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(juillet 1789)

L'HOTEL DE ville.

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Jait un pouvoir modérateur qui pût contenir le peuple plaçant toujours l'abus à côté de l'usage, le faux à côté du vrai, ayant, lui aussi, sa volonté aveugle, son despotisme, sa folie. « On n'imagina pas, dit Bailly dans ses Mémoires, que le peuple pût s'armer sans l'autorisation d'une autorité quelconque. C'est au moment de ces demandes réitérées que les électeurs ont reçu leurs pouvoirs du peuple en même temps que de la nécessité et du danger. >>

La fondation de l'Assemblée de l'Hôtel-de-Ville ou Commune de Paris, est un événement assez grave dans l'histoire de la Révolution pour que nous nous y arrêtions quelques instants. Elle s'opéra spontanément. Ainsi que nous l'avons vu, les électeurs avaient continué à s'assembler pour adhérer aux travaux de leurs députés. Mais, un jour, les salles de l'archevêché et de l'Hôtel-de-Ville leur avaient été interdites. Ils y suppléèrent par le Musée de la rue Dauphine, espèce de cabaret, où ils se réunirent au nombre de trois cents. Une noce s'y faisait; les convives se retirèrent en embrassant et en félicitant les courageux électeurs. Cela se passait le 25 juin. Le lendemain, les portes de l'Hôtel-de-Ville s'étaient rouvertes, et bientôt, sous le titre de Magistrats provisoires, les électeurs entamèrent une correspondance suivie avec l'Assemblée nationale. Dès ce moment, les journaux rendent compte des séances de l'Hôtel-de-Ville, et le maire de Paris donne audience comme un ministre.

Or, cette nouvelle magistrature se servit amplement de son autorité. Elle prit pour elle les attributions de l'ancienne lieutenance-générale de police*; établit en son sein un bureau des subsistances, pour veiller aux approvisionnements, et un comité permanent, chargé de recevoir les demandes journalières des Parisiens, et de s'enquérir des scènes qui avaient lieu dans la capitale **. Aussitôt le 15 juillet passé, des commissaires choisis par l'Assemblée firent leur visite chez les boulangers, afin de savoir quelle était la quantité des farines, et d'en constater la consommation ordinaire. Paris, dont la population s'élevait à plus de six cent mille âmes, pouvait vivre à peine trois jours aussi, non-seulement il y avait queue à la porte des boulangers, mais des factionnaires y étaient déjà préposés.

L'Assemblée de l'Hôtel-de-Ville prit soin de faire cesser des bruits ridicules d'empoisonnement :-le peuple craint toujours le poison quand il a faim. Puis elle confirma les nominations proclamées subitement par la masse des citoyens, et reconnut pour Commandant-général du faubourg Saint-Antoine le brasseur Santerre, qui, selon quelques mauvaises langues, n'avait de Mars que la bière, mais qui, aux yeux des bons citoyens, pouvait

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M. de Crosne avait donné sa démission peu de temps après les troubles du 14 juillet.
Mémoires secrets des Archives de la police, par Peuchet.

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OEUVRES DES 7 JOURS.

(juillet 1789) passer pour un excellent patriote. C'est Santerre qui avait eu l'idée d'incendier la Bastille avec de l'huile d'œillet enflammée par le phosphore, et injectée avec des pompes à incendie *.

Jusque-là, il n'y avait rien que de très-louable dans la conduite de la commune, puisqu'il s'agissait d'administration ou de milice citoyenne. Mais, pour se mettre dans les bonnes grâces de ses administrés, elle permit à M. de La Barthe de garder le titre de capitaine des quinze cents volontaires du Palais-Royal, bataillon libre, et laissa à un nommé Dubois, garde-française, une croix de Saint-Louis qui lui avait été décernée par le peuple lui-même. Actes de complaisance qui lui attira les reproches des autres pouvoirs politiques telle à été au reste le sort de cette Assemblée, qu'à ses débuts elle aida le peuple, et fut en butte aux traits de ses supérieurs ; qu'à sa fin elle voulut concilier les partis, et s'est fait alors désavouer par le peuple.

Continuons maintenant l'examen de l'OEuvre des sept jours.

Sur l'avis de Lafayette, le nom de milice citoyenne avait été changé en celui de garde nationale; le docteur Guillotin fut chargé de présenter à l'Assemblée nationale la pétition y relative. Cette transformation de nom se rapporte à un changement semblable dans l'Assemblée nationale qui, après avoir pris parti dans la lutte du Gouvernement avec Necker, après avoir déclaré que le Genevois et ses collègues emportaient l'estime et les regrets de la nation, commença ses travaux sur la Constitution. Nous nous occuperons donc dorénavant de l'Assemblée constituante.

Elle envoya une députation à Paris pour annoncer à la Commune le deuxième rappel de Necker. On assurait que le roi allait venir; la députation de l'Assemblée assista avec les membres de la Commune à un magnifique Te Deum chanté à Notre-Dame. Bailly reçut alors une véritable ovation. Pendant sa route, un électeur, placé devant lui, criait au peuple : « Voilà votre maire, voilà le nouveau maire de Paris! » Le matin, on lui avait décerné une couronne de lauriers. Cette même couronne passa, dans la même journée, sur trois têtes différentes celles de M. de Juigné, archevêque de Paris, celle de Bailly, et celle de Lally-Tolendal, un des envoyés de l'Assemblée constituante.

