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être exércéé séparément, c'est-à-dire, devant la juridiction civile, et que les deux actions s'éteignent par la prescription, ainsi qu'il est dit au liv. II. tit. 7, chap. 5 de la prescription. La loi ne fait donc pas dépendre l'application de cette règle de la nature de la juridiction. Et comment, si elle eût voulu stipuler cette condition, l'art. 642 quia réservé la prescription ordinaire aux condamnations civiles, ne l'eût-il pas réservée en même temps à l'action eivile quand elle est exercéé séparément1? Les motifs qui ont imposé la même prescription aux deux actions qui naissent du même délit, suivent l'action civile devant les tribunaux civils: un délit ne se constate pas par les mêmes preuves qu'une convention; il y a lieu de présumer qu'après un certain temps les indices s'effaceraient, et que le jugement serait abandonné à l'arbitraire des juges. Or, cette raison' s'applique aux deux juridictions, puisque le fait ne change pas de caractère en passant de l'une à l'autre. Cette doctrine a obtenu, en dernier lieu, la sanction de la Cour de cassation, qui a décidé que la condamnation même, intervenue sur l'action publique, ne proroge pas, au delà du délai de trois ou de six ans, l'action en réparation purement civile, et ne place pás cette action sous l'application des principes ordinaires du droit civil en matière de prescription 2.

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1 Conf. M. Leseyllier, no 2510.

Arr. Cass. 5 août 1841 (Dev., 41, 1, 753), et conf. Bordeaux, 12 avril 1829 (Dev., 29, 2, 218); Lyon, 17 juin 1842 (J. du dr. cr., t. XIV, p. 248), et, dans le même sens, Merlin, Rép., v Prescription; Legraverend, t. I, p. 79; Carnot, Instr. crim., obs. prôl. sur la prescription, no 9; Mangin, no 363.

Mais il est évident que l'action civile n'est frappée par la prescription criminelle qu'autant qu'elle nait d'un fait qualifié crime, délit ou contravention' par la loi. Ainsi, la Cour de cassation a jugé, avec raisón, que la répétition d'une somme indûment per çue par un comptable 'n'était point passible de la prescription criminelle lorsque la perception ne constituait point et n'avait point été dénoncée comme crime de concussion 1.

Toutefois, suffit-il que la demande en dommagesintérêts ait été faite, sans imputation de délit, pour que la prescription ordinaire soit applicable? Dans une espèce où le demandeur avait qualifié le fait dommageable de dol et de fraude, le défendeur invoqua la prescription en soutenant que ce fait constituait un délit; mais la Cour de cassation a rejetë son pourvoi : « Attendu qu'il ne saurait appartenir au défendeur, en s'imputant une turpitude, d'aggraver le fait et de lui donner le caractère d'un délit 2. Cette décision est-elle fondée? Nous croyons" qu'il ne faut jamais confondre l'action civile qui naît d'un délit avec l'action qui naît d'un simple fait dommageable, rentrant dans les termes de l'arti cle 1382 du Cod. civ. La loi les a séparées, puisqu'elle les a soumises à une prescription distincto,' et la raison de cette différence est que l'intérêt social qui veut que les faits punissables ne puissent plus être poursuivis après un certain temps, no s'étend point aux faits simplement donimageables. Cela pofeld, ful

Ave, Cass. 6 juill. 1829 (Ball., 1849, 1, 288). * Arr. Cass. 26 mars 1829 (Dall., 1, 569,.

sé, peut-il dépendre d'une partic, en qualifiant un fait quasi-délit au lieu de le qualifier délit, de soumettre le défendeur à telle ou telle prescription? Estce que le genre de la prescription, n'est pas attaché à la nature du fait? Pourquoi le défendeur ne serait-il pas admis alors à relever, si le juge ne le fait pas, l'exception que la loi a établie en sa faveur? On dit qu'il ne doit pas être admis à alléguer sa propre turpitude. Nemo auditur allegans suam turpitudinem, Nous ayons peu de goût pour ces axiomes dont les termes absolus ne servent souvent qu'à voiler une injustice, Pourquoi le défendeur n'allèguerait-il pas que le fait constituait un délit, si c'est à raison de ce caractère qu'il est privé de ses moyens de défense? La honte n'est pas dans l'exception; et, après tout, est-ce donc un motif pour ravir à celui qui l'invoque une fin de non-recevoir qui lui est assurée par la loi?...... Mais il ne faut pas confondre les demandes qui sont fondées sur des faits qualifiés délits par la loi et celles qui sont fondées sur un fait qui est indépendant de ces délits. Ainsi, un receveur qui a dilapidé des deniers publics peut être l'objet d'une demande en restitution, après l'expiration du délai de la prescription criminelle, attendu que les articles du Code d'instr. erim. ne peuvent avoir d'application à cette action, qui a pour objet les sommes dont le demandeur s'était constitué débiteur, demande étrangère aux intérêts civils résultant des poursuites en matière de délit; que l'action introduite par l'effet de la saisie-arrêt purement civile, résultant de la comptabilité générale du demandeur, était soumise aux règles

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prescrites pour la durée des actions civiles par l'article 1262 du C. civil1..

La prescription de l'action civile ne change point de nature quand elle court en faveur des héritiers de l'accusé. En effet, elle est attachée au délit lui-même, et dès lors elle conserve son caractère et sa durée, quelles que soient les personnes auxquelles elle profite 2.

Mais les faits qui fondent cette action, lors même qu'ils sont couverts par la prescription, peuvent être invoqués encore à titre d'exception. Supposons, par exemple, que le fait d'un homicide soit imputé au légataire de la personne homicidée, la prescription de dix ans ne serait pas un obstacle à cette exception. Jousse fonde cette décision sur la maxime quæ sunt temporalia ad agendum sunt perpetuu ad excipiendum3. La véritable raison est qu'il ne s'agit point ici de l'exercice de l'action civile ; et d'ailleurs, il est de principe que toute exception dure aussi longtemps que l'action à laquelle elle peut être opposée.

Arr. Cass. 23 janv. 1822 (Dall., vo Enregistr., t. VII, p. 468). 2 Contr. Jousse, t. I, p. 602; conf. M. Leseyllier, no 2317,- * 3 Jousse, t. 1, p. 604,

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TABLE

DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME.

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Ces matières sont les causes de suspension et les causes
d'extinction de l'action publique et de l'action civile.

CHAPITRE Ier.

-

DES CAS OU L'Action publique EST
suspendue PAR LE DÉFAUT DE PLAINTE DES PARTIES LÊ-

'SÉES.

§ 139. Objet et division de ce chapitre.

T

ibid.

Motifs de la règle qui dans certains cas fait de la plainte
une condition de la poursuite.

ibid.

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