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(1788-89)

LA PRESSE, L'HIVER.

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une société publicole *. Le Bon Sens, par M. de Kersaint; les Observations sur l'Histoire de France, de Mably; les Fonctions des Etats-Généraux, par Condorcet; la Pétition des citoyens domiciliés à Paris, rédigée par le docteur Guillotin et pour laquelle l'auteur, en compensation des poursuites de l'autorité, reçoit des couronnes populaires **, - travaillent l'opinion publique, fort occupée aussi des malheurs et des doléances de Latude, dont nous donnons ici le portrait d'après Vestier. Qu'est-ce que le tiers état ? s'est

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demandé l'abbé Sieyes, et il s'est répondu rien pour le présent, tout dans l'avenir. Mot nouveau, idée nouvelle. Conclusion qui indiquait combien le

⚫ Club qui s'était donné pour mission d'éclairer les esprits.

" Moniteur Universel.

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LA PRESSE, L'HIVER.

(1788-89) tiers-état se contentait peu des concessions que la royauté lui avait faites jusqu'à présent.

Les journaux et les livres fourmillent: on se perd dans leurs titres.

Ici commence le rôle politique du peuple, qui a cherché à se rendre compte de ses droits et de sa force, et qui veut avoir voix délibérative dans les conseils du gouvernement.

Son état physique est déplorable. Le 13 juillet 1788, une grêle affreuse avait ravagé la France. Le territoire de Chartres était ruiné; quarante-trois paroisses de l'Ile-de-France manquaient de récoltes; cinquante-quatre paroisses de l'élection de Clermont en Beauvoisis n'avaient pas même de quoi ensemencer l'année suivante. La Picardie, la Tourraine, le Valais, le Forez, étaient dans la désolation. Chaque jour, les feuilles publiques enregistraient de nouveaux désastres. Dès le 19 de juillet, le Journal de Paris annonçait une souscription pour secourir les victimes des sinistres **. Il citait des malades dont la commotion atmosphérique avait hâté la mort. Le théâtre Français, l'Académie de musique, le théâtre Italien, jouaient à bénéfice.

Mais toutes ces faibles aumônes n'étaient qu'un faible remède au présent ; l'hiver appprochait, l'hiver, Ja terreur des pauvres. Il continua la série des malheurs qui l'avaient précédé, et compta paran les époques néfastes. Ce fut pour le peuple un martyre de tous les jours. Les ateliers se fermèrent; le plaisir, cette moitié de la vie humaine, céda aux rigueurs de la saison : plusieurs théâtres firent relâche. Qu'on y songe! Dix-sept degrés de froid continu! Deux lieues de mer glacées à Calais! Le bassin du port de Marseille entièrement gelé! Des débâcles épouvantables de la Loire et du Rhône! La destruction du poisson sur les côtes de Nantes! A Lille, le 19 décembre, plusieurs vieillards et enfants furent trouvés gelés dans leurs lits***. Presque toutes les fontaines se tarirent à Paris; et, dans les provinces, il y avaient des puits qui ne formaient que glacons, et des moulins à eau arrêtés. Sur cette terre désolée planait un ciel constamment couvert, qui emplissait les âmes de tristesse, et portait les esprits aux noirs pressentiments****. La disette enfin était apparue avec toutes ses douleurs sourdes, ses craintes continuelles, ses invincibles nécessités. Quelques paysans mangèrent du son et de l'herbe bouillie. - Tel fut l'hiver de 1788-1789.

Dès le mois de septembre, on tremblait sur la saison qui allait s'ouvrir. Pendant huit jours, le peuple, attroupé sur le terre-plein du Pont-Neuf, dit Place de Henri IV, entoura et fit saluer par les passants, notamment par le

· Journal de Paris, passim.

• Voir le numéro du jour : le duc d'Orléans est inscrit pour 12,000 livres.

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duc d'Orléans, la statue du bon roi Henri*. En décembre, le duc d'Orléans, par philanthropie, ou pour se rendre populaire qui peut savoir? fit distribuer du pain et des comestibles aux pauvres, dans plusieurs paroisses de la capitale, et allumer, aux jours les plus durs, de grands feux sur les places publiques. Il avait chargé son intendant d'écrire à l'abbé Poupart, curé de Saint-Eustache, pour qu'il donnât aux pauvres mille livres de pain chaque matin. D'après ses ordres, deux remises attenantes au Palais-Bourbon avaient été transformées en cuisines, et de grosses pièces rôties étaient journellement accordées aux passants affamés. – L'archevéque de Paris, M. de Juigné, mangea son revenu, s'endetta même, pour aider les malheureux. - Mme Necker, non contente d'avoir fondé un hopital en 1778, se signalait encore dans cet hiver terrible. Quant au roi, il faisait abattre les forêts voisines de Paris, et ordonnait des distributions gratuites. Il portait des souliers percés **; il ne jouait plus qu'un écu au tric-trac ***.

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Mais, pour comble de malheur, les escrocs étaient en nombre. Le vol n'a pitié de rien! On redoutait surtout alors une société infernale dont les membres étaient désignés sous le nom de Praticiens ****. Ils fabriquaient dé faux billets et des expéditions commerciales controuvées.

Or, pendant que la haute société, pour qui l'hiver, au contraire, est la saison du plaisir, se préoccupait des modes, des fêtes, des spectacles, disputant au duc d'Orléans l'avantage d'avoir des Jockeys de bonne mine; pendant que les financiers galants, et les grands seigneurs se ruinaient à faire construire des folies *****;pendant que les fils de famille parcouraient les quais et les promenades, les deux montres aux côtés, les mains chaudement enveloppées dans des manchons énormes, ou profitant de l'hiver pour organiser des courses en traîneaux; pendant que les classes élevées, hommes et femmes, passaient des nuits entières à jouer dans les enfers ****** au boston, au biribi, au whist, au reversi, au creps, au tric-trac, laissant aux valets et aux ouvriers la jouissance des billards publics, et d'un unique et dernier jeu d'arquebuse, établi dans les fossés dla Porte Saint-Antoine, - l'esprit révolutionnaire marchait.

En effet, le Cirque du Palais-Royal venait de s'ouvrir. C'était un vaste souterrain disposé en forme d'arêne, local commode pour les assemblées,

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Tableaux historiques de la Révolution. Celle cérémonie dura jusqu'au 16 septembre.

Louis XVI et ses vertus, par Proyart.

Memoires de Clery, son valet de chambre.

La feuille du marchand, journal.

Maisons de plaisance. Les plus fameuses étaient la Folie d'Artois (Bagatelle); la FolieSt-James, à Neuilly; la Folie Genlis, dans le quartier Popincourt; la Folie Méricourt et la Folie Beaujon.

Noms des tripots de bon ton.

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