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tion additionnelle de l'art. 317. Ce délit devient un crime : 1° si la maladie ou incapacité de travail personnel a duré plus de 20 jours; 2o si le coupable, soit que la maladie ait duré moins ou plus de 20 jours, a commis le délit ou le crime envers un de ses ascendants, tels qu'ils sont désignés en l'art. 312. Nous ne pouvons que nous référer, sur ces deux points, aux explications que nous avons données sur les art. 309 et 312; la clarté des termes de l'art. 317, soit sur les caractères constitutifs de cette double circonstance aggravante, soit sur les peines qu'il prononce, rend toute observation particulière superflue.

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1385. Le troisième délit qui, d'après l'ordre suivi par le Code, doit prendre place dans cette section, est la vente des boissons falsifiées, contenant des mixtions nuisibles à la santé. Ce délit se rapproche de ceux que nous venons d'examiner, parce qu'il a pour objet, comme le premier, l'emploi d'une substance nuisible; il en diffère, parce qu'il consiste uniquement dans la vente de cette substance, et qu'il est puni, abstraction faite de la maladie ou de l'incapacité de travail qui a pu en résulter.

Quel est le caractère de ce délit ? Si l'on considère le but de celui qui le commet, c'est une fraude, c'est un vol ; il ne s'inquiète pas des conséquences de sa falsification; il ne pense pas, il ne désire pas que ces résultats soient fâcheux. Il trompe l'acheteur pour faire le gain d'un bénéfice illicite; il n'a que ce bénéfice en vue. C'est d'après cette observation que nos vieux criminalistes voyaient dans ce délinquant un véritable faussaire: Vendens annonam corruptam pond falsi tenetur, dit Farinacius. D'autres auteurs restreignaient la punition du faux au cas où le délinquant avait vendu une chose pour une autre; s'il s'était borné à altérer la nature de la chose vendue, son action n'était qu'une fraude passible d'une peine extraordinaire. Vendens unam rem pro alid, committit falsum; sed

1 De falsit. et simulat., quæst. 150, n. 57.

vendens aliquas merces corruptas, et sic aliquid falsitatis in se habentes, punitur extra ordinem crimine stellionatûs 1.

Si l'on considère, au contraire, le résultat de cette action et ses effets sur la santé, le délit ne sera plus seulement une fraude sur une chose vendue, il constituera un attentat contre la santé des personnes; c'est sous ce rapport que le Code pénal l'a classé. « Il est encore, dit l'exposé des motifs, un genre d'attentat contre la vie dont le projet de loi indique la répression; ses auteurs sont les débitants de boissons falsifiées par des mixtions nuisibles à la santé; empoisonneurs publics qui par des oxydes métalliques cherchent à donner la saveur du vin à des liquides déjà chargés d'une couleur empruntée, et vendent en détail le poison et la mort. Cette cupidité meurtrière n'était punie par la loi en vigueur que d'un emprisonnement qui ne pouvait excéder une année. Le projet qui vous est soumis a doublé cette peine, et certes elle n'est pas trop sévère pour des hommes aussi dangereux. >>

1386. La loi du 19-22 juillet 1791, titre 2, art. 38, portait en effet : « Toute personne convaincue d'avoir vendu des boissons falsifiées par des mixtions nuisibles sera condamnée à une amende qui ne pourra excéder 1,000 livres, et à un emprisonnement qui ne pourra excéder une année. Le jugement sera imprimé et affiché. La peine sera double en cas de récidive. » L'art. 318 du Code pénal a reproduit cet article en le modifiant : « Quiconque aura vendu ou débité des boissons falsifiées, contenant des mixtions nuisibles à la santé, sera puni d'un emprisonnement de six jours à deux ans, et d'une amende de 16 à 500 francs. Seront saisies et confisquées les boissons falsifiées trouvées appartenir au vendeur ou débitant. »

Get article, aujourd'hui abrogé (voy. n° 1387), exigeait deux circonstances pour constituer le délit : 1° le fait de la vente ou du débit; 2o la qualité nuisible des boissons.

L'incrimination s'arrête aux faits de vente ou de débit; l'art. 475, n° 6, qui prévoit dans une autre espèce la même infraction, fait la même restriction. Ces deux dispositions ne

1 Bertazius, consil. 168, num. 5 et 519,; Menochius, casu 382, num. 1 et

pourraient donc être appliquées à la simple exposition en vente de boissons falsifiées; mais cette exposition serait passible des peines pécuniaires portées par l'art. 20 du titre 1er de la loi du 19 juillet 1791, lequel n'a été abrogé par aucune loi postérieure. L'art. 11 du décret du 15 décembre 1813, portant règlement sur le commerce des vins de Paris, supplée également, mais pour Paris seulement, aux termes limitatifs du Code pénal; cet article porte: « Il est défendu à toutes personnes faisant à Paris le commerce des vins, de fabriquer, altérer ou falsifier des vins, d'avoir dans leurs caves, celliers et autres parties de leur domicile ou magasin, aucunes matières quelconques propres à fabriquer, falsifier ou mixtionner les vins, et ce, sous les peines portées aux art. 318, 475 et 476 du Code pénal. » Mais l'application de ce décret, qui étend les termes de la loi pénale au cas nouveau qu'elle n'avait point prévu, a été l'objet de la résistance des tribunaux et de la Cour de Paris; et plusieurs arrêts successivement rendus par la Cour de cassation n'ont assuré que momentanément son exécution".

