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ENCORE UN CULTE.

(Mai 1794.) Il songea alors à mettre en pratique son système, pour le triomphe duquel il avait successivement voué à la mort ses plus intimes amis. Il avait suivi la maxime point de milieu, écrite sur la carte des purs jacobins.

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Il lui sembla beau de relever le culte, que la Fête de la raison n'avait pas suffisamment institué. Sur sa motion du 7 mai, la convention, devenue toute dévouée à ses partisans, décréta que le peuple français reconnaissait l'existence de Dieu, et l'immortalité de l'âme (a):

Article premier. Le peuple Français reconnait l'existence de l'Etre-Suprême et l'immortalité de l'âme.

Art. 2. 11 reconnaît que le culte de l'Etre-Suprême est la pratique des devoirs de l'homme.

(a) Rapport fait au nom du comité de salut public, par Robespierre, sur les rapports des idées religieuses et morales avec les principes républicains.

(Mai 1794.)

DECRET DE L'ETRE-SUPREME.

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Art. 3. Il met au premier rang de ces devoirs de détester la mauvaise foi et la tyrannie, de punir les tyrans et les traîtres, de secourir les malheureux, de respecter les faibles, de défendre les opprimés, de faire aux autres tout le bien qu'on peut, et de n'être injuste envers personne.

Art. 4. Il sera institué des fêtes pour rappeler l'homme à la pensée de la Divinité, à la dignité de son être.

Art. 5. Elles emprunteront leurs noms des événements glorieux de notre révolution, des vertus les plus chères et les plus utiles à l'homme, des plus grands bienfaits de la nature.

Art. 6. La république française célébrera tous les ans les fêtes du 14 juillet 1789, du 10 août 1792, du 21 janvier 1793, du 31 mai 1793.

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Art. 7. Elle célébrera, aux jours de décadis, les fêtes dont l'énumération suit A l'Etre-Suprême et à la nature. Au genre humain. Au peuple français. Aux bienfaiteurs de l'humanité. Aux martyrs de la Liberté. - A la Liberté et à l'Égalité. A la République. - A la Liberté du monde. A l'amour de la Patrie. A la haine des tyrans et des traîtres. vérité. - A la justice. A la pudeur. - A la gloire et à l'immortalité. l'amitié.

A la frugalité.

Au courage. A la bonne foi.

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conjugale. A l'amour paternel. A la tendresse maternelle.

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-

A la

A

A l'hé

A la foi

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A nos aïeux. - A la

filiale. A l'enfance. A la jeunesse. A l'âge viril. A la vieillesse. Au malheur. A l'agriculture. A l'industrie. postérité. Au bonheur.

Art. 8. Les comités de salut public et d'instruction publique sont chargés de présenter un plan d'organisation de ces fêtes.

Art. 9. La convention nationale appelle tous les talents dignes de servir la cause de l'humanité à l'honneur de concourir à leur établissement par des hymnes et des chants civiques, et par tous les moyens qui peuven tcontribuer à leur embellissement et à leur utilité.

Art. 10. Le comité de salut public distinguera les ouvrages qui lui paraîtront les plus propres à remplir cet objet et récompensera leurs auteurs.

Art. 11. La liberté des cultes est maintenue, conformément au décret du 16 frimaire.

Art. 12. Tout rassemblement aristocratique et contraire à l'ordre public sera réprimé.

Art. 13. En cas de troubles dont un culte quelconque serait l'occasion ou le motif, ceux qui les exciteraient par des prédications fanatiques ou par des insinuations injustes et gratuites seront également punis par la rigueur des lois.

Art. 14. Il sera fait un rapport particulier sur les dispositions de détails relatifs au présent décret.

Art. 15. Il sera célébré, le 20 prairial prochain, une fête nationale en l'hon

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PLAN DE DAVID.

(Mai 1794). neur de l'Etre-Suprême. David est chargé d'en présenter le plan à la convention nationale.

Ce décret fit grande sensation dans toutes les classes de citoyens. Il découvrait Dieu et l'annonçait au peuple. On vit partout affiché sur les murs:

LE PEUPLE FRANÇAIS RECONNAIT L'EXISTENCE DE L'ÊTRE-SUPRÊME ET L'IMMORTALIté de l'ame.

Au lieu de ces mots A la Raison, qui se trouvaient sur la porte de tous les temples, on plaça la phrase récemment adoptée; et une gravure ancienne, renouvelée de la république, comme celle du pèlerinage à Saint-Nicolas, retraça la réception du décret de l'Être-Suprême dans les chaumières (a).

David s'est mis à l'ouvrage et présente son plan, curieux sous le double rapport de l'imagination et du style.

Nous le transcrivons en entier, parce qu'il est poétiquement rédigé.

« L'aurore annonce à peine le jour, et déjà les sons d'une musique guerrière retentissent de toutes parts et font succéder au calme du sommeil un réveil enchanteur.

« A l'aspect de l'astre bienfaisant qui vivifie et colore la nature, amis, frères, époux, enfants, vieillards et mères s'embrassent et s'empressent à l'envi d'orner et de célébrer la fête de la divinité.

<< L'on voit aussitôt les banderoles tricolores flotter à l'extérieur des maisons; les portiques se décorent de festons de verdure; la chaste épouse tresse de fleurs la chevelure flottante de la fille chérie; tandis que l'enfant à la mamelle presse le sein de sa mère, dont il est la plus belle parure; le fils, au bras vigoureux, se saisit de ses armes; il ne veut recevoir de baudrier que des mains de son père; le vieillard souriant de plaisir, les yeux mouillés des larmes de la joie, sent rajeunir son âme et son courage en présentant l'épée aux défenseurs de la liberté.

<< Cependant l'airain tonne : à l'instant les habitations sont désertes; elles restent sous la sauve-garde des lois et des vertus républicaines; le peuple remplit les rues et les places publiques : la joie et la fraternité l'enflamment. Ces groupes divers, parés des fleurs du printemps, font un parterre animé, dont les parfums disposent les âmes à cette scène touchante.

<<< Les tambours roulent, tout prend une forme nouvelle. Les adolescents, armés de fusils, forment un bataillon carré autour de leurs sections respectives; les mères quittent leurs fils et leurs époux: elles portent à la main des bouquets de roses; leurs filles, qui ne doivent jamais les abandonner que pour

(a) La composition de cette gravure est de Greuze. Elle a été accommodée à trois époques différentes au moins, au règne de Louis XVI, à la répu' lique, au consulat, etc.

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Réception du décret de l'Etre-Suprême dans les chaumières.

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