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gouvernement, elles auraient pu sans doute être dirigées contre Huetet Arreau, quoique non nominativement désignés dans le décret impérial; mais que ce décret ne renferme pas cette extension; que, dès lors, ses dispositions générales ne pouvaient être indéfiniment appliquées à tous agents publics que l'instruction aurait pu indiquer comme auteurs, fauteurs et complices des faux qu'elle devait pouruivre ; qu'une application aussi indéfinie pouvait mettre ces poursuites en opposition avec la volonté de l'autorité suprême, dont elles ne devaient être pourtant qué Texécution; qu'elle pouvait même paralyser ouz entraver l'action administrative du gouvernement qu'elle pouvait d'autant moins être faite à Huét et‹å) Arreau, que, lors du décret du 2 compl. an xu, ces deux fonctionnaires n'avaient pas été désignés à l'autorité impériale comme prévenus de complicité dans les faux dont elle ordonnait la poursuite; que la prévention qui a paru s'élever contre eux devait donc être dénoncée au gouvernement, et que les poursuites ne pouvaient être faites à leur égard jusqu'à ce qué sa volonté se fût expliquée et les eût ordonnées; que des ordres spéciaux et une autorisation personnelle de l'empereur de poursuivre lesdits Huet et Arreau, quoique intervenus sans la délibération préalable du conseil d'Etat, étaient suffisants sans doute, mais qu'ils étaient nécessaires et qu'ils devaient être attendus 1. » La même question a été agitée de nouveau dans une affaire récente; mais 1 Arr. Cass. 21 mai 1807 (J. du pal., t. VI, p. 100).

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aucune solution n'est intervenue. L'art. 5 de la loi du 3 juillet 1846 portait « qu'il devra être rendu compte aux Chambres des mesures administratives ́ou judiciaires que le ministre de la guerre aura prises ou provoquées, au sujet du déficit laissé par le comptable manutentionnaire des vivres de la place de Paris. En vertu de cette loi, et conformément à l'art. 433 du C. pén., le ministre de la guerre a saisi l'autorité judiciaire. Mais sa dénonciation, ou plutôt la loi elle-même qui l'avait prescrite, équivalait-elle à une autorisation de suivre à l'égard des comptables dont la gestion était incriminée? Cette difficulté ayant un moment suspendu la procédure, le ministre de la guerre, pour éviter les lenteurs d'une autorisation, a prononcé la destitution des comptables, et la procédure a suivi dès lors son cours sans obstacle.

Il nous parait que, dans ces deux hypothèses, l'ordre de poursuivre, émané soit du décret, soit de la loi, équivalait à une autorisation de mettre en jugement les agents inculpés. On doit remarquer d'abord que l'arrêt du 21 mai 1807 reconnait formellement qu'un ordre spécial ou une autorisation personnelle du chef du gouvernement, intervenu sans délibération préalable du conseil d'État, peut remplacer la décision de ce conseil, et que si l'injonction, énoncée dans le décret, de poursuivre les auteurs des faux dénoncés eût ajouté fussent-ils agents du gouvernement, cette injonction, quoique non nominative, quoique collective, eût suffi pour rendre la poursuite régulière. Et, en effet, quel serait l'objet

de l'intervention du conseil d'Etat, quand la justice est saisie par le gouvernement, quand elle est requise d'informer sur les auteurs et complices d'un crime? Est-ce que sa décision pourrait diviser une poursuite essentiellement indivisible, restreindre une action dont la juridiction est régulièrement en possession? Le conseil d'État n'est ici que l'organe du gouvernement; quand le gouvernement a prescrit lui-même la poursuite, quelle serait sa mission? Faudrait-il donc la réduire à une formalité obligée et stérile? Peut-on admettre qu'il serait tenu de prendre une décision, quand cette décision lui serait dictée à l'avance par la loi? Il est vrai que les ordonnances portant autorisation sont, en général, non pas individuelles, mais du moins nominatives; car, si elles renferment l'appréciation d'un acte administratif, elles ne disposent que relativement aux agents qui sont inculpés à raison de cet acte. Mais lorsque le gouvernement, par une mesure extraordi naire, apprécie l'acte lui-même et le défère à la justice, lorsqu'il provoque une enquête judiciaire, il est clair que les règles ordinaires sont suspendues; l'autorisation de poursuivre les faits incriminés emporte nécessairement le pouvoir de poursuivre tous les auteurs ou complices de ces faits; quoique non nominative, elle est valable.

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Droits respectifs de l'autorité judiciaire et de l'autorité administrative en ice qui concerne l'application de la garantie,'

10256 fik al ́b liserroo of sup so fup L'autorité judiciaire et l'autorité administrative se trouvent en une sorte de conflit toutes les fois qu'un agent du gouvernement est inculpé de quel que fait relatif à ses fonctions. I importe done' de déterminer avec précision les droits de l'un et de l'autre à toutes les phases de la procédure.zqch -Dès qu'elle acquiert la connaissance du délit l'autorité judiciaire à le droit d'en rechercher les traces et d'en recueillir les preuves, lors même qu'elle reconnaît dans l'inculpé la qualité d'agent du gouvernement. Cette qualité suspend la poursuite personnelle; elle ne suspend pas les actes qui tendent à constater le délit. Cette distinction est écrite dans l'art. 3 du décret du 9 août 1806, ainsi conçu : Lă disposition de l'art. 75 de l'acte constitutionnel de l'an vi ne fait point obstacle à ce que les magistrats chargés de la poursuite des délits informent et recueillent tous les renseignements relatifs aux délits commis par nos agents dans l'exercice de leurs fonetions; mais il ne peut être en ce cas décerné aucun mandat ni subi aucun interrogatoire juridique sans l'autorisation préalable du gouvernement. » Ainsi, toutes les mesures conservatoires, toutes celles qui ont pour objet de vérifier les charges, de ramasser les témoignages, de constater les indices, demeurent

entre les mains de la justice. Toutes les mesures préventives, toutes celles qui ont pour objet soit de s'assurer de la personne de l'inculpé, soit de lui imprimer la qualité de prévenu, sont suspendues jusqu'à ce que le conseil d'Etat ait statué.

Le refus d'un préfet d'autoriser la mise en jugement d'un percepteur ne serait pas même un obstacle à ce que cette information fût continuée lorsqu'il y a eu recours au conseil d'Etat contre la décision du préfet. C'est ce que la Cour de cassation a reconnu dans une espèce où, le préfet ayant refusé de donner suite à une plainte en concussion, le tribunal correctionnel avait été saisi par le percepteur à raison de la dénonciation calomnieuse dirigée contre lui: :

attendu que dans cet état de choses, le tribunal de Saint-Mihiel n'a point excédéses pouvoirs ni violé aucune loi en ordonnant que, sur les faits dénoncés par Legendre contre le demandeur, il serait informé à la requête du ministère public, sans que néanmoins il pût être décerné contre lui, aucun mandat jusqu'à l'autorisation de l'autorité compétente; que l'infor mation ordonnée par ce tribunal pouvait devenir un moyen d'instruction nécessaire à la délibération du conseil d'État, devant lequel Legendre avait déclaré se pour voir; que, d'ailleurs, cette information pouvait être faite, d'après le décret dư 9 août 1806, avant toute autorisation; qu'elle pouvait donc être ordonnée nonobstant un refus d'autorisation qui pouvait être annulé, et contre lequel il y avait déclaration de recours; qu'enfin l'art. 75 n'établit pas un

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