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ments de leur propre jugement, ils n'en subissent pas la loi. Ils conservent leur droit de juridiction, et par conséquent leur droit d'appréciation des faits qu'ils ont à juger. Ils ne blessent point la chose jugée, puisque le jugement criminel, qui acquitte ou condamne un prévenu, ne peut avoir force de chose jugée quand il s'agit de constater ou de réparer un dommage privé.

Il reste à parcourir quelques textes qui ont longtemps embarrassé cette discussion, et dont il importe de la dégager. On a puisé dans les art. 198 et 232 du Cod. civ. et dans les art. 359 et 463 du Cod. d'inst. crim. quelques exemples d'une influence exercée par des jugements criminels sur les droits et sur les actes des tiers. Il faut d'abord écarter l'art. 232, qui, en proclamant la condamnation de l'un des époux à une peine infamante une cause de divorce, n'a eu évidemment en vue que le fait de la condam→ ! nation et l'infamie qui en résulte; c'est un fait d'in dignité, ce n'est pas un effet attaché au jugement. L'art. 198, qui, assure au mariage ses effets civils,) du jour de sa célébration, quand la preuve de cette célébration se trouve, acquise par le résultat d'une procédure criminelle, ne suppose nullement que les 1 parties intéressées n'aient pas personnellement › fis guré au procès, ou que leurs droits puissent être compromis par un jugement passé hors de leur prési sence. L'art, 359 du C. d'inst, erim., qui décide que l'accusé acquitté, peut demander des dommages-intérêts contre son dénonciateur, ne porte point que cette condamnation pourra être portée sans que

celui-ci soit appelé à discuter les faits et à se défendre. L'art. 463 est le seul texte qui soit explicite; aussi est-ce de ce texte qu'est sorti tout le système que nous avons examiné. Il porte: lorsque des actes authentiques auront été déclarés faux en tout ou en partie, la Cour ou le tribunal qui aura connu des faux, ordonnera qu'ils soient rétablis, rayés ou réformés, et du tout il séra dressé procès-verbal: » De là on conclut que, par cela seul que le faux est jugé constant avec le ministère public, il est 'censé jugé tel avec tous ceux auxquels la validité des actes peut importer. On peut répondre : 1° que cette disposition ne s'applique qu'aux actes authentiques, parce que le seul but du législateur a été qu'on ne pût délivrer expédition de ces actes, après qu'un' arrêt les aurait déclarés entachés de faux; 2° que l'article ne porte point que les actes seront lacérés ou supprimés, mais qu'ils seront rayés, rétablis ou réformés, et que du tout il sera dressé procès-verbal. C'est une mesure conservatoire, destinée à prévenir les effets du faux, sans nuire aux droits des parties. Si les parties étaient présentes, ce n'est pas la radiation seulement, c'est la lacération ou là suppression de l'acte qui serait prescrite l'art. 241 du C. de pr. civ. contient un exemple formel de cette distinction 1.

Nous avons été amené, en discutant les éléments de cette question, en suivant pas à pas à pas les arguments sur lesquels la jurisprudence s'est appuyée, à trouver ces arguments impuissants et faibles, à chercher

↑ Conf. M. Chauveau Adolphe, J. du droit crim., t. II,

p. 175.

notre solution, non plus dans une exception contes table aux principes du droit, mais dans. Fappli cation stricte et absolue de ces principes. La dénégation aux jugements criminels d'une autorité formelle sur les jugements civils, peut sans doute ame ncr quelques contradictions; mais, en adoptant cette règle simple et conforme aux principes géné raux de la procédure, que de difficultés seront évitées, que de questions résolues, que de subtilités effacées, que d'embarras et de conflits aplanis et vidés!

§ 205.

De la prescription de l'action civile,

Dans le droit romain, l'action civile survivait à l'accusation, et pouvait encore être exercée quoique: le crime fût éteint; nam est constitutum turpia, lucra heredibus quoque extorqueri, licet crimina extinguantur1.

