivant les circonstances, les tribunaux peuvent être conduits à ne pas reconnaître chez l'auteur de la menace l'intention coupable, condition nécessaire de tous les délits; mais qu'il ne s'agit pas d'une appréciation morale, mais d'une distinction à introduire dans l'art. 307, qui n'est pas dans son texte et que son esprit repousse 1. »

1319. Les art. 306 et 307 ajoutent : « Dans ce cas, comme dans celui de l'article précédent, la peine de la surveillance pourra être prononcée contre le coupable. » Cette peine accessoire, commune aux trois cas prévus par les art. 305, 306 et 307, est ici purement facultative; elle ne doit s'étendre qu'aux agents dont les menaces ont laissé percer une résolution criminelle arrêtée. « Cette faculté laissée aux juges, porte l'exposé des motifs, leur impose le devoir d'examiner jusqu'à

1 Cass., 18 sept. 1851, Bull. n. 390.

quel point ces individus sont dangereux, soit par leur vie habituelle, soit par leurs liaisons. » Ce n'est donc que pour les cas où les prévenus sont reconnus des agents dangereux, que le législateur a édicté comme une garantie la surveillance de la police.

1320. L'art. 308 est un article nouveau qui ne figurait pas dans le projet et qui est dû à l'initiative de la Commission du Corps législatif. On lit dans son rapport :

Nous avons dit que les menaces écrites ou verbales ne sont punissables que si elles portent sur des attentats qui seraient punis eux-mêmes d'une peine perpétuelle; il suffit donc, pour échapper à toute peine, d'entourer la menace d'une forme un peu vague, ou de ne la faire porter que sur un fait qui ne soit puni que d'une peine correctionnelle. Or, pense-t-on qu'un homme menacé, par exemple, d'être roué de coups ou d'être souffleté publiquement, s'il ne se soumet pas à telle ou telle exigence, ne puisse éprouver un trouble sérieux, et ne convient-il pas même dans ces cas de lui offrir la protection de la loi? Si on la lui refuse, il ne la demandera qu'à lui-même, il portera des armes, et de graves accidents pourront quelquefois s'ensuivre. Nous avons cru qu'une disposition nouvelle était nécessaire, et nous l'avons proposée. Elle punit toutes les menaces écrites ou verbales portant sur d'autres faits que ceux prévus par l'art. 305; mais pour éviter d'incriminer de simples paroles irréfléchies, échappées à un mouvement de vivacité ou de colère, elle exige que la menace ait eu lieu pour exercer une contrainte, c'est-à-dire qu'elle ait été faite, avec ordre ou avec condition. Les tribunaux apprécieront les circonstances diverses de nature à établir que cette menace n'était pas une vaine jactance, qu'elle avait pour but et qu'elle était capable d'intimider sérieusement la personne qui en était l'objet. La peine de six jours à six mois d'emprisonnement permettra dans tous les cas de laisser la répression de la menacé au-dessous de la peine qui serait applicable au fait dont on aura menacé, si ce fait s'était accompli.

Voici le texte de l'art. 308:

« Art. 308. Quiconque aura menacé, verbalement ou par écrit, de voies de fait ou violences non prévues par l'art. 305, si la menace a été faite avec ordre ou sous condition, sera puni d'un emprisonnement de six jours à trois mois et d'une amende de 16 à 100 fr., ou de l'une de ces deux peines seulement. »

Cette disposition remplit une lacune de la loi pénale. Il n'y a plus que les menaces verbales ou écrites, mais sans ordre ni condition, qui, lorsqu'elles sont en dehors de l'art. 306, échappent à la loi pénale. Le législateur a pensé avec raison que de

telles menaces n'avaient pas un caractère assez sérieux pour être saisies, si ce n'est à titre d'injures.

1321. Le Code pénal a prévu quelques cas de menaces en dehors de ceux que nous venons de parcourir: ainsi l'art. 179 punit la contrainte exercée sur un fonctionnaire par voies de fait ou menaces; les art. 223 et 224 punissent les outrages par gestes ou menaces envers un magistrat ou un officier ministériel. Dans ces divers cas, de même que dans celui de l'art. 344 que nous avons déjà mentionné, la menace est considérée soit comme une injure, soit comme une voie de fait; elle aggrave le délit qu'elle accompagne, elle ne forme point un délit distinct; les conditions d'incrimination établies par l'art. 305 ne lui sont donc point applicables. Mais il n'en est point ainsi de l'art. 436, dont la disposition, complément des art. 305, 306 et 307, est soumise aux règles qui dominent ces articles. On ne doit point, au surplus, considérer comme des menaces les avis mensongers et alarmants qui seraient donnés, même par écrit, d'un complot imaginaire d'incendie : il a été reconnu «< que de telles lettres, quelque répréhensible que soit le sentiment de malveillance qui les a dictées, ne présentent point le caractère de criminalité spécifié par les art. 305 et 636 du C. pén. 1. »

1 Cass., 17 novembre 1848, Bull. n. 284.

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