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attribuer un nom capable de fcandalifer tous vos freres. Je vous prie, je vous conjure, je vous exhorte avec toute la modération poffible, de réfifter à ceux qui vous flattent, & qui vous donnent ce nom plein d'extravagance & d'orgueil. Ne fçavez pas que le Concile de Calcédoine offrit cet honneur aux Evêques de Rome? Mais aucun n'a voulu le recevoir, de peur qu'il ne parût s'attribuer à lui feul l'Epifcopat & l'ôter à tous fes freres. Saint Grégoire écrivit en même temps à fon Nonce, & lui découvrit l'artifice de Jean, qui faifoit écrire l'Empereur pour lui. Il efpere, dit-il, autorifer fa vaine prétention, fi j'écoute l'Empereur; ou l'irriter contre moi, fi je ne l'écoute pas. Mais je marche dans la droiture, ne craignant en cette affaire que Dieu feul. Méprifez auffi tout ce qui paroît grand en ce monde. Ils ne peuvent nous défendre des épées de nos ennemis : ils nous ont fait perdre nos biens, pour fauver l'Etat ; & ils voudroient encore après cela nous faire perdre la Foi, en nous faifant consentir à ce titre criminel. S. Grégoire traite cette contestation de queftion de foi, parce que la Foi ne permet pas de ne reconnoître qu'un seul Evêque dont les autres ne fuffent que les Vicaires, & il prévoyoit les fuites funeftes de l'ambition des Evêques de Conftantinople, qui n'a que trop éclaté dans les fiécles fuivans.

C'eft ce qui l'obligea de répondre à la lettre de l'Empereur en faveur du Patriarche. Il ne faut, dit-il, attribuer les calamités publiques qu'à l'ambition des Evêques. Nous détruifons par nos exemples ce que nous établiffons par nos paroles. Nos os font confumés de jeûnes, & notre esprit eft enflé d'orgueil Nous

avons le cœur élevé fous des habits méprifables: quoique nous couchions fur la cendre, nous ne laiffons pas d'aspirer à ce qu'il y a de plus grand. Tout ceci regarde l'extérieur mortifié de Jean qui fut furnommé le Jeûneur. La primauté, continue faint Grégoire, a été donnée à faint Pierre, & néanmoins on ne l'appelle pas Apôtre univerfel. Toute l'Europe est livrée aux Barbares, les villes font détruites, les fortereffes ruinées, les provinces ravagées, les terres incultes ; & les Evêques qui devroient pleurer & s'humilier, cherchent de nouveaux titres pour contenter leur vanité. Eft-ce ma caufe particuliére que je défends? N'eft-ce pas celle de Dieu & de l'Eglife univerfelle? Plufieurs Evêques de Conftantinople ont été hérétiques & même héréfiarques, comme Neftorius & Macédonius: fi donc celui qui remplit ce Siége étoit Evêque univerfel, toute l'Eglife tomberoit avec lui. Pour moi je fuis le ferviteur de tous les Evêques, tant qu'ils vivent en Evêques; mais fi quelqu'un éleve fa tête contre Dieu, j'efpere qu'il n'abaiffera pas la mienne, même avec le glaive. Saint Grégoire écrivit à l'Impératrice fur le même sujet. Il eft trifte, dit-il, que l'Empereur fouffre celui, qui veut être appellé feul Evêque au mépris de tous les autres. Il est vrai que les péchés de Grégoire le méritent: mais faint Pierre n'a point fait de péchés qui doivent lui attirer un tel traitement de votre temps. Au refte, afin qu'on ne crût pas qu'il vouloit empêcher l'Evêque de Conftantinople de prendre ce titre pour s'en décorer lui-même, il fe donna le nom de ferviteurs des ferviteurs de Jefus - Chrift; qualité fort propre à fatis

faire fon humilité profonde, & très-conforme à la perfuafion où il étoit, que fa dignité le rendoit le ferviteur de tous les fidéles. Ce titre qui fut depuis adopté par les fucceffeurs de S. Grégoire, & qui a paffé en formule, fut pris très-férieufement par ce grand Pape, & il étoit une expreffion fidelle des fentimens de fon cœur.

1. formation

de l'Office. Sacramentaire de S.

Grégoire.

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Suite des Travaux de faint Grégoire.
Ses Ouvrages.

C

I.

