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» Ce système a été emprunté du Danemarck, où une ordonnance du 20 juin 1778 l'avait établi.

» En Norwège il y a treize régimens de milices, de mille seize hommes chacun.

«En Suède la force des milices s'élève à trente-cinq mille hommes, dont neuf mille de cavalerie; elles sont organisées en régimens qui restent dans les provinces et sont entretenus par elles.

» En Angleterre la force des milices s'élève à deux cent mille hommes, et les contribuables sont obligés à fournir un fantassin ou un cavalier, selon leur fortune.

» En Espagne la levée s'opère par le sort, et entretient un corps d'environ trente-six mille hommes.

En Prusse et en Suisse la milice est une véritable conscription; tout homme en âge de porter les armes est soldat.

:

» Il résulte de ces observations qu'en général presque toutes les puissances entretiennent pendant la paix des troupes auxiliaires destinées à renforcer l'armée active en cas de guerre mais que le système adopté pour la levée des troupes se modifie suivant les circonstances particulières à chaque nation. » Il a même éprouvé parmi nous beaucoup de variations

successives.

Notice historique sur les milices en France.

» Sous le régime féodal le souverain, qui n'était pas alors le même que le peuple, n'avait avec ce peuple aucunes relations immédiates: ainsi les rois n'appelaient point à la guerre leurs sujets, mais les vassaux de la couronne; c'étaient ceux-ci qui marchaient à la guerre avec le contingent d'hommes déterminé pour chacun d'eux ; et dans ces temps, où la monarchie n'était en quelque sorte qu'une fédération, la durée du service de chaque seigneur était limitée ordinairement à très peu de jours (1).

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Cependant, dans les circonstances extraordinaires, le roi avait le droit d'appeler tous ses sujets à la défense de l'Etat. Philippe-le-Bel en fit usage lorsqu'il ordonna à tous les Français, depuis l'âge de dix-huit ans jusqu'à soixante, de se tenir prêts à marcher (2). C'était ce qu'on appelait l'arrière

(1) a Au siége d'Avignon, en 1226, le comte de Champagne demanda la permission de se retirer après quarante jours, de consuetudine gallicana, suivant la coutume française.

» Louis IX dit, dans une de ses ordonnances, que le baron et ses hommes doivent suivre le roi en son ost, et le servir soixante jours et soixante nuits quand il en est semons. »

(2) En 1302. »

ban; mais ce n'était pas encore une levée qui répondît à l'idée que le nom de milice présente aujourd'hui.

» On fait assez généralement remonter cette institution à Charles VII. Il institua des compagnies d'ordonnance, et engagea les communes à se charger de leur entretien ; il ordonna ensuite que chaque paroisse choisit un des hommes les plus propres à la guerre pour aller en campagne dès qu'il serait commandé. Ainsi on voit que cette institution est née de la guerre malheureuse dont la France était alors le théâtre,

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François Ier créa sept légions de six mille hommes, levées chacune dans une province particulière; tous les officiers et soldats devaient être de la province à laquelle la légion appartenait. Plusieurs provinces ne levèrent point leur légion, et cet établissement fut de courte durée. Il paraît que le cardinal de Richelieu avait conçu l'idée d'organiser un corps de soixante mille hommes de réserve permanent; cependant on ne trouve dans l'histoire du règne de Louis XIII qu'une levée de trois mille hommes, demandés à la ville de Paris, et fournis par des enrôlemens volontaires (1).

» Il était réservé à Louis XIV de réaliser cette idée. Il ordonna en 1688 (2) la levée de trente régimens de milices: chaque village fournissait un ou deux hommes armés et équipés; ils étaient enrôlés pour deux ans. Ces régimens, dès leur création, servirent très bien pendant la guerre ; ils furent licenciés à la paix.

» On les rappela en 1701 (3), au nombre de trente-trois mille trois cent quarante-cinq hommes, et on les renvoya dans leurs foyers à la paix d'Utrecht. Cette levée fut faite le sort.

par

En 1719(4) on fit une nouvelle levée, qui fut de vingttrois mille quatre cents hommes, et on les rendit bientôt à leurs familles; mais les dernières guerres du règne de Louis XIV avaient tellement épuisé la population, qu'on fut obligé de faire concourir au tirage qui eut lieu pour cette levée jusqu'aux hommes mariés.