Le deuxième élément du délit est que les boissons vendues soient, par la fabrication et les mixtions qui ont été opérées, nuisibles à la santé; c'est cette circonstance qui caractérise l'attentat à la personne que le législateur a vu dans cet acte. « Les fabricants de vins, porte l'exposé des motifs, qui se contentent des mélanges plus désagréables au goût que nuisibles à la santé, sont étrangers au titre qui nous occupe, et leur mauvaise foi ne les rend justiciables que des tribunaux de simple police. » C'est ce qui résulte en effet du rapprochement de l'art. 318 avec l'art. 475, no 6, du Code pénal, lequel prononce des peines de police contre « ceux qui auront vendu ou débité des boissons falsifiées, sans préjudice des peines plus sévères qui seront prononcées par les tribunaux de police cor

1 V. dans ce sens Cass., 5 sept. 1812, cité par Carnot, t. 2, p. 66. L'article 20, tit. 1o de la loi du 19-22 juill. 1791 est ainsi conçu : En cas d'exposition ou vente de comestibles gâtés, corrompus ou nuisibles, ils seront confisqués ou détruits, et le délinquant condamné à une amende du tiers de sa contribution mobilière, laquelle amende ne peut être au-dessous de trois livres. »

2 V. Cass., 7 juill. 1827, S.27.1.524; 4 août 1827, S.28.1.27; 26 avril 1828, S.1.333; 20 mars 1827, S.1.427.

rectionnelle, dans le cas où elles contiendraient des mixtions nuisibles à la santé. » Ainsi, lorsque les boissons, bien que falsifiées, ne sont pas dangereuses, leur débit rentre dans les termes de l'art. 475; dès qu'elles sont nuisibles, cette circonstance, considérée comme aggravante, motive l'application de l'art. 318.

1387. Cette législation a été abrogée. La loi du 5 mai 1855 est ainsi conçue: «-Art. 1o. Les dispositions de la loi du 27 mars 1851 sont applicables aux boissons. Art. 2. L'article 318 et le n° 6 de l'art. 475 du Code pénal sont et demeurent abrogés. » — La loi du 27 mars 1851, à laquelle cette nouvelle loi se réfère, contient les dispositions suivantes : « Art. 1. Seront punis des peines portées par l'art. 423 du Code pénal: 1° ceux qui falsifieront des substances ou denrées alimentaires ou médicamenteuses destinées à être vendues; 2o ceux qui vendront ou mettront en vente des substances ou denrées alimentaires ou médicamenteuses qu'ils sauront être falsifiées ou corrompues...-Art. 2. Si, dans les cas prévus par l'art. 423 du Code pénal ou par l'art. 1er de la présente loi, il s'agit d'une marchandise contenant des mixtions nuisibles à la santé, l'amende sera de 50 à 500 francs, à moins que le quart des restitutions et dommages-intérêts n'excède cette dernière somme; l'emprisonnement sera de trois mois à deux ans. Le présent article sera applicable même au cas où la falsification nuisible serait connue de l'acheteur ou consommateur. >>

L'exposé des motifs de la loi du 5 mai 1855 porte ce qui suit: « En matière de falsification de boissons, la répression pénale, même en l'absence de la loi du 27 mars 1851, n'est pas absolument désarmée. Dans l'état actuel de la législation, la matière est régie par deux textes : l'art. 318 et l'art. 475, n° 6, du Code pénal. Mais si on en restait là, cette répression serait beaucoup moins complète et moins sévère qu'en matière de falsification des denrées alimentaires, et cependant le préjudice va plus loin et atteint plus d'intérêts. La répression serait moins complète et moins sévère. En effet, aux termes de la loi du 27 mars 1851, la falsification simple, alors même qu'elle n'est pas directement nuisible, est un délit punissable d'une peine correctionnelle. Si on n'applique pas cette loi aux bois

sons, la falsification simple restera une contravention punissable d'une peine de police. Aux termes de la même loi, le fait de la falsification est puni comme la vente de la substance falsifiée; il est considéré comme un acte de complicité. Avec le Code pénal seul, l'auteur de la falsification des boissons faite en vue de tromper l'acheteur restera impuni. Enfin, aux termes de l'art. 3 de la même loi, il est interdit au marchand de denrées alimentaires de conserver dans les lieux où s'exerce son commerce ou dans leurs dépendances, des marchandises falsifiées. Pour les boissons, à défaut de cette disposition, cette interdiction très-efficace disparaît. Nous avons dit, d'un autre côté, que le préjudice causé par la falsification des boissons. compromet plus d'intérêts. En effet, indépendamment du préjudice causé à la santé publique, cette falsification est très-préjudiciable aux intérêts des producteurs de vins et aux finances de l'Etat et des communes. Elle est préjudiciable aux intérêts des producteurs de vins, puisque, dans les époques normales, quand le vin est abondant, la falsification de ce liquide contribue, pour sa part, à déprécier les cours par une concurrence déloyale. Elle est bien autrement préjudiciable au Trésor et aux communes, puisque le marchand qui falsifie ses boissons, c'est-à-dire qui en augmente la quantité par le mélange de substances qui ne supportent pas de droits, qui livre par conséquent à la consommation, pour des boissons ayant acquitté les droits, un liquide qui ne les a payés que pour un quart ou pour un tiers, fraude le Trésor ou la commune de toute la différence. >>

1388. Il résulte d'abord de ces nouveaux textes que la simple falsification des boissons, même non nuisibles à la santé, la vente ou la mise en vente de ces boissons falsifiées, enfin, aux termes de l'art. 3 de la loi du 27 mars 1851, leur seule détention dans les magasins du marchand constituent un délit. Nous retrouverons plus loin, en expliquant l'art. 423, les difficultés que cette incrimination a soulevées. Mais il en est une spéciale à la matière des boissons, et qui doit être examinée ici. Dans quels cas y a-t-il falsification en cette matière ? et comment distinguer les mélanges permis et les mélanges défendus?

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