Omme la réformation de l'Office de l'églife de Rome eft une des plus célébres actions du Pontificat de Saint Grégoire, il est à propos de nous y arrêter un peu. Nous avons parlé du facramentaire du Pape Gelafe. Saint Grégoire en retrancha plufieurs chofes, en changea quelques-unes, & en ajouta d'autres. Il recueillit le tout en un volume qui eft fon Sacramentaire. C'est le nom qu'on donnoit autrefois au livre, qui contenoit les prières que le prêtre devoit dire dans l'administration des Sacremens, & fur-tout dans la célébration du faint Sacrifice. Nous avons parlé du Lectionnaire, de l'Antiphonaire & du Pieautier. Pour montrer les régles que l'on devoit obferver dans la pratique & que nous nommerions rubriques, il y avoit un autre volume nommé Ordres. Les Grecs ont encore aujourd'hui plufieurs livres féparés pour les différentes parties. de l'Office. Les Latins avoient plusieurs Or

de

l'Ordre Rom

'dres, pour les différentes fonctions, comme l'ordre de la meffe pontificale, l'ordre du baptême, l'ordre de l'ordination. Les écrits que nous avons fous le nom d'ordre Romain, font les plus anciens qui nous restent en ce genre, & on les croit au moins du temps de S. Grégoire. On les nomme Ordres Romains, D. Mabill. parce que chaque pays avoit un Ordre parti- Comment. fur culier pour la Liturgie & les autres parties l'office. Non-feulement la Grece & l'Orient, mais les Eglifes latines, l'Afrique, l'Espagne, les Gaules, & la partie de l'Italie qui dépendoit de Milan, avoient leurs Liturgies. Il y avoit à Rome quatre fortes d'églifes: des églifes patriarcales qui appartenoient proprement au Pape, comme faint Jean de Latran, faint Pierre du Vatican, fainte Marie Majeure : des titulaires, qui étoient commes des paroiffes gouvernées par des prêtres, dont le chef étoit appellé le Prêtre Cardinal, & c'eft ce que nous appellons Curé. Dès la fin du cinquième fiécle, il y avoit à Rome trente-fix titres ou paroiffes, des diaconies, qui étoient des hôpitaux ou des bureaux pour la diftribution des aumônes. Elles étoient gouvernées par les fept diacres régionaires, un pour chaque région, ou quartier de Rome. Enfin il y avoit des oratoires qui étoient fouvent dans les cimetières. C'étoit des chapelles où l'Evêque envoyoit un Prêtre quand il jugeoit à propos d'y faire célébrer le faint facrifice. Il y en avoit même dans les maisons particuliéres.

II.

II.

Comment fe célébroit la

Saint Grégoire régla les ftations à Rome, c'eft-à dire les églifes où fe devoit faire l'office chaque jour du carême, des quatre-tems, ou Mefle pontifides fetes folemnelles. A l'égard des fêtes des cale.

faints, elles fe célébroient toûjours dans les églifes où étoient leurs Reliques. Il marqua donc ces ftations dans fon facramentaire, comme elles font encore dans le Miffel Romain. Pour représenter maintenant comment la Meffe pontificale étoit célébrée, nous prendrons pour exemple celle du jour de Pâque felon les plus anciens Ordres Romains. Dès le matin tous les acolytes du troifiéme quartier, & les défenfeurs de tous les quartiers fe rendoient à la maifon de Latran qui étoit la demeure du Pape. Les défenfeurs étoient des clercs destinés à exécuter les ordres de l'Evêque, pour l'utilité des pauvres. Tout le reste du Clergé de Rome fe rendoit dès le grand matin à l'églife de la ftation; le jour de Pâque, c'étoit à fainte Marie Majeure. Il s'y trouvoit auffi toujours quelques Evêques. Le Pape & les principaux officiers alloient à cheval: les acolytes & les défenfeurs l'accompagnoient à pied. Dans cette efpéce de proceffion on apportoit de la maifon de Latran les livres & les vafes néceffaires, & un acolyte portoit à fa main le faint chrême dans une phiole couverte d'une ferviette. Quand le Pape approchoit, les acolytes & les défenfeurs qui étoient de fervice ce jour-là, alloient au-devant avec le Prêtre titulaire de la ftation. Les diacres l'aidoient à defcendre de cheval, & il entroit d'abord dans la facriftie. Les diacres changeoient d'habit à la porte. Les foudiacres aidoient le Pape à en changer auffi. L'un lui donnoit l'aube, un autre la ceinture, la dalmatique de toile, la grande dalmatique, & enfin la chafuble. Un diacre lui mettoit le pallium. Quand le Pape faifoit figne de commencer, les chantres fe rangeoient dans le chœur, & leur chef commençoit

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