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(avril 1791)

DÉMISSION ILLUSOIRE DE LAFAYETTE.

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munion pascale de l'église Saint-Germain-l'Auxerrois*. Mais, le peuple qui s'était montré si intolérant aux paroissiens des Théatins, n'épargna pas plus Louis XVI. Le tocsin sonna quand le roi fut prêt à monter en voiture. Puis, on le força de rentrer aux Tuileries, avec l'escorte de Lafayette. Ce n'était cependant point une fuite, car Louis XVI avait constamment résisté aux instances de ses courtisans, qui l'engageaient à délaisser un peuple de rebelles! Les rebelles, de leur côté, craignaient sans cesse des trahisons, et voulaient garder le roi comme otage : l'émigration, avec un pareil chef, eût été trop puissante.

Cette journée a toujours été regardée par la suite comme un des griefs les plus forts contre la conduite de Lafayette. Les jacobins l'accusèrent d'avoir voulu protéger la fuite du roi, et les monarchiens ne lui pardonnèrent pas de l'avoir escorté pour sa rentrée aux Tuileries: aussi recommencerent-ils à se plaindre du dormeur de Versailles, du général de la canaille parisienne, du centaure au cheval blanc **. Une foule d'exemplaires de cette dernière caricature, mise au jour en octobre 1789, circula de nouveau dans

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Nous avons décrit cette caricature à la page 69 du volume. Nous en avons réservé le dessin pour l'époque actuelle, parce que c'est seulement lors du voyage à Saint-Cloud qu'elle eut toute sa vogue.

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NUAGES POLITIQUES.

(avril 1791)

le public. Lafayette, dégoûté, donna sa démission, ainsi que son état-major. Mais il ne tarda pas à reprendre son commandement, et à l'exercer contre de fréquentes coalitions d'ouvriers. Ceux-ci trouvèrent des défenseurs zélés dans Marat et dans Camille-Desmoulins. A peine revenu à son poste, Lafayette vit pleuvoir sur lui une grêle d'attaques et d'injures.

Combien de symptômes de désorganisation se sont déjà présentés à nos yeux! Sentez-vous comme le terrain s'affaisse à mesure que nous marchons? Quelque événement décisif se laisse deviner. Nous arrivons bientôt, d'ornières en ornières, à la contre-révolution, à une contre-révolution qui ne sera pas seulement le fait de royalistes isolés, mais bien la négation complète par Louis XVI de tout ce qui a été fait jusqu'à ce jour.

Le voyage du roi à Saint-Cloud, par les circonstances qu'il a amenées, a engagé Louis XVI à montrer aux puissances étrangères qu'il n'était pas libre. Il est allé se plaindre à l'Assemblée de la violence qu'il a subic. Et puis, comme l'émigration nourrit les plus belles espérances de succès, il va bientôt quitter la France, après avoir publié une déclaration en désaccord avec tous les principes qu'il professe ostensiblement.

Vienne le 10 juin, et alors Louis XVI sera entré, aussi bien que MaricAntoinette, dans les jours sombres de sa vie.

FIN DU CHAPITRE HUITIÈME.

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coalisés et des émigrés. — Jeu de l'émigrette. — L'abbé Raynal en délire. — Déclaration du 10 juin. — Fuite du roi. — Son arrestation à Varennes. - Son retour à Paris. - Transla

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tion des cendres de St-Voltaire au Panthéon, fête de la Carcasse. - Description du cortège par le moyen d'une garniture de boutons.

Le Socrate et les Anitus.

La suppression des fermes générales préluda à des modifications importantes touchant les droits d'octroi perçus aux barrières. Le premier mai, les entrées furent déclarées libres, et le peuple s'en réjouit fort. Une foule de caricatures s'attaquèrent aux commis d'octroi; une foule de chansons leur prodiguèrent le sarcasme et le ridicule. Les rieurs disaient, sur l'air des fraises:

Si j'avais cinq sols vaillants

J'achèterais un âne,

Un âne avec des paniers,
Pour mener les maltôtiers

Au diable, au diable,
Au diable.

C'était, selon eux, la meilleure recette à employer pour la destruction des rats de cave et autres rongeurs de citoyens. Ils rappelaient le combat des chats et des rats; les premiers, nécessairement, remportaient la victoire à l'aide de leurs griffes *. Parmi les caricatures, les unes retraçaient

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LES DOUANIERS RASES.

(mai 1791)

le convoi d'un fermier-général, mort en apprenant la funeste nouvelle du 1er mai, et la désolation de ses confrères et des rats de cave; les autres les représentaient étant en train de se faire raser par le barbier national.

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Les auteurs de cette dernière gravure disaient au barbier :

Monsieur le barbier national,
Arrangez-moi bien ce brutal;
Gardez-vous d'épargner sa face:
N'ayez pas peur de sa grimace;
Il était du pouvoir fiscal

En tout temps l'instrument fatal.
Rasez-le-bien, il a fait bien du mal.

A voir ces caricatures, à entendre ces chansons sur de simples commis d'octroi, on pourrait penser que les Parisiens étaient insensés et folâtraient sur un volcan. Loin de là, ils se fiaient sur la propagande jacobite, comme les amis du roi espéraient dans la coalition et dans l'émigration. Théroigne

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