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'Août 1792.

TRIBUNAL DU 10 AOUT.

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triomphante. On la représentait sous la figure d'un enfant assis sur un lion, tenant, d'une main, une couronne, et de l'autre main un drapeau.

LIBERTE

GALITE

Republique triomphants

Cependant l'assemblée législative songea à ceux qui devaient lui succéder. Elle s'occupa de l'élection des députés à la convention nationale, convoqua les assemblées primaires, et décida que tous les citoyens âgés de vingt-un ans, et non domestiques, auraient le droit de voter. Tous ceux âgés de vingtcinq ans, pouvaient être électeurs ou députés. De plus, l'assemblée s'était déclarée en permanence. Elle nomma des commissaires, pour les envoyer dans les provinces et aux armées: elle décréta d'accusation Barnave, Alexandre de Lameth, Duport-Dutertre, Bertrand, Duportail, Montmorin et Tarbé; elle annonça que Louis XVI et sa famille, ainsi que les femmes et enfants des émigrés seraient considérés comme des otages répondant au pays de l'émigration et de l'étranger; enfin, elle créa un tribunal, - que les historiens ont nommé le tribunal du 10 août, - dont les juges furent choisis par les électeurs de chaque section. Il devait connaître des crimes de ceux qui avaient défendu Louis XVI. C'était le précurseur du tribunal révolutionnaire. La commune par son influence avait fait rendre ce décret. A l'heure qu'il est, la commune l'emporte sur l'assemblée législative. Aussi, avant de nous occuper spécialement des actions de cette nouvelle puissance, avant de nous occuper de la lutte qui a commencé, dès le premier jour de la victoire, entre les jacobins et les girondins, nous esquisserons le portrait de l'assemblée législative, comme nous avons fait la physiologie de l'assemblée nationale.

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L'ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE.

(Août 1792.) Le lecteur s'apercevra de l'immense différence qui existe entre les constituants et les légifères.

Et d'abord, il est un point historique sur lequel on ne saurait trop s'appesantir, c'est la faute qu'ont commise, par excès de modestie, ou par découragement des affaires publiques, les membres de l'assemblée nationale. Cette faute consiste dans la non-réélection des constituants pour la seconde législature. Il y a en politique un apprentissage à faire. A l'ouverture des États-Généraux, notamment, les hommes du tiers-état étaient appelés en réalité pour la première fois à s'occuper des affaires du pays.

Deux années durant, les constituants étaient entrés assez avant dans les détails du gouvernement et de l'administration; ils avaient sondé les secrets du passé, ils avaient vu de leurs propres yeux les plaies du corps social, et ils avaient cherché à profiter des premiers, et à fermer les autres. Pour ceux d'entre eux qui trouvaient trop lourd le fardeau de la députation, le repos eût été nécessaire; mais il en était qui avaient de l'expérience, et encore de l'énergie et de la bonne volonté. Interdire à ceux-ci l'entrée de l'assemblée législative, c'était priver la France de leurs talents, de leurs lumières; c'était, en outre, établir forcément une ligne de démarcation entre les constituants et les légifères; soulever des haines entre eux, comme cela est arrivé; changer brusquement, en un mot, la manœuvre du navire gouvernemental.

L'assemblée législative est bien loin d'avoir atteint, dans les annales de l'histoire, la place qu'y occupe l'assemblée nationale. Influencée, ainsi que nous l'avons dit, par les journalistes, et plus préoccupée encore des choses du dehors, que ne l'avait été sa devancière, elle ne sut pas conserver la dignité, ni son libre arbitre. La plupart de ses décrets lui ont été arrachés par une force étrangère, plutôt qu'inspirés par la ferme volonté d'être utile au pays. Elle a rendu plusieurs lois remarquables, mais elle ne s'est pas assez isolée du mouvement des partis. Aussi, vers les dernières séances, s'estelle trouvée complétement effacée et désarmée devant la commune.

Dans ses rapports avec Louis XVI, elle n'eut aucun laisser-aller : sa politesse tenait le milieu entre la courtisanerie des parlements, et la digne franchise de l'assemblée constituante.

Ses séances furent moins orageuses, sans doute, que celles de l'assemblée constituante; mais elles furent en revanche plus désordonnées, moins remplies et moins fécondes en résultats. A tout instant, des députations de sections ou de clubs venaient les interrompre.

Les membres n'étaient en aucune façon liés d'amitié; ils avaient peu de respect les uns pour les autres, et se traitaient assez cavalièrement, sinon grossièrement. Avec si peu de bonne harmonie, il est difficile qu'une assemblée puisse accomplir de grandes choses.

(Août 1792.)

GIRONDINS ET ROYALISTES.

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Voici la décoration des députés de l'assemblée législative. Elle est juste reproduite aux deux tiers de sa grandeur.

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Pour ce qui est de l'aspect physique de la seconde législature, il ressemblait à celui de la première. Nous ne nous y arrêterons pas.

