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saurions donc douter que ces sentimentales déclarations ne puissent, à la rigueur, être suivies de quelque effet; mais ce que nous leur contestons absolument, c'est le pouvoir de fonder un état de choses durable, ou même qui soit temporairement accepté par la nation polonaise. L'armistice proposé par l'Angleterre aurait pu être une trêve salutaire, mais il ne sera agréé par la Russie qu'autant qu'elle y pourra voir un piége pour ses ennemis. Dès lors il vaudrait mieux procéder plus rapidement. Du moment où ces belles phrases n'apparaissent plus que comme du temps perdu, elles prennent un caractère odieux, parce que chacune des lettres dont elles se composent représente la vie d'un homme. La diplomatie a souvent le tort de se trop prendre au sérieux, d'oublier qu'elle n'est qu'un intermède : dans la question polonaise, ce tort devient presque un crime. Avec un adversaire aussi subtil que le cabinet russe, il n'y a qu'une seule façon pratique de procéder: c'est une mise en demeure ferme et catégorique, et le jour où il la recevra, la diplomatie fera place à la guerre.

P. LANFREY.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

Études sur les beaux arts en France et à l'étranger, par CHARLES PÉRIER.

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Quoiqu'une mort prématurée l'ait enlevé à l'art et à sa famiîle, M. Charles Périer s'était fait, tout jeune encore, un nom dans la critique. Ses travaux dans l'Artiste, ses comptes rendus de l'Exposition universelle de 1855, de l'Exhibition de Manchester, de l'Exposition de Munich, l'avaient fait remarquer. Ce sont ces travaux que son père, aidé de plusieurs de ses amis, ont eu l'idée de réunir en un volume contenant des parties fort remarquables. Nous citerons, entre autres, celle qui concerne l'école allemande moderne, et qui traite de différents peintres, les uns disciples de Cornélius et de Kaul, bach, les autres dissidents, dont les noms sont peu connus en France, et dont les travaux ne le sont pas du tout. Les jugements sur l'école française moderne indiquent un esprit juste, une intelligence profonde et vive des règles suprêmes de l'art. Les Études sur les beaux arts, de Charles Périer, auront leur place marquée dans la bibliothèque de tous ceux qui s'intéressent au mouvement de la peinture moderne.

Essai typographique et bibliographique sur l'histoire de la gravure sur bois, par AMBROISE FIRMIN DIDOT, servant d'introduction aux costumes de Césare Vecellio. 1 vol. in-8.

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Paris, chez Didot.

Ce travail de M. A. Firmin Didot a principalement pour but d'étudier les progrès de la gravure sur bois dans ses rapports avec l'imprimerie. On conçoit l'intérêt que peut fournir un pareil sujet, traité par un homme aussi compétent que M. A. Firmin Didol. L'auteur, après avoir résumé dans une introduction les différentes phases parcourues par la xylographie jusqu'à Albert Dürer, entre dans le détail de l'œuvre de ce maître, puis de celle d'Hans Holbein et des autres dessinateurs allemands, car c'est à eux que nous devons les principaux perfectionnements de cet art ingénieux. Passant ensuite aux Italiens, il arrive à la gravure sur bois en France, qui possédait, au moyen âge, deux centres typographiques: Paris et Lyon. L'Angleterre, qui est venue la dernière dans l'ancienne période de la xylographie, a eu

l'honneur d'inaugurer la nouvelle; c'est à elle qu'on doit la rénovation de la gravure sur bois.

Des documents précieux pour les amateurs complètent cet ouvrage, qui est, comme on le pense bien, un bijou typographique.

Études d'économie rurale, par M. G. DE CHARNACÉ. '

Des intelligences élevées, des esprits sérieux, se sont, pour des causes diverses, tournés, dans ces dernières années, vers les choses de l'agriculture. On a pu voir plus d'un nom, célèbre à la tribune ou dans les camps, retentir avec éclat dans nos concours agricoles. Les grands problèmes de l'économie rurale ont été abordés, et quelques-uns même résolus, après de vives et intéressantes discussions dans les feuilles spéciales, voire même dans les journaux politiques.

Il y a quelques mois paraissait, sur ces matières, un livre qui a fait son chemin. Les résultats acquis par les expériences de quelques grands propriétaires, solennellement reconnus dans nos Expositions internationales, les solutions trouvées à l'aide de la science des Liebig, des Payen, des Baudement, sont habilement présentés dans les Études d'économie rurale de M. le comte Guy de Charnacé. La production animale est le thème favori de l'auteur, et l'on ne peut lire sans s'y intéresser les discussions zootechniques auxquelles il se livre, prenant corps à corps les opinions de quelquesuns de ses adversaires. A l'aide de ses théories, M. de Charnacé a fait appel à la pratique où les succès ne lui avaient point fait défaut.

