Page images
PDF
EPUB

mamon.

mencent à é & les Savans; ce fut principalement fous fon tudier fous le Regne, que les Mufulmans commencérent regne d'Alà s'appliquer à l'étude. Ils n'avoient d'abord voulu étudier que leur loi, leur langue, & un peu de médecine, & ils demeurerent en cet état fous les Califes Ommiades. Almanfor, fecond des Abbafides, étudia de plus la Philofophie & l'Aftronomie; mais Almamon fon petit-fils pouffa ces études beaucoup plus loin. Il fit des dépenses extraordinaires pour amaf fer les livres les plus curieux écrits en fyriaque & en grec, afin de puifer la fcience dans les fources, & il pria les Empereurs Grecs de lui envoyer ce qu'ils en avoient. Il fit enfuite chercher les meilleurs interprétes, & les chargea de les traduire en Arabe. Il excita fes fu jets à les étudier & à faire des conférences aufquelles il affiftoit. Il favorifoit les Savans de quelque Religion qu'ils fuffent. Il recevoit avec reconnoiffance les préfens qu'ils lui faifoient de leurs Ouvrages. En peu de temps il eut tout ce qu'il y avoit de plus rare chez les Chrétiens Orientaux de toutes les fectes. Il s'appliqua fur-tout à l'Aftronomie, & laissa des tables du mouvement des aftres qu'il avoit faites lui-même : auffi eut-il à fa Ĉour plufieurs Aftronomes célébres. Mais ils pouffoient cette étude jusqu'à l'Aftrologie judiciaire ; & cette fuperftition fi ancienne & fi ridicule, fit depuis ce temps de nouveaux progrès. Almamon embraffa la doctrine des Motazales, elpéce d'hérétiques parmi les Mufulmans, qui mêloient à la Religion une philofophie trèsfubtile, prétendant qu'on ne devoit en aucune forte diftinguer les attributs de Dieu de fon effence, ni dire que Dieu fait par fa science, ou qu'il juge par fa juftice, mais par fon effence,

[ocr errors]

Idée générale de leurs études.

Depuis ce temps-là les Mufulmans continuerent de cultiver les fciences. Ils ont eu un nombre incroyable de gens habiles, furtout des Arabes & des Perfans, & ils ont écrit de quoi remplir de grandes bibliothèques. Ils étudiérent avec ardeur les traditions qu'ils attribuoient à Mahomet & à fes premiers difciples, les vies de leurs prétendus faints, les cas de confcience fur leurs pratiques de Religion, comme la priére, les purifications, le jeûne, le pélerinage. Ils s'appliquérent auffi à leur Théologie scholaftique, où ils examinent tant de queftions fubtiles fur les attributs de Dieu. D'autres étudioient l'Alcoran & fes commentaires, plutôt en Jurifconfultes qu'en Théologiens, pour y trouver la décifion de leurs différends; car ce livre eft leur unique loi, même pour le temporel. La langue Arabe étoit alors la langue des Savans, & de la plupart des peuples dans tout ce vafte Empire, & c'est par-tout la langue de leur Religion. Ils l'étudioient fur-tout dans l'Alcoran ; & pour apprendre mieux cette langue par l'utage, les curieux alloient de toutes parts à la ville de Baflora, qui étoit pour eux ce qu'étoit Athenes pour les anciens Grecs. Les Mufulmans avoient une telle horreur de l'idolâtrie, qu'ils ne croyoient pas qu'il leur fut permis de prononcer feulement les noms lattice des faux dieux; & entre tant de milliers de volumes qu'ils ont écrits, à peine y en a-t-il quelqu'un où ces noms fe trouvent. Ils étoient donc infiniment éloignés d'étudier toutes ces

fables

extravagantes & dangereuses, dont nos poëtes modernes ont été fi curieux, & qu'on a tant de foin de faire apprendre aux jeunes gens. Ce même éloignement qu'ils avoient de l'idolâtrie, les empêchoit de cultiver la

IV. Leur hor. reur de l'ido

V.

s'appliquoient.

Poëfie, la Peinture & la Sculpture. Ces arts, pouvoient s'exercer fans le fecours des fables. des payens; mais les Mufulmans craignoient qu'infenfiblement les Poëtes & les Peintres, ne ramenaffent le goût des folies du paganifme. Une trifte expérience nous apprend que leur crainte n'étoit que trop fondée; car dans les pays mêmes qui font en poffeffion de la vraie Religion, en France, en Espagne, en Italie; les poëfies, les ouvrages de peinture & de fculpture, ne préfentent que trop fouvent des objets indignes de fages payens, & rappellent toute la corruption & toutes les horreurs de l'idolâtrie. Les Arabes Musulmans pour qui nous avons tant de mépris, & que nous regardons comme des gens ignorans & groffiers, étoient en cela beaucoup plus fpiri tuels que nous, & ont donné aux Chrétiens une leçon dont il feroit à souhaiter qu'ils euf fent profité.

