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Jean Diacre prouve que saint Grégoire a suivi les institutions et la règle de saint Benoît par les images qu'on en envoyait à Rome avec une ceinture fort étroite, par les louanges qu'il a données à cette règle, et par l'observance générale de cette même règle dans tous les monastères fondés dans l'Angleterre par les disciples de ce saint pape.

<< Porro in exilitate baltei, quæ unius pollicis mensuram nunquam excedit,speciem propositi regularis olim a sancto Benedicto statuti, cujus ipse vitam describens in Dialogo regulam quoque laudaverat, eum servasse luce clarius manifestat. Præsertim cum idem venerabilis doctor Gregorius sui monasterii monachos Benedicti utique regulis mancipatos in Saxoniam destinarit (L. IV, C. LXXX). »

Il donne le nom de Saxe à la Grande-Bretagne, parce que les Anglais et les Saxons, peuples d'Allemagne, l'avaient subjuguée. « Quod vero monachi a Gregorio in Saxoniam missi, sancti Benedicti regulæ fuerint mancipati: inter alia illud etiam ostendit, quod ex illius discipulis vix potest in illis partibus monachus aliquis inveniri, in quo non observetur tam in proposito, quam in habitu regula Benedicti. »

Jean Diacre, qui écrivait vers la fin du neuvième siècle, parlait le langage de son temps, quand il disait que saint Grégoire et ses disciples étaient dévoués à l'habit, à l'institut et à la règle de saint Benoît.

Pendant tout le septième siècle tous les moines ne faisaient encore qu'un corps et un ordre, distingué du corps des laïques et de l'ordre du clergé sans être partagé en plusieurs ordres subalternes, par l'affectation de quelque habit particulier, ou d'une règle plutôt que des autres. Ce furent les conciles et les évêques de qui les religieux dépendaient alors fort étroitement, qui donnèrent la préférence à la règle de saint Benoît à cause de son excellence audessus de toutes les autres règles, et qui affectèrent d'y assujétir plus particulièrement tous les moines. Cela se fit vers la fin du septième siècle et dans le huitième.

De là vient: 1° Que saint Grégoire ne s'est jamais déclaré sectateur, ni de l'institut de saint Equice, ni de celui de saint Benoît, quoiqu'il ait beaucoup respecté l'un et l'autre ; mais il dit simplement qu'il avait pris l'habit et la profession monastique.

il l'accuse comme prévaricateur de la règle de son monastère. « Quippe quia ejusdem monasterii mei semper regula fuerat ut, etc., » quoiqu'il n'ignorât pas que c'était aussi un article de la règle de saint Benoît.

3° Que parlant de la règle de saint Benoît, il l'appelle simplement la règle des moines « Regulam monachorum; » quoiqu'il sût bien qu'il y avait d'autres règles dans l'Orient et dans l'Occident. Mais comme il n'y avait nulle diversité d'instituts entre les moines, toutes les règles leur étaient communes; de même que les canons de tous les conciles étaient communs à tout le clergé.

4° Que le concile romain sous Boniface IV, en 610, nomme simplement saint Benoît le législateur des moines, sans déterminer un corps particulier de moines, dont il soit le législateur.

5° Que ce même concile nomme saint Grégoire, pape, saint Augustin d'Angleterre, saint Martin, saint Benoît, comme les plus éclatantes lumières de l'état monastique, sans mettre aucune différence d'ordres entre

eux.

6° Que le même Boniface IV, écrivant à Ethelbert, roi d'Angleterre, approuve le désir qu'il avait d'entretenir une congrégation de moines dans le monastère bâti par Augustin dans Cantorbéry. « Monachorum regulariter viventium habitationem, monachorum gregem. » Sans exprimer en aucune façon un institut particulier, ou une règle plutôt qu'une autre.

Enfin, c'est ce qui fait que Bède ( L. 1, c. xxxIII) parle bien dans son histoire de la fondation de l'église et du monastère de Cantorbéry par Augustin, disciple de saint Grégoire ; mais que ni là, ni ailleurs dans son histoire il ne fait nulle mention de la règle de saint Benoît, ou de son institut particulier, quoiqu'il y parle des moines en cent rencontres diverses. Ce n'est pas que Bède ne connût cette règle, et qu'elle n'eût été apparemment apportée par Augustin en Angleterre, et communiquée à son monastère de Cantorbéry. Mais l'usage n'était pas encore de se distinguer des autres moines, par l'affectation d'une règle particulière.