» Ce ne fut qu'en 1726 que l'établissement des milices ac

(1) • Un écrivain fort instruit, le citoyen Servan, auteur de l'article Milice dans l'Encyclopédie méthodique, attribue à ce service rendu par la ville de Paris le privilége qu'elle a toujours conservé d'avoir un régiment de milices particulières, et de le former par des engagemens volontaires. »

(2) « Ordonnance du 29 novembre 1688. »
(3) « Ordonnance du 26 janvier 1701. »
(4)« Ordonnance du 15 janvier 1719. »

quit quelque permanence, et par conséquent c'est de cette époque que date leur véritable institution, toutes les levées antérieures ne pouvant être considérées que comme des opérations commandées par le besoin, et non comme des mesures de prévoyance.

» L'ordonnance du 26 février prescrivit une levée de soixante mille hommes de milice, choisis par le sort sur tous les garçons de seize à quarante ans, et même, à leur défaut, parmi les hommes mariés. Leur engagement devait durer pendant quatre ans, soit qu'on fût en paix, soit qu'on fût en guerre (1).

» En 1742 la force des milices fut augmentée de trente mille hommes, et la durée de l'engagement portée à six ans. » Au commencement de 1743 (2) une nouvelle levée de dix-huit cents hommes fut ordonnée dans la ville de Paris.

» La même année vit une autre levée de trente-six mille hommes (3).

» On voit déjà combien Louis XV profitait d'une institution créée dans les dernières années du règne de son prédécesseur, et combien étaient fréquentes et rapprochées ces demandes de nouveaux contingens, qui en quinze mois s'élevèrent à quatre-vingt mille hommes.

2

» Ce fut en 1745 (4) que le maréchal de Saxe imagina de récompenser le zèle des milices en leur offrant un noble motif d'émulation. Il fit créer, de l'élite des milices, ces régimens de grenadiers royaux qui servirent avec tant de gloire, et qui semblaient annoncer d'avance à l'Europe ce dont était capable une armée de citoyens français.

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Les milices furent licenciées en 1748 (5), rassemblées ensuite momentanément pendant les années suivantes (6), et

(1)« L'ordonnance du 29 janvier 1739 détermina le mode du tirage. Ces soixante mille hommes furent renouvelés, moitié au commencement de 1729, conformément à l'ordonnance du 21 juillet 1728, et moitié à la fin de 1730, d'après l'ordonnance du 12 octobre 1730. »

(2) « Ordonnance du 18 janvier 1743. C'est l'origine du régiment de Paris. A cette époque les milices étaient organisées en cent trois bataillons. »

(3) « L'ordonnance du 10 juillet 1743 prescrivit cette levée, à laquelle il faut remarquer que les hommes mariés, âgés de moins de vingt ans, furent assujettis. L'ordonnance du 15 septembre 1744 détermina l'organisation des bataillons en huit compagnies de fusiliers et une de grenadiers, formant en tout six cent dix hommes. >>

(4) « Ordonnance du 10 avril 1745. On les recruta en 1746 ( ordonnance du 28 janvier); on doubla la force de leurs compagnies, qui étaient de cinquante hommes, par ordonnance du 10 mars suivant. >> (5) « Ordonnance du 6 août 1748. »

(6) « Ordonnances des 5 décembre 1756, 4 novembre 1757, 25 août 1758, 15 août 1760. »

rappelées à l'époque de la guerre de sept ans, qui fut la derniere où elles eurent occasion de se signaler (1).

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» Depuis la paix de 1763 elles restèrent sans activité, furent renouvelées périodiquement par le moyen du tirage au sort, et éprouvèrent quelques changemens dans leur organisation (2), jusqu'en 1775, où un ministre, qui avait plus de caractère que de talent, effaça ces corps précieux du tableau de l'armée (3) de la même main qui venait de supprimer les troupe fastueuses qui composaient la maison du roi.

Le comte de Saint-Germain, eu poursuivant rigoureusement les abus, se laissa entraîner jusqu'à ne voir dans les milices qu'une dépense inutile; cependant il conserva le tirage au sort pour désigner les hommes destinés à marcher en temps de guerre, mais qu'il était défendu d'appeler hors de cette

nécessité.

