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bilité qui, pour ne motiver aucune peine, n'en existait pas moins. Or quel est l'effet direct et immédiat du décès de l'accusé avant qu'il soit statué sur le pourvoi? C'est d'anéantir la condamnation principale, c'est d'effacer jusqu'à la déclaration de culpabilité qui en était la base. La condamnation aux frais, qui ne peut exister qu'accessoiremers à cette déclaration, qui n'en est qu'une conséquence et qu'un effet, doit done cesser d'exister avec la cause qui l'a produite. La faire survivre à cette déclaration, c'est lui assigner pour base un fait dommageable peut-être, mais non un fait criminel; car elle n'est légitime, elle ne peut être prononcée, que lorsque la procédure criminelle a été justement exercée, c'est-à-dire lorsque le fait, objet de cette procédure, est qualifié crime, délit ou contravention par la loi1.

Le décès du prévenu n'éteint l'action publique qu'en ce qui concerne ce prévenu seulement; elle peut librement s'exercer contre ses coauteurs ou ses complices 2.

Voy. conf. arr. Cass. 28 août 1807 (J. du pal., t. VI, p. 288, et contr. Carnot, De l'instr. crim., t. I, p. 60, no 24, et Mangin, n° 281). 2 Voy, Théorie du Code pénal, chap. XI, sect. 4.

CHAPITRE VI.

DEUXIÈME CAUSE D'EXTINCTION de l'action publique. -DE L'EXCEPTION DE LA CHOSE JUGÉE.

§ 173. Objet et division de ce chapitre.

$ 175.

Objet et division de ce chapitre.

La deuxième cause d'extinction de l'action publique est l'exception de la chose jugée.

L'autorité de la chose jugée est souveraine, elle est plus forte que la vérité même 1: l'accusé qui a été légalement jugé, lors même que ce jugement serait erroné, ne peut être poursuivi de nouveau à raison de la même accusation. Cette règle, qui se traduit dans la langue du droit par la maxime non bis in idem, a traversé les siècles, appuyée sur la rigide équité qui la fonde et sur l'intérêt public qui s'y rattache. Elle s'est même développée dans sa marche, et nous verrons qu'elle a peu à peu secoué les restrictions dont l'esprit inquiet et subtile des légistes l'avaient entourée.

Auctoritas rei judicatæ prævalet veritati. Covarruvias, Variar. Resol. lib. 1, cap. 1, n. 4.

Cette matière, qui a été l'objet de nombreux travaux de la part des anciens jurisconsultes, soulève de graves difficultés. Elles peuvent se résumer en ces trois questions: 1° quel est le caractère général, quels sont les motifs de l'exception de la chose jugée? 2° quels sont les éléments nécessaires pour constituer cette exception? 3° dans quels cas doitelle être appliquée? L'objet de ce chapitre est de rechercher la solution de ces problèmes.

Nous le diviscrons donc en trois sections.

La première aura pour objet d'examiner quels ont été le caractère et les effets de cette règle dans la législation romaine et dans notre ancienne jurisprudence, et quels sont ce caractère et ces effets dans notre droit actuel.

La deuxième renfermera l'exposé des éléments nécessaires pour qu'il y ait chose jugée.

La troisième précisera les actes qui peuvent produire cette exception.

SECTION Ire.

CARACTÈRE GÉNÉRAL DE L'EXCEPTION DE LA CHOSE JUGÉE.

§ 174. Du caractère et des effets de cette exception dans le droit romain.

§ 175. Du caractère et des effets de la même exception dans Pancien droit.

1

§ 176. De son caractère et de ses effets dans notre droit actuel.

1

$174.

Du caractère et des effets de l'exception de la chose jugée dans le droit romain.

Il était de principe général dans la jurisprudence romaine que lorsque, dans la même affaire et à raison du même fait, deux actions étaient successivement exercées, on pouvait opposer à la scconde une exception, qui est qualifiée par Ulpien de vulgaire, l'exception de la chose jugée si ex eádem causa sæpius agatur, cum idem factum sit, exceptio vulgaris rei judicatæ opponitur a ̧

Cette exception était appliquée aux matières criminelles par deux textes principaux l'un d'Ulpien, qui reproduit une décision de l'empereur Antonin, hisdem criminibus, quibus qui liberatus est, non debet præses pati eumdem accusari: et ita divus Pius Salvio Valenti rescripsit 2; l'autre de l'empereur

1 L. 3 Dig., De popular. action. 2 L. 7, § 2, Dig., De accusat.

Gordien qui de crimine publico in accusationem deductus est, ab alio super eodem crimine deferri non potest1. Il résulte de ces deux textes que le même crime ne peut donner lieu à deux accusations successives, lors même que l'accusateur n'est pas le même : cette règle est placée sous la protection des préteurs. Le droit d'accusation, c'est-à-dire l'action publique, se trouve donc éteint par le premier jugement.

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Mais ce principe admettait quelques restrictions. La première accusation, lorsqu'elle avait été arrêtée, soit par le désistement, soit par la transaction de l'accusateur, ne produisait plus l'exception. Ainsi la transaction consentie par le père, à raison du viol ou du rapt de sa fille, ne faisait nul obstacle à ce qu'un étranger prit et soutint l'accusation : et si pater injuriam suam precibus exoratus remiserit, tamen extraneus reum 'postulare poterit2. La première accusation, même suivie de jugement, n'avait encore aucun effet, si la procédare n'avait pas été régulièrement instruite; si, par exemple, l'accusaleur, par une coupable connivence, avait altéré ou supprimé les preuves: nec in publicis judiciis permittitur ampliùs agi quàm si prævaricationis fuerit damnatus prior accusator 3. Enfin, la première accusation demeurait comme non avenue, si l'absolu

AL. 9 Cod., De accusat.

2 Marcian., 1.5, § 2, Dig., Ad leg. Jul. de vi pa.

3 Ulpian., 1. 3, § 13, Dig., De homine lib. exhib., et I. 3, § 1, De prævaricatione.

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