A l'égard de l'éloquence & de la Politique, Sciences auf. qui font nées dans les républiques les plus liquelles ils bres, la forme du gouvernement des Mufulmans ne leur donnoit pas lieu de les étudier avec foin. Ils vivoient dans un Empire entié, ment defpotique; où il ne falloit ouvrir la bouche que pour flatter fon Prince & applaudir à toutes les pensées ; & où l'on n'étoit pas en peine de chercher ce qui étoit le plus avantageux à l'Etat, mais les moiens d'obéir à la volonté du Maître. Il n'y eut donc point d'autres livres des anciens qui fuffent à leur ufage, que ceux des Mathématiciens, des Médecins, & des Philofophes. Mais comme ils fe foucioient peu de Politique & d'Eloquence, Platon ne leur convenoit pas. Ariftote fut beaucoup plus de leur goût avec fa Dialectique & fa

Métaphyfique; auffi l'étudiérent-ils avec une ardeur incroyable. Ils s'appliquérent encore à fa Phyfique, fur tout aux huit livres qui ne contiennent que les principes généraux ; car ils goûtoient moins la Phyfique particuliére, qui a besoin d'observations & d'expériences, & qui néanmoins eft plus fùre & fans comparaifon plus utile. L'étude de la Médecine étoit chez eux fort fuperficielle. Ils avoient une tradition de remedes qu'ils n'examinoient pas. Ils ne connoiffoient prefque point l'Anatomie, qui eft néanmoins fi néceffaire. Mais ils faifoient grand cas de la Chimie, qu'on dit même qu'ils ont inventée. Ils y ont mêlé tous les vices que l'on a tant de peine à en féparer encore à préfent, la vanité des promeffes, l'extravagance des raifonnemens, la fuperftition des opérations, & tout ce qui a produit les charlatans & les impofteurs. Pour les Mathématiques, les Princes mêmes Mufulmans en faifoient leurs délices, & ils en ont perfectionné les parties les plus utiles, comme la Géométrie & l'Arithmétique. Ils ont inventé l'Algebre & le Zéro pour multiplier par dix, qui a rendu les opérations d'Arithmétique faciles.

III.

VI.

Mufulmars,

L'an 838, l'Empereur Théophile qui faifoit laguerre aux Mufuimans, s'avança dans la Sy- Guerre c rie, ravageant tout le pays & emmenant un tre l'Empe grand nombre de captifs. Enfin il affiégea So- eur & kes zopetra où étoit né le Calife Moutalein. Ce Amoricn Calife écrivit à Théophile, pour le prier d'é- prife par ces pargner cette ville à fa confidération, mais il infidéles. ne fut pas écouté. Théophile prit la ville & la ruina; il tua une partie des habitans, & mit les autres en captivité. Le Calife en fut teile

7

VIL

mans s'effor

cent de pervertir les Chrétiens,

ment indigné, qu'il leva beaucoup plus de troupes que n'avoit fait aucun de fes prédéceffeurs,& fit écrire fur les boucliers de fes foldats, Amorion, pour marquer qu'il en vouloit à cette ville, qui étoit la patrie de Théophile. On confeilloit à cet Empereur d'en fauver les habitans en les faifant paffer ailleurs. Mais il crut qu'il étoit de fon honneur de la défendre, & il y mit le Patrice Aerius Gouverneur d'Orient, avec deux des plus vaillans capitaines de l'Empire. Ils défendirent fi bien la ville, que le Calife y perdit foixante & dix mille hommes, quoique le fiége ne durât que treize jours. Enfin le Calife l'attaqua par un endroit foible & la prit d'affaut. Il pafla au fil de l'épée tous les habitans & les foldats, excepté les chefs & les officiers, qu'il envoya à Bagdad. Quad il y fut revenu, il les fit mettre aux fers avec les entraves aux pieds dans une prifon affreufe, où on ne voyoit pas le moindre "jour en plein midi. On leur y donnoit un peu de pain & d'eau pour nourriture, la terre pour lit, & pour habits des haillons pleins de ver

mine.

Quand on les vit affoiblis & languiffans, Les Muful on commença à les folliciter de changer de Religion. Le Calife leur envoya des Docteurs qui paffoient pour les plus habiles des Mufulmans. Ils témoignoient avoir été attirés par la compaffion, & ils apportoient aux prifonniers de l'argent &. des habits pour les gagner. Car le Calife difoit qu'il comptoit pour rien la conquête d'une ville en comparaifon de celle des ames. Comme les Chrétiens rejettoient avec horreur la propofition de renoncer à Jefus-Chrift, les Mululmans les conjuroient de les écouter, & d'ufer feulement d'un peu de

« PreviousContinue »