L'histoire abrégée de nos races chevalines, une étude raisonnée de la production de la viande à bon marché, et un tableau animé des concours de Battersea-Park, un annexe de l'Exposition de Londres, tels sont les chapitres les plus remarquables d'un livre qui a déjà reçu la sanction des plus compétents.

Voyage agronomique en Russie (1860-1861), par AUGUSTE JOURDIER,
1 vol. in-8. Paris-Leipzig, Franck.

Les travaux de M. Jourdier ont produit en Russie une grande sensation : ils ont eu à subir des critiques assez violentes, car ils avaient le tort d'attaquer des préjugés, de dévoiler des abus, des négligences, des maladresses, profondément enracinés dans une couche d'ignorance longtemps accumulée. En agronome expérimenté, M. Jourdier indique aux propriétaires russes

par quels moyens ils peuvent faire produire à leurs terres, inépuisablement fécondes, des revenus doubles ou triples de ceux qu'ils en retirent actuellement. Il leur propose pour exemple les seigneurs qui ont eu le bon sens d'adopter les méthodes nouvelles. Cet ouvrage, grâce à des documents hien établis et nombreux, donne une idée très-complète de l'état où se trouve actuellement l'agriculture en Russie.

Poésies (Chemin perdu, la Fée des fleurs, etc.), par ANDRÉ Lemoyne.

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Dans la jeune école de poëtes, parmi les petits-fils de Victor Hugo, de Alfred de Musset et de Théophile Gautier, M. André Lemoyne a su se placer sur la première ligne. Il a autre chose que cette habileté de métrique et de rime à laquelle beaucoup s'arrêtent, faute de pouvoir aller au delà: la vraie fibre poétique vibre dans les vers de M. A. Lemoyne; c'est son âme qu'il nous donne, et non pas seulement son esprit. Aussi, quoiqu'on dise que la poésie n'est plus lue chez nous, les amis des vrais vers ont bien su trouver le volume de M. A. Lemoyne, qui montre glorieusement sur sa couverture glacée cette mention invraisemblable : Quatrième édition!

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LES TROIS CITRONS

CONTE NAPOLITAIN

INTRODUCTION

Il y a de par le monde un certain nombre d'honnêtes gens, à mine respectable, à barbe grise, officiers, magistrats, académiciens, députés, sénateurs peut-être, qui ont la faiblesse d'aimer les contes de fées. Je ne leur reproche pas d'avoir gardé cette maladie de leur enfance, car je la partage, et n'en voudrais pas guérir pour le portefeuille d'un ministre... sans portefeuille. La vie dissipe les illusions; plus on vieillit, plus on s'aperçoit qu'ici-bas il n'y a rien de plus chimérique et de moins gai que la gravité des sages du jour; ce qu'on voit n'est qu'un mauvais rêve; il n'y a de vrai que l'idéal. Où sont les grands hommes qui, il y a quarante ans, défendaient l'autel et le trône : les de Bonald, les Ferrand, les Marcassus de Puymaurin, les Duplessis Grénedan, les Syriès de Marynhac? Leur gloire a fondu comme les neiges d'autan. Nommez-moi les conseillers d'État ordinaires ou extraordinaires, les orateurs, les criminalistes, les hommes d'État qui hier encore emplissaient le Moniteur de leur prodigieuse éloquence? Votre mémoire ingrate les a déjà oubliés; mais Peau d'Ane avec sa robe couleur du temps n'a pas vieilli, et le petit Poucet est immortel! Heureux donc celui qui conserve la jeunesse de son cœur; heureux celui qui, pour résister aux attaques des ans, garde dans un coin de son cerveau une oasis où le beau et le bien règnent toujours; où n'entrent jamais l'égoïsme et l'avarice, cachant leur laideur sous un masque d'important, et suivis de leurs laquais ordinaires: la bassesse et la cupidité. Vivent les contes de fées ! C'est là que les géants sont toujours ridicules; c'est là que triomphent l'innocence, la justice et la bonté.

Les contes de fées, ces traditions d'une antique sagesse venue d'Orient, ont enfin reconquis dans l'érudition la place qui leur appartient; c'est un des signes les plus consolants de notre époque. Il est beau d'entrer à l'Académie avec un gros volume écrit sur la généalogie du Petit Chaperon rouge, ou sur les origines du château de Tome XIII.

51° Livraison.

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