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quel le Corps législatif délibère dans les formes ordinaires, après avoir entendu ou appelé le dénoncé. Le ministre, mis en jugement par un décret du Corps législatif, est jugé par une haute cour, sans appel et sans recours en cassation. La haute cour est composée de juges et de jurés. Les juges sont choisis par le tribunal de cassation et dans son sein; les jurés sont pris dans la liste nationale: le tout dans les formes que la loi détermine. »

Le sénatus-consulte du 28 floréal an XII se borna à régler les attributions et l'organisation de cette haute cour, qu'il qualifia haute cour impériale. L'article 101 portait : « Une haute cour impériale connait 1° des délits personnels commis par des membres de la famille impériale, par des titulaires des grandes dignités de l'empire, par des ministres et par des secrétaires d'État, par de grands dignitaires, par des sénateurs, par des conseillers d'État... 3° des délits de responsabilité d'office commis par les ministres et les conseillers d'État chargés spécialement d'une partie d'administration publique; 4o des prévarications et abus de pouvoir commis, soit par des capitaines généraux des colonies, des préfets coloniaux et des commandants des établissements français hors du continent, soit par des administrateurs généraux employés extraordinairement, soit par des généraux de terre ou de mer, sans préjudice, à l'égard de ceuxci, des poursuites de la juridiction militaire, dans les cas déterminés par les lois; 5° du fait de désobéissance des généraux de terre et de mer qui contre

viennent à leurs instructions; 6° des concussions et dilapidations dont les préfets de l'intérieur se rendent coupables dans l'exercice de leurs fonctions. " Ces crimes et délits étaient dénoncés, soit par le Corps législatif, soit par les ministres, suivant la qualité des inculpés et la nature des faits incriminés.

Toutes ces dispositions ont été, sinon entièrement, au moins en grande partie, remplacées par les art. 34, 52, 55 et 56 de la Charte de 1814, et par les art. 29, 44 et 47 de la Charte de 1830.

L'art. 52 de la Charte de 1814, qui forme aujourd'hui l'art. 44 de celle de 1830, porte: « Aucun membre de la Chambre des députés ne peut, pendant la durée de la session, être poursuivi ni arrêté en matière criminelle, sauf le cas de flagrant délit, qu'après que la Chambre a permis sa poursuite. »

L'art. 34 de la Charte de 1814, qui forme aujourd'hui l'art. 29 de celle de 1830, est ainsi conçu: « Aucun pair ne peut être arrêté que de l'autorité de la Chambre et jugé que par elle en matière criminelle. »

Enfin, l'art. 55 de la Charte de 1814, qui forme l'art. 47 de celle de 1830, porte: « La Chambre des députés a le droit d'accuser les ministres et de les traduire devant la Chambre des pairs, qui seule a le droit de les juger. » L'art. 56 de la Charte de 1814 ajoutait : « Ils (les ministres) ne peuvent être accusés que pour fait de trahison ou de concussion. » La Charte de 1830 a supprimé cette disposition restrictive.

L'art. 69 de cette dernière Charte a ajouté : « 11

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sera pourvu successivement par des lois séparées, et dans le plus court délai possible, aux objets qui suivent... 2o la responsabilité des ministres et des autres agents du pouvoir. » Mais cette matière, sur laquelle plusieurs projets ont été présentés, notamment en 1835, n'a encore été réglée par aucune loi. Telle est la législation relative à la garantie politique de certaines personnes publiques. Cette garantie trouve une sanction dans l'art. 124 du C. pén., ainsi conçu Seront, comme coupables de forfaiture, punis de la dégradation civique, tous officiers de police judiciaire, tous procureurs généraux ou du roi, tous substituts, tous juges qui auront provoqué, donné ou signé un jugement, une ordonnance ou un mandat tendant à la poursuite personnelle ou accusation, soit d'un ministre, soit d'un membre de la Chambre des pairs, de la Chambre des députés ou du conseil d'Etat, sans les autorisations prescrites par les lois de l'État, ou qui, hors les cas de flagrant délit ou de clameur publique, auront, sans les mêmes autorisations, donné ou signé l'ordre ou le mandat de saisir ou arrêter un ou plusieurs ministres, ou membres de la Chambre des pairs, de la Chambre des députés ou du conseil d'État. "

Nous avons dit que l'Assemblée constituante, après avoir établi en faveur des représentants la garantie politique dont nous venons de suivre l'application, avait élevé une deuxième barrière contre les empiètements du pouvoir judiciaire, à savoir, la séparation de ce pouvoir et du pouvoir administra

tif. Il faut reproduire maintenant les textes qui ont fait application de cette deuxième règle et en ont déduit les conséquences immédiates.

L'art. 7, sect. III, de la loi du 22 décembre 1789 portait: Elles (les administrations de département et de district) ne pourront être troublées dans l'exercice de leurs fonctions administratives par aucun acte du pouvoir judiciaire. » L'art. 13 du tit. II de la loi du 16-24 août 1790 répétait cette règle en la développant Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions. « Voilà le principe de la séparation des deux pouvoirs posé la défense faite aux juges de citer devant eux les fonctionnaires à raison des actes de leurs fonctions, en est déduite comme sa première conséquence.

Cette prohibition suppose nécessairement une mesure, une autorité quelconque qui puisse la lever après l'examen des faits; car le premier besoin de l'ordre est la punition des crimes, et nul ne prétend donner aux officiers publics le privilége de l'impunité. L'art. 61 de la loi du 14 décembre 1789 avait déjà reconnu cette corrélation : « Tout citoyen actif pourra signer et présenter contre les officiers municipaux la dénonciation des délits d'administration dont il prétendra qu'ils se seraient rendus coupa

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bles; mais avant de porter cette dénonciation devant les tribunaux, il sera tenu de la soumettre à l'administration ou au directoire du département, qui, après avoir pris l'avis de l'administration de district ou de son directoire, renverra la dénonciation, s'il y a lieu, devant les juges qui en devront connaître. » Les tribunaux ne pouvaient donc être saisis d'une dénonciation contre les officiers municipaux que par le renvoi du directoire du département. Cette mesure fut généralisée par la loi du 7-14 octobre 1790 portant : « Aucun administrateur ne peut être traduit dans les tribunaux pour raison de ses fonctions publiques, à moins qu'il n'y ait été renvoyé par l'autorité supérieure, conformément aux lois. "

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La constitution du 3 septembre 1791 se borna à reproduire la séparation des deux pouvoirs : « Les tribunaux ne peuvent... entreprendre sur les fonctions administratives ou citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions.» (Tit. III, chap. 5, art. 3.) Elle ajoutait cependant que, lorsque des administrateurs auraient été suspendus par le roi, le Corps législatif, après avoir levé ou confirmé cette mesure, pourrait « renvoyer les administrateurs aux tribunaux criminels ou porter contre eux un décret d'accusation. » Le Corps législatif était substitué dans ce cas spécial à l'administration supérieure. La constitution du 5 fructidor an ш ne répéta pas toutes ces dispositions: elle déclara seulement, dans son art. 296, que « les juges ne peu

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