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prévenu de constructions illégales sur la voie publique avait élevé une exception préjudicielle puisée dans l'étendue de l'autorisation municipale, la même Cour a jugé que le délai apporté par cette administration à fixer le point en litige ne pouvait être invoqué pour la prescription: Attendu que l'art. 640 ne déroge pas au principe du droit commun et de toute équité, suivant lequel la prescription ne court pas contre celui qui est empêché d'agir; que ce principe est surtout applicable au cas où, comme dans l'espèce, l'empêchement d'agir provient du fait même de la partic qui, profitant d'une suspension forcée et par elle provoquée, veut néanmoins puiser dans cette suspension une exception de prescription1.

Il nous reste à exposer quelques règles qui s'appliquent, aussi bien en matière criminelle et correctionnelle qu'en matière de police, à l'interruption de la prescription de l'action publique. Do

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La première de ces règles est que l'interruption de la prescription n'a pas seulement pour effet de suspendre son cours, elle efface et met à meant tout le laps de temps qui s'est écoulé jusque-la, et oblige, pour prescrire, à recommencer toute cette prescription. Cette règle est formellement énoncée dans les art. 637 et 640, qui, dans tous les cas d'intérruption qu'ils ont prévus, font courir les délais de la prescription, soità compter du dernier acte d'instruction ou de poursuite, soit à compter du jour de la notification de l'appel du jugement de police. La · question, toutefois, s'est élevée de savoir s'il y a lieu • Arr. Cass. 29 août 1846 (Bull.; no 229), 19:55 Japc() 294, 8

... d'appliquer ces dispositions au cas où la prescription est arrêtée par le jugement d'une question préju dicielle, si, dans ce cas particulier, la prescription, -au lieu d'être interrompue, n'est pas seulement sus¿pendue, et si l'on ne doit pas, par conséquent, tenir -compte au prévenu, lorsqu'elle a repris son cours, de tout le temps qui a précédé l'acte interruptif. On allègue, à l'appui de l'affirmative, les art. 2251 et suiv, du C. civ., qui suspondent le cours de la prescription en faveur des incapables, suivant la maxime 7contrà non valentem agere non currit præscriptio; on ajoute que l'admission d'une question préjudicielle place la partie poursuivante dans l'impossibilité d'action où se trouve l'incapable; que la même règle doit donc lui être appliquée ; que l'interruption, ne provenant que d'un obstacle momentané, doit se bortier à suspendre le cours de la prescription; qu'elle ne doit effacer le temps écoulé que lorsqu'elle est dirigée contre la prescription elle-même, parce qu'alors elle doit nécessairement détruire les droits acquis jusque-là. Il faut répondre que la loi criminelle n'a posé qu'une seule règle, et qu'il y a lieu des lors de l'appliquer à tous les cas où la prescription est arrêtée dans son cours; que si cette règle, qui fait recommencer la prescription, tout entière à compter de l'acte interruptif, n'a été posée qu'en ce qui conles actes de poursuite et d'instruction, c'est que la loi n'a formellement prévu que ces causes d'interruption, mais qu'il y a même raison de l'è tendre aux causes provenant d'un empêchement de M. Leseyllier, no 229kog og M; E

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droit. En effet, la loi civile he suspend le cours de la prèscription, au lieu de l'interrompre, qu'à l'égard des incapables; or, il ne faut pas confondre l'incapacité personnelle, qui, en matière criminelle, n'est point une cause d'interruption, et l'impossibilité d'action qui paralyse momentanément la partie poursuivante. Cette inaction forcée n'entraîne nullement, comme le ferait l'incapacité, le dépérissement des preuves; loin de là, l'attention du ministère public ou du plaignant a dû se porter nécessairement sur les moyens de les recueillir et de les réserver. Il n'y a donc point de motif pour déroger dans ce cas à la règle posée par la loi criminelle. On doit ajouter que la question n'a d'intérêt réel qu'à l'égard des contraventions, puisque, en ce qui concerne les crimes et les délits, l'admission de la question préjudicielle serait nécessairement précédée d'un acte de poursuite ou d'instruction qui interrompraît la prescription. L'intérêt de la défensé, qu'on pourrait faire valoir pour substituer dans ce cas la suspension à l'interruption, n'aurait donc qu'une faible portée1. C'est, au surplus, dans ce sens que la question a été résolue pár la Cour de cassation 2.