Dans notre ancien droit, la question de savoir s'il fallait appliquer à cette action la prescription de 20 ans établie pour les crimes, où la prescription de 30 ans établie en matière civile, était fort controversée. Julius Clarus 2, Farinacius 3, Serpillon 4, Muyart de Vouglans 5, et plusieurs parlements, en

Ulp., 1. 7 Dig., De calumn,; Papin., 1. 12 Dig., De lege Corn. de fals.; Marcian., 1. 6 Dig., De publ. jud.

* Quæst. 51, num. 2: Omnes actiones civiles, quæ ex crimine descendunt, durant usque ad 30 annos.

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tre autres ceux, de, Dijon et de Grenoble, tenaient pour la prescription de 30 ans. Serpillon motiyait cette opinion en ces termes : « L'accusé a éteint le crime, par une prescription, de, 20 ans, c'est une grâce de la loi; mais elle ne l'a pas dispensé ou ses héritiers de la restitution des choses volées ou du payement du dommage qu'il a occasionné; cette action est civile; elle doit donc, comme toutes les autres actions civiles, durer trente ans, Rousseaud

de La Combe et Jousse, enseignent au contraire. que la prescription des intérêts civils est de 20 ans, comme celle des crimes; la raison qu'ils en donnent est que le principal, qui est l'action pour le crime, étant éteint par la prescription il est de règle que l'accessoire, qui consiste dans les intérêts civils, soit aussi éteint : Cum principalis causa non consistat, plerumque nec ea quidem quæ sequuntur, locum habent §. Cette dernière opinion, consacrée par plusieurs ar¬ rêts du parlement de Paris, avait en définitive prévalu dans la pratique.

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La loi du 25 sept.-6 octobre 1791, n'avait rien sta⇒ tué sur la prescription de l'action civile. Les art. 9 et 10 du C. du 3 brum. an iv soumettaient les deux actions à la même prescription, celle de trois ans, si, dans cette intervalle, il n'avait été fait aucune poursuite, et à celle de six ans, si, dans les trois ans, il avait été commencé des poursuites, soit criminelles, soit civiles, 75 man esiivin

1 Mat. crim., p. 170.

2 Tom. 1, p. 600.

3 Arr. parl. Paris, 22 janvier 1600, 10 mai 1666, 22 mars 1653, 6 juillet 1703, etc.

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D'après les art. 637, 638 et 640 du C. d'instr. crim., l'action publique se prescrit par les mêmes délais que l'action publique. Cette prescription commune des deux actions est une règle générale qui n'a d'exception que dans l'art. 29 de la loi du 26 mai 1849, d'après lequel l'action civile née d'un délit de la presse, ne se prescrit que par trois ans, lorsque l'action publique se prescrit par six mois.

La question s'est élevée de savoir si la prescription établie par le C. d'instr. crim. doit être appliquée à l'action civile, lorsque cette action est portée devant les tribunaux civils. La Cour de cassation, chambre des requêtes, a jugé, par arrêt du 17 déc. 18394, que l'action civile n'est soumise à la même prescription que le délit, que lorsqu'elle est soumise en même temps et devant les mêmes juges ; mais que, portée devant les tribunaux civils, elle n'est éteinte que par la prescription ordinaire. M. Bourguignon avait déjà admis cette solution 2. Elle nous paraît aussi contraire au texte qu'à l'esprit de la loi. La loi criminelle n'aurait point dû s'occuper de la prescription de l'action civile, si cette prescription n'avait dù la frapper que devant la juridiction répressive, puisqu'elle n'y peut paraître qu'accessoirement à l'action publique. Les dispositions des art. 637, 638 et 640 sont donc générales;bon en trouve la preuve d'ailleurs dans les art. 2 et 3 du C. d'instr. crim., qui portent que l'action civile peut

↑ Dev., 40, 1, 454, et conf. Nimes, 23 mars, 1833 (Dev., 33, 2, 243); Riom, 28 juin 1841 (Dex, 41, 2, 587)..i

2 Jurispr. des Cod. crim., t. II, p. 539.

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