Le bruit d'un voyage du roi à Paris n'était pas mensonger. Louis XVI avait été averti des événements du 14 juillet; et par le récit du duc de Liancourt, il s'était bien persuadé qu'il ne fallait pas voir là une révolte seulement, mais bien une révolution; et alors, il s'était présenté de son propre mouvement à l'Assemblée, en lui accordant, pour la première fois, le titre d'Assemblée nationale. Les représentants du peuple lui témoignèrent leur sa

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VOYAGE DU ROI A PARIS.

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tisfaction en l'appelant Louis, père du peuple, et restaurateur de la liberté française. On plaisanta sur ce titre, par le moyen d'une comparaison. On se glissa à l'oreille que Louis XVI, vu la rareté des subsistances, avait, à bon droit, été proclamé le Roi restaurateur. Une caricature ajouta même : Restaurateur embarrassé.

Se laissant aller à des sentiments honorables, Louis XVI résolut donc de venir dans la capitale qui l'attendait avec cette impatience qui caractérise le contentement véritable des masses. Le courrier qui apporta l'heureuse nouvelle avait fait la course de Paris à Versailles en une heure et demie. Le peuple alla à la rencontre du roi le 17. Des gardes nationaux à pied et à cheval*, des dames de la halle, portant des branches de laurier et des couronnes de fleurs, des femmes et des demoiselles de la haute société, des moines, des capucins, le mousquet sur l'épaule ou l'épée au côté, formèrent l'escorte du roi-citoyen, du roi des Français **. Des bouquets étaient placés à la gueule des canons, avec cette inscription multipliée à l'infini : Votre présence nous a désarmés; à votre vue, les fleurs naissent sur les foudres meurtrières dont vos ennemis et les nôtres nous avaient forcés de nous armer. Sa voiture, ses chevaux, étaient bariolés de cocardes tricolores. Bientôt, après un discours dans lequel le maire Bailly annonçait que Paris avait reconquis son roi, les cris de joie retentirent, comme dans les plus beaux jours, aux oreilles de Louis XVI. La confiance lui revint au cœur, et ce ne fut pas sans une émotion délicieuse qu'il lut ces mots écrits sur un transparent attaché au cadran de l'Hôtel-de-Ville :

A LOUIS XVI

PÈRE DES FRANÇAIS

ET ROI

D'UN PEUPLE LIBRE.

Ethis de Corny, procureur du roi, proposa ensuite aux électeurs d'ériger sur le terrain de la Bastille une statue à Louis XVI, régénérateur de la liberté publique, restaurateur de la prospérité nationale, père du peuple français. Ils votèrent par acclamation, et cependant cette statue n'a jamais été achevée. Il est souvent arrivé chose pareille pendant le cours de la révolution. Beaucoup de monuments ne furent élevés que sur le papier, ou par les cris de l'enthousiasme.

Ce premier voyage du roi à Paris ne fut qu'une simple promenade. Son

Les premières compagnies de gardes nationaux à cheval parurent le 18 juillet.

Tels étaient les titres donnés à Louis XVI par les partisans de la révolution qui espéraient encore en la royauté.

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ACTES DE LA COMMUNE.

(juillet 1789 séjour continuel y était demandé; ces vers furent imprimés partout, et leur facture indique la classe de gens dont ils émanent :

Famille auguste et tendre avec transport chérie,
Lorsque nous te voyons parmi nous réunie,
Que vous puissiez rester dans nos murs désormais,
C'est le vœu le plus cher de tous vos vrais sujets *,

Louis XVI regagna Versailles, connaissant bien la situation, les désirs, les espérances de son peuple qui lui fit la conduite, armes renversées. Son entrée avait ressemblé à un supplice, sa sortie était comme une fête.

Mais aussitôt après, le soir même du 17 juillet, les choses reprirent leur train habituel. Un orateur plébéien, nommé Duhamel, monta sur une table dans le Palais-Royal, et entre autres motions, excita les passants contre les électeurs, coupables sans doute d'avoir convenablement reçu Louis XVI. Paris se trouva de nouveau livré à ses passions politiques; la disette recommença plus fort; on poursuivit les accapareurs de blé. Tels sont les premiers symptômes d'anarchie, dont l'Assemblée Nationale a été la cause. Par ses éternelles réserves, elle s'est tenue à la remorque du mouvement révolutionnaire ; l'Hôtel-de-Ville a pris sa place. Puis, comme le gouvernement s'est affaibli en se divisant, quelques jours vont suffire pour retirer aux électeurs eux-mêmes leur influence et leur pouvoir.

Bailly, le premier, voit ses opinions débordées. Les hommes du côté droit ne lui pardonnent pas sa harangue à Louis XVI; c'est un crime à leurs yeux que d'avoir appelé le 17 juillet un beau jour. Ils cherchent à le dépopulariser parce qu'il s'est fait patriote. Le côté gauche, au contraire, lui lance mille quolibets à cause de sa modération. Bailly devient ainsi le bouc émissaire de la Commune; il représente le pouvoir municipal auquel le côté gauche en veut pour ses actions que nous allons énumérer.

Louis, rentré à Versailles, le sceptre de Paris demeura aux mains des représentants de la Commune ou de l'Hôtel-de-Ville, assemblée formée de deux députés envoyés par chaque district.

L'Hôtel-de-Ville s'interposa dans les services célébrés en mémoire des citoyens morts à la prise de la Bastille, services où un certain abbé Fauchet (faux-chef d'après l'orthographe de la satire) se transforma en prédicateur patriotique; où Gossec et Désaugiers-Janson commencèrent à mettre leur talent de compositeurs à l'usage des fêtes, des cortèges, des Te Deum, et des chansons populaires. Désaugiers, notamment, fut chargé par les électeurs d'écrire un hiéro-drame, pour chanter le courage et l'intrépidité des héros parisiens.

Au bas d'une gravure et de divers imprimés du temps.

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