Il est vrai que Bède nous a avertis à la fin de son histoire (L. I et II), d'une petite histoire qu'il avait écrite de son monastère de Viremuth 2o Que condamnant un moine propriétaire, où il avait passé sa vie; et que cette petite his

toire ayant été donnée depuis peu au public, nous y apprenons que le premier abbé du monastère de Viremuth Benoît Biscope, peu avant sa mort, recommanda à ses religieux l'observance rigoureuse de la règle de saint Benoît, surtout dans l'élection de leur abbé. « Ut juxta quod regula magni quondam abbatis Benedicli juxta quod privilegii vestri continent decreta, in conventu vestro congregatis perquiratis, qui aptior ad tale ministerium probetur.»

On conclut de là avec beaucoup de probabilité que la règle de saint Benoît était aussi beaucoup révérée dans le monastère de Cantorbéry, où Benoît Biscope avait été auparavant abbé, et qu'Augustin même l'y avait apportée. Mais on ne peut insérer de là que les monastères d'Angleterre se distinguassent de quelques monastères, ou des monastères en général, par la règle de saint Benoît, comme par une règle qui leur fût particulière, ou qui ne fût pas commune, aussi bien que toutes les autres règles, à tous les monastères.

Je laisse la vie de saint Wilfrid, archevêque d'York, écrite par un de ses disciples, religieux de Cantorbéry, qui dit que ce saint prélat emporta de Cantorbéry à York la règle de saint Benoit après le milieu du septième siècle, Revertens cum regula Benedicti instituta Ecclesiarum bene melioravit. » Je laisse ce que Guillaume de Malmesbury fait dire à saint Wilfrid, qu'il a été le premier qui ait fait observer dans le nord de l'Angleterre la règle de saint Benoît. « Se primum qui sancti Benedicti regulam a monachis observari jusserit. »Je laisse les vers de saint Adelme, abbé, puis évêque de Shireburne dans son poème de la Virginité, où, parlant de saint Benoît, il le fait le premier auteur de la règle monastique. « Primus qui nostræ statuit certamina vitæ, qualiter optatam teneant cœnobia normam. »

On peut voir sur ce sujet la belle et savante dissertation du père Mabillon dans le tome II de ses Analectes de laquelle j'ai moi-même beaucoup profité dans la révision de cet ouvrage.

Quant à la France, si les canons du synode d'Autun, en 665 ou en 670 sous le saint évêque Léger, étaient d'une autorité incontestable; on pourrait dire que dès lors la règle de saint Benoit y aurait été fortement établie. Ce synode ordonne aux réguliers de garder exactement

ou les règles canoniques, s'ils sont chanoines, ou la règle de saint Benoît, s'ils sont religieux. « De abbatibus vero vel monachis ita observare convenit, ut quidquid canonicus ordo, vel regula sancti Benedicti edocet, et implere et custodire in omnibus debeant. »

Ce règlement ne me paraît pas avoir le caractère du siècle de Pépin et de Charlemagne. S'il est véritablement de saint Léger, il faut dire que ce saint prélat ébaucha ce que Pépin et Charlemagne achevèrent, de substituer la seule règle de saint Benoît à toutes les autres.

Ainsi, il serait encore plus vraisemblable que saint Maur, venant fonder des monastères en France, y aurait apporté la règle de saint Benoît. Car quelle apparence qu'un tel disciple eût négligé d'apporter le chef-d'œuvre de son cher maître, et qu'étant envoyé pour fonder et pour règler des monastères, il eût oublié d'en apporter la règle?

Aussi Charlemagne remonte jusqu'à saint Martin et à ses disciples, pour trouver des moines à qui la règle de saint Benoît n'eût pas encore été proposée, et dont on puisse douter quelle règle ils suivaient. « Inquirendum qua regula monachi vixissent in Gallia priusquam regula sancti Benedicti in ea tradita fuisset : cum legamus sanctum Martinum monachum fuisse, et sub se monachos habuisse, qui multo ante sanctum Benedictum fuit. »

Pierre Diacre dit bien que Simplice, disciple et successeur de saint Benoît, proposa à tous les moines la règle de saint Benoît : « Regulam quam suus magister ediderat, publice legendam omnibus monachis tradidit; » mais cela se peut entendre de l'Italie, et nous lisons dans. la vie de saint Maur, écrite par Fauste et louée par le même diacre, que saint Benoît, envoyant Maur en France, lui donne une copie de sa règle écrite de sa propre main.

Cette vie, écrite par Fauste, n'est pas tout à fait au gré des critiques. Mais quant à ce point du don que fit saint Benoît de sa règle à son cher disciple, pour les colonies qu'il venait établir en France, il n'y a nul sujet de s'en défier.