D'après la tournure qu'ont prise les affaires politiques, nous avons vu que les girondins allaient être débordés par les jacobins. Quelle fut, en effet, la conduite des premiers dans des circonstances aussi graves que celles du 10 août? Comment Pétion a-t-il donné à Mandat l'autorisation de faire repousser les assiégeants du château des Tuileries, pour en être fâché, plus tard, et le lui retirer bien vite? Quelle manière d'agir plus imprévoyante, que celle d'un maire de Paris qui n'a pas de volonté fixe au moment du danger? Qu'on songe au mauvais effet que de tels actes durent produire ! Lors du triomphe définitif des jacobins, Pétion paya de sa vie sa conduite pen dant la journée du 10 août.

Quoi qu'il en soit, les girondins se félicitaient imprudemment de leur habileté, et de leur rentrée au ministère. On aurait dit qu'ils ne pensaient qu'au présent, et leur légèreté ne peut être comparée qu'aux illusions dont se berçaient encore les soutiens de la monarchie, la veille de sa chute.

Une gravure nous offre, à cet égard, matière à réflexions. Elle prouve combien les préjugés des monarchiens étaient enracinés dans leur esprit, combien leur aveuglement était impardonnable en présence des faits. Toutes les opinions sont bonnes, selon nous, lorsqu'elles sont franches et raisonnables; mais que dire de ceux qui plaisantaient sur le dégel de la nation, au moment où la souveraineté du peuple commençait à se faire obéir, à l'exclusion de la souveraineté du monarque!

Le Dégel de la nation a besoin d'être expliqué tout au long, tant à cause de

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DÉGEL DE LA NATION.

(Août 1792.) son succès et de son importance, qu'en raison de la multiplicité des allusions renfermées dans le sujet.

Le Dégel de la nation, c'est d'abord, généralement parlant, la chute du système de gouvernement tel que l ont voulu les patriotes; c'est l'anéantissement complet de leur œuvre.

<< Les sans-culottes, dit le texte de la gravure, ont élevé la statue de la Nation sur des immondices pétrifiées par l'air... » Ces immondices, dans le style figuré, ne sont autres que leurs ouvrages, leurs journaux, leurs décrets, leurs brochures.

Mais voici que l'air « en se radoucissant, fait fondre la statue. » Ce qui veut dire, que la théorie jacobite a d'abord eu grande vogue, grâce aux efforts des malveillants pour la colporter et l'expliquer aux masses; qu'ensuite, le peuple a compris l'étendue de ses devoirs, et que ses clameurs sont devenues de moins en moins menaçantes. Ce n'est pas tout; patience, patience! Les jacobins, désespérés, font aller leurs soufflets, afin de refroidir l'air et d'empêcher le dégel. Ce que voyant, « le soleil royal décoré de ses trois fleurs de lis rend inutiles leurs efforts. » Ses rayons ont plus de puissance que leurs soufflets. Enfin, « des charretiers de Louis XVI, jettent pêle-mêle dans le tombereau, feuillants, jacobins et autres. >> Tous ces hommes ont en effet concouru à l'édification de la statue, et la royauté accorde ainsi à chacun d'eux la récompense qu'il mérite.

C'est un Prudhomme, le rédacteur des Révolutions de Paris, journal jacobin;

C'est un Barnave qui, malgré ses retours à la monarchie, n'en est pas moins regardé comme un des fauteurs les plus actifs de la révolution;

C'est un Manuel, le même qui a osé écrire à Louis XVI: « Sire, je n'aime pas les rois;

C'est l'évêque constitutionnel de Caen, Fauchet, l'ancien procureur général de la vérité, l'un des boute-en-train du clergé assermenté;

C'est Brissot, le fédéraliste, le rédacteur du journal le Patriote français; C'est Gorsas, le journaliste, renversé demi-mort par des débris de la statue;

C'est Janot Desmoulins, -nous disons Camille Desmoulins, - le mordants publiciste, l'ex-procureur général de la lanterne qu'il casse en tombant dessus;

C'est Carra, l'auteur des Annales patriotiques, un des plus chauds révolutionnaires;

Enfin c'est Audouin, le brave patriote, l'un des plus fermes soutiens du parti jacobin.

Au fond, un courrier part au galop en disant: « Je vais rendre mes comptes à Metz. » Son cheval est censé dire, lui aussi : « Mon maître n'était pas assez grave. »

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LE DEGEL DE LA NATION.

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Les sans-culottes ont élevé la statue de la Nation sur des immondices pétrifiées par l'air, qui, se radoucissant, la fait fondre. Le soleil royal rend tombereau, feuillants, jacobins et autres. inutiles les efforts des Jacobins, qui veulent avec leurs soufflets maintenir leur ouvrage. Des charretiers de Louis XVI jettent pêle-mêle dans le

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