Une deuxième règle a pour objet l'application aux matières spéciales des dispositions relatives aux cauşes d'interruption. Il est clair que ces causes sont les mêmes à l'égard des délits dont la prescription est réglée par des lois particulières, puisque la raison de cette mesure s'applique nécessairement à tous les ol◄ Conf. M. Mangin, no 360.

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cas. Mais la difficulté est de savoir comment doit se régler dans ce cas la prescription nouvelle. Est-ce d'après la loi spéciale ou d'après la loi commune? Doit-on, en un mot, calculer la prescription, à compter du fait interruptif, par le temps fixé par la loi spéciale ou par le Code? On dit, pour appliquer la prescription ordinaire, que les lois spéciales se sont bornées, en général, à fixer le délai dans lequel sont éteintes les actions qui n'ont pas été intentées; et que, par conséquent, elles sont inapplicables lorsque ces actions ont été intentées dans le délai légal; qu'il faut recourir alors aux art. 637 et 638, qui ont fixe, à l'égard des délits, le délai de trois ans à compter de l'acte interruptif; que ce délai est le droit commun qui reprend son empire au point où l'exception expire; que la prescription s'attaque alors, non plus au délit, mais à l'action, et qu'il est de principe qu'une action, lorsque le juge en est saisi, ne s'éteint plus que par la prescription ordinaire, quelque brève que fût celle qui frappait le fait lui-même, d'aprés la maxime omnes actiones que tempore pereunt, semel inclusæ judicio, salvœ permanent. Il faut répondre que l'interruption d'une prescription spéciale ne peut en changer la nature; que l'effet de cette interruption est sans doute de forcer le prévenu à la recommencer, mais qu'il ne peut être de substituer à la prescription interrompue une prescription différente et

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1 ́ Arr. Cass. 26 févr. 1807 (Rép., vo Délit for., § 19); 18 août 1809 (Bull., p. 301); 28 déc. 1809 (Bull., p. 400); 11. nov. 1825 (Bull., p. 618), etc.

* L. 139 Dig., De regulis juris.

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plus longue. Si les prescriptions particulières sont d'une courte durée, c'est parce que les traces des faits auxquels elles s'appliquent sont fugitives, c'est surtout parce que le caractère rapide et léger de ces faits les rend insaisissables après un certain délai, Or, est-ce que le fait de l'interruption change ce caractère? est-ce que leurs traces sont moins fugitives, leurs preuves plus saisissables après une citátion, en justice? Pourquoi la prescription s'aggrayerait-elle, puisque l'acte interruptif ne change rien ret ne peut rien changer à la nature du délit ? On dit qu'elle n'est plus dirigée contre le délit; mais contre l'action. Mais est-ce que ce n'est pas toujours contée l'action que la prescription est dirigée? Et qu'importe que cette action soit lice en justice ou ne le soit pas ? On conçoit que son exercice fasse recommencer la prescription; mais pourquoi en changerait-il les conditions? La règle générale est que la prescription, qui reprend son cours après avoir été interrompue, est soumise aux mêmes délais que la première; il n'y a d'exception à cet égard que dans l'art, 29 de la loi du 26 mai 1819. Cette règle du droit commun doit nécessairement s'appliquer aux délits que régit une prescription particulière, puisque c'est en vertu du droit commun que cette prescription est interrompue. L'interruption ne peut donc que faire recommencer la prescription qui leur est propre1.

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Voy. conf. M. Leseyllier, no 2400, et contr. arr. Cass. 5 juillet 1816 (Bull., no 40); 6 févr. 1824 (Bull., n° 23); 20 sept. 1828 (Bull., n° 277); 6 févr. et 8 mai 1830 (Bull., nr 38 et 427); 1er mai 1832 47

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