Paul Diacre dit que les Lombards ayant pillé et ruiné l'abbaye du Mont-Cassin, les moines se retirèrent à Rome et y portèrent la règle de saint Benoît. << Serum codicem sanctæ regulæ, quam præfatus pater composuerat, et quædam alia scripta, nec non libram panis et mensu

ram vini, et quidquid ex supellectili recipere poterant deferentes (L. IV, c. vi). »

Constantin, Simplice, Vital et Banet, avaient succédé l'un après l'autre à saint Benoît. Ce fut sous ce dernier qu'arriva la désolation du Mont-Cassin. Les Français du diocèse du Mans et d'Orléans étant venus révérer les corps de saint Benoît et de sainte Scholastique, sa sœur, au Mont-Cassin, les enlevèrent pendant la nuit et les portèrent en France, où ils bâtirent deux églises magnifiques en leur nom (L. vi, C. III).

Cette dévotion des Français est une preuve que le nom et la règle de saint Benoît avaient déjà cours en France. Cent dix ans après la désolation du Mont-Cassin, Pétronax y alla rebâtir un monastère par les ordres du pape Grégoire II. Le pape Zacharie lui envoya l'autographe même de la règle de saint Benoît. « Insuper et regulam quam beatus pater Benedictus suis sanctis manibus conscripsit, paterna pietate concessit (L. VI, c. XII). D

XVI. Quant à l'Espagne, Mariana dit que la première fois qu'il y fut parlé des moines, ce fut dans le concile de Tarragone, l'an 515. «In eo primum concilio mentio monachorum extat inter Hispaniæ monumenta (L. 1, Histor. Hisp. C. VII). D

Il dit ailleurs que ce ne fut qu'au temps de Grégoire de Tours, qu'un religieux nommé Donat, passa d'Afrique en Espagne avec soixante et dix autres religieux, et y fonda le premier monastère réglé, parce qu'auparavant les moines d'Espagne n'avaient été que des ermites ou des solitaires sans vœux.

« Gregorio æqualis Donatus monachus adjunctis septuaginta sociis ex Africa venit in Hispaniam, et monasterio extructo, monasticam vivendi rationem, certis nimirum legibus institutisque temperatam invexit primus in Hispaniam, ut Hildephonsus scribit. Monachi enim quorum in actis conciliorum Hispaniæ ante hæc tempora mentio extat, aut nulla votorum religione constricti erant, aut per silvas dissipati vitam exigebant solitariam (L. v, C. XI). D

Saint Isidore, évêque de Séville, donna ensuite sa règle à ces monastères d'Espagne, elle y eut un grand cours durant le reste du septième siècle, et peut-être durant tout le huitième, avant que la règle de saint Benoît y pût passer, et elle y passa peut-être à la faveur de Charlemagne, à la famille duquel elle doit son principal établissement dans la France.

CHAPITRE VINGT-CINQUIÈME.

DES RÈGLES MONASTIQUES SOUS L'EMPIRE DE CHARLEMAGNE.

1. Tous les monastères de l'empire de Charlemagne réunis sous la seule règle de saint Benoit.

II. Nouvelles preuves de cela.

III. Les autres règles monastiques ne furent pas abolies, mais elles furent incorporées, par un supplément qu'on en fit, à celle de saint Benoit.

IV. Ce fut l'illustre Benoit, abbé d'Aniane, qui fit ce supplément de toutes les autres règles.

V. Et qui en fit un capitulaire qui fut inséré dans les capitulaires de nos rois.

VI. Dans la déroute de la maison de Charlemagne, l'abbé Bernon fonda Cluny, et fut général d'une infinité de monastères réformés, quoique la préséance demeurât toujours à l'abbé du Mont-Cassin, déclaré par les papes abbé des abbés.

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I. Il n'y a pas de doute que sous l'empire de

VII. Saint Romuald fonda des solitaires, qui portèrent l'état Charlemagne et de ses illustres descendants, la religieux au comble de sa perfection.

règle de saint Benoît n'ait effacé toutes les

autres, et n'ait passé pour la règle de tous les moines en général, comme les constitutions canoniques et les décrets des papes et des pères étaient la règle universelle de tout le clergé.

Le concile de Francfort, tenu en 794, (Can. XIII, XIV,) ordonna aux abbés de coucher dans le même dortoir avec leurs moines, et d'y élire des celleriers exempts d'avarice, selon la règle de saint Benoit. « Ut abbas cum suis dormiat monachis secundum regulam sancti Benedicti, etc. Tales electi sint cellarii, quales regula sancti Benedicti docet. »

Nous avons déjà dit que l'évêque Crodogangus avait accommodé la plus grande partie de la règle de saint Benoît à l'usage de ses chanoines, pour en faire une règle qui leur fut propre. Cela s'était fait sous le roi Pépin.