» Ce licenciement ne dura que trois ans ; les régimens de grenadiers royaux et les bataillons provinciaux furent recréés par l'ordonnance du premier mars 1778, l'une des meilleures du dernier règne. Ces milices formaient un corps de soixantequatorze mille cinq cent cinquante hommes.

» En 1776 on en avait créé un autre, sous le nom de canonniers-gardes-côtes, et cette dénomination désigne leur destination. Leur nombre était de vingt-six mille, et leur enrôlement durait cinq ans.

>> Ainsi, dans les derniers temps de la monarchie, la France avait une réserve de soixante-quatorze mille cinq cent cinquante auxiliaires, un corps de vingt-six mille hommes qui veillait à la sûreté de ses côtes, et une armée active qui aurait dû être d'environ cent soixante-dix mille hommes au complet.

» Les troupes réglées se recrutaient par des engagemens volontaires; les cent mille hommes delmilices par des enrolemens forcés. Un des auteurs qui ont recueilli le plus d'observations intéressantes sur les milices, le chevalier Despommelles, évaluait à six cent mille hommes le nombre des garçons ou veufs sans enfans en état de porter les armes. Cette évaluation serait aujourd'hui au dessous de la vérité, parce que la population

(1) «Elles furent licenciées par l'ordonnance du 20 novembre 1762, qui réforma les grenadiers royaux. »

(2) « Ordonnance du 25 novembre 1763, qui détermina le mode de la levée et organisa les milices en bataillons; des 20 octobre 1766, 27 novembre 1767, 19 novembre 1768;· du 4 août 1771, qui forma de ces bataillons quarante-sept régimens provinciaux et onze régimens de grenadiers royaux; des 17 avril 1772, 7 avril 1773, 19 octobre 1773, 1er décembre 1774. » (3) « Ordonnance du 15 décembre 1775.

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et que

l'on n'admet plus les exemp

de la France s'est accrue, tions très abusives de l'ancien régime, qui rendaient le système des milices extrêmement odieux (1).

>> Sur ce nombre de six cent mille hommes on levait tous

les ans :

» 1°. Pour le recrutement des troupes de ligne, par enrôlement volontaire, environ.

n

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» 2°. Pour le remplacement des milices, fortes de 74,550 hommes, et dont l'engagement durait six ans, un sixième de ce nombre, c'est à dire.

»Et pour le remplacement des pertes éventuelles, environ. .

12,425 h.

3,500

» 3°. Pour le remplacement annuel de 526,000 gardes côtes, dont le service

ans.

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durait cinq
5,200 h.

18,000 h.

} 15,925

}

6,700

1,500
annuel,

40,625 h.

» Ce nombre était à la population, évaluée à 25,000,000 d'habitans, dans le rapport de 1 à 615.

» A la masse de garçons ou veufs en âge de porter les armes, évaluée à 600,000 hommes, comme i est à 15.

» Mais comme sur ces 40,625 recrues il y en avait 18,000 enrôlés volontairement, il s'ensuivait que l'enrôlement forcé se réduisait à 22,625, qui étaient, avec la masse des hommes sujets au tirage, dans la proportion de 1 à 25 ou 26.

Examen des divers systèmes de recrulement par l'Assemblée constituante. (Voyez tomes 1, iv et vii de ce Recueil.)

» L'Assemblée constituante (2) examina les avantages des

(1) « Les ordonnances sur les milices exemptaient de cette contribution les officiers de justice et de finance, et leurs enfans; les employés aux recettes et fermes du roi; les médecins, chirurgiens et apothicaires; les avocats, procureurs, notaires et huissiers; les étudians dans les universités et les colléges, depuis un an au moins; les commerçans et maîtres de métiers dans les villes où il y avait maîtrise; les maitres des postes aux lettres et aux chevaux, et pour ceux-ci un postillon par quatre chevaux; les laboureurs faisant valoir au moins une charrue, et un fils ou domestique à leur choix, s'ils en faisaient valoir deux; les valets servant les ecclésiastiques, officiers ou nobles. » (2) « Son comité militaire était (d'abord) composé des députés Emmery, Wimpfen, Rostaing, d'Egmont, Dubois-Crancé, Bouthilier, Noailles, de Panat, de Flanchslanden, Menou et Mirabeau l'ainé. »

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