Voilà les commencements de cette nouvelle étendue d'autorité pour cette règle. Ce n'est pas que la règle de saint Benoît ne fut connue, admirée et respectée depuis plus d'un siècle dans l'Italie, dans la France et dans l'Angleterre. Mais elle n'était pas encore montée à ce suprême degré d'autorité, d'être la seule règle des moines, dont les autres règles ne fussent plus que les suppléments.

Ces commencements aussi étaient encore un peu flottants, car le même empereur Charlemagne, entre plusieurs doutes qu'il proposa à résoudre aux évêques et aux doctes de ses Etats, en 811, n'oublia pas ceux-ci, s'il pouvait y avoir des moines sous une autre règle que celle de saint Benoît, et s'il y avait des moines dans la France avant que la règle de saint Benoit y eût été apportée.

« Utrum aliqui monachi esse possint, præter eos, qui regulam Sancti Benedicti observant, etc. Qua regula monachi vixissent in Gallia, priusquam regula sancti Benedicti in ea tradita fuisset, cum legamus sanctum Martinum et monachum fuisse, et sub se monachos habuisse; qui multo ante sanctum Benedictum fuit (Anno 811. Concil. Gall. p. 261, 263). » La règle de saint Benoit était donc la seule qui dominait alors, en sorte qu'on avait presque perdu le souvenir des règles de saint Colomban, de saint Aurélien, de saint Césaire, et de tant d'autres. On ne doutait pourtant pas qu'il n'y eût eu en France des moines avant le temps de saint Benoît, et sous une autre règle que la sienne.

ques s'assemblèrent d'un côté pour s'examiner eux-mêmes, en examinant leur règle, c'est-àdire l'évangile, les épîtres de saint Paul, les actes des Apôtres, les canons, les ouvrages des Pères, et surtout le pastoral de saint Grégoire. D'un autre côté les abbés et les plus habiles d'entre les moines conféraient sur la règle de saint Benoît, pour porter l'état monastique au plus haut degré de sa perfection. « In alia turma consederunt abbates et probati monachi, regulam sancti Benedicti legentes atque traclantes diligenter, qualiter monachorum vitam in meliorem statum perducere potuissent. »

Enfin ce concile (Can. x1) ordonna que les abbés observeraient exactement la règle de saint Benoît. « Secundum doctrinam sacræ regulæ Benedicti, quantum humana permittit fragilitas.» Les religieuses mêmes n'avaient point d'autre règle que celle de saint Benoît. « Quæ vero professionem sanctæ regulæ Benedicti fecerunt, regulariter vivant. Sin autem canonice vivant, etc. (Cap. xIII). »

Nous montrerons dans un chapitre à part, que toutes celles qui n'étaient pas religieuses de saint Benoît, étaient simplement chanoinesses séculières, sans vœu et sans profession.

II. Le concile II de Reims (Can. VIII, IX), fut tenu la même année 811, et on y lut aussi le pastoral de saint Grégoire pour les évêques, les canons pour les chanoines et la règle de saint Benoît pour les religieux. «Lecti sunt canones, ut quisque canonicus legeret vitamque suam minime ignoraret. »

C'était là le lieu et le temps de lire la règle de saint Augustin, si les chanoines de ce tempslà y eussent eu quelque rapport, comme on y lit la règle de saint Benoît pour tous les moines. « Lecta est regula sancti Benedicti, ut ad memoriam reduceretur abbatibus, qualiter se et suos secundum eamdem regulam gubernare valerent. »

Le concile III de Tours (Can. xx1), de la même année 811, rétablit l'observance religieuse de la même règle dans tous les monastères où elle avait été autrefois, présupposant que ceux où elle n'avait jamais été pratiquée, étaient plutôt des monastères de chanoines. « Monasteria monachorum, in quibus olim regula beati Benedicti conservabatur. »

Cela est encore plus évident dans le i concile de Châlons, tenu la même année 811 (Can. XXII), où il est dit que tous les moines de cette Au concile de Mayence, tenu en 811, les évê- province étaient dévoués à la règle de saint

Benoît. « Quia pene omnia monasteria regularia, in his regionibus constituta, secundum regulam sancti Benedicti se vivere fatentur. » L'empereur Charlemagne ayant assemblé tous les évêques de ses Etats dans ces quatre conciles, on ne peut plus douter que la seule règle de saint Benoît ne fût alors universellement reçue dans tout ce grand royaume. Aussi l'assemblée des abbés à Aix-la-Chapelle tenue en 817, sous Louis le Débonnaire, ne fit que renouveler divers articles de la règle de saint Benoît, ce qui se fit néanmoins avec quelques adoucissements, comme par exemple de manger de la volaille les quatre fêtes de Noël, et autant à Pâques.

Enfin, le concile II d'Aix-la-Chapelle, sous ce même prince, en 836 (Can. LXXVIII; can. XV), fit une ordonnance générale pour assujétir tous les chanoines à la règle qui leur avait été dressée dans le Ier concile de la même ville, et pour faire garder la règle de saint Benoît dans toutes les congrégations monastiques. « Monachi vero secundum traditam unanimiter a B. Benedicto regulam, regularem vitam sectentur. >>

III. Il y aurait sujet de s'étonner comment tant d'autres excellentes règles s'étaient si fort évanouies, qu'on ne fit pas seulement la moindre mention d'elles en les abolissant. Mais il y a beaucoup d'apparence que, dans cette défaillance universelle, où le clergé et l'état monastique tombèrent avec l'auguste famille de Clovis, toutes ces règles avaient été comme absorbées dans le débordement général qui couvrit toute la face de l'Eglise Gallicane.

Lorsque les princes de la maison de Charlemagne commencèrent à relever l'Etat et l'Eglise en même temps, comme on proposa au clergé la règle de Crodogangus, ou celle du concile I d'Aix-la-Chapelle, qui est la même, pour être le modèle de la réformation; aussi l'on obligea tous les moines à se conformer entièrement à la règle de saint Benoît, qui était celle qui avait déjà eu plus de cours avant cette décadence générale; celle que Crodogangus même avait tâché de suivre de près en réglant le clergé; enfin celle que l'on croyait avoir été dictée par le même Esprit-Saint, qui est l'auteur de toutes les lois canoniques, comme le concile II de Douzy tenu en 874, le déclara ensuite. « Spiritus sanctus per B. Benedictum, eodem Spiritu quo et sacri canones conditi sunt, regulam monachorum edidit. »

Il y a bien moins de raison de douter que tous les monastères d'Italie ne fussent soumis à la même règle de saint Benoît. Le concile de Pavie, célébré en 855 sous l'empereur Louis, n'admet que deux règles : l'une de saint Benoît pour les moines ou les moniales, l'autre des canons pour les chanoines. « De monasteriis autem virorum, seu feminarum, quæ secundum regulam sancti Benedicti vel secundum canonicam auctoritatem debent esse disposita.» IV. Mais il faut avouer que le principal propagateur de la règle du grand saint Benoît, fut un autre saint Benoît, abbé d'Aniane, et originaire du Languedoc. Louis le Débonnaire l'appela en France, lui donna les terres et les pouvoirs nécessaires pour fonder douze monastères, et y établir parfaitement cette règle de la perfection monastique. « Hic est Benedictus, per quem Dominus Christus in omni regno Francorum regulam sancti Benedicti restauravit (Du Chesne, Histor. Franc., tom. III, p. 388, etc.). »

Ce saint religieux avait auparavant visité tous les monastères, s'était informé de toutes les règles qui y étaient observées, les avait toutes recueillies, en avait composé une qui les embrassait toutes, et l'avait proposée aux monastères de sa fondation. « Dedit cor suum ad investigandam B. Benedicti regulam, eamque ut intelligere posset, satagens, circuivit monasteria, peritos quosque interrogans quæ ignorabat, et omnium sanctorum, quascumque invenire potuit, regulas congregavit, normamque utilem et monasteriorum consuetudines didicit, suisque eas tradidit monachis observandas. >>

Voilà l'autre partie de la réponse à la difficulté proposée sur tant d'autres règles, dont on ne parla plus, quoiqu'elles eussent eu autrefois quelque crédit dans la France. Ce nouveau saint Benoît ayant été fait général de toutes les abbayes de moines en France, rassembla avec un extrême soin toutes ces différentes règles, en fit un supplément à la règle de saint Benoît, y enfermant toutes les louables coutumes qui avaient eu lieu en divers monastères, et le fit confirmer par le même empereur Louis le Débonnaire, et par l'assemblée d'Aix-la-Chapelle. Ainsi on peut dire avec vérité, que toutes les anciennes règles furent jointes, et comme associées à celle de saint Benoît, par le moyen de ce nouveau supplément, qui ne fut pas moins respecté que la règle même.

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