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» Le Hanovre est en notre pouvoir; vingt-cinq mille hommes des meilleures troupes ennemies ont posé les armes et sont restés prisonniers de guerre: notre cavalerie s'est remontée aux dépens de la cavalerie ennemie, et une possession chère au roi d'Angleterre est entre nos mains le gage de la justice qu'il sera forcé de nous rendre.

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Chaque jour le despotisme britannique ajoute à ses usurpations sur les mers. Dans la dernière guerre il avait épouvanté les neutres en s'arrogeant, par une prétention inique et révoltante, le droit de déclarer des côtes entières en état de blocus dans cette guerre il vient d'augmenter son code monstrueux du prétendu droit de bloquer des rivières, des fleuves.

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» Si le roi d'Angleterre a juré de continuer la guerre jusqu'à ce qu'il ait réduit la France à ces traités déshonorans que souscrivirent autrefois le malheur et la faiblesse, la guerre sera longue. La France a consenti dans Amiens à des conditions modérées; elle n'en reconnaîtra jamais de moins favorables; elle ne reconnaîtra surtout jamais dans le gouvernement britannique le droit de ne remplir de ses engagemens que ce qui convient aux calculs progressifs de son ambition, le droit d'exiger encore d'autres garanties après la garantie de la foi donnée. Eh! si le traité d'Amiens n'est point exécuté, où se̟ront, pour un traité nouveau une foi plus sainte et des sermens plus sacrés?

» La Louisianne est désormais associée à l'indépendance des Etats-Unis d'Amérique. Nous conservons là des amis que le souvenir d'une commune origine attachera toujours à nos intérêts, et que des relations favorables de commerce uniront longtemps à notre prospérité.

» Les Etats-Unis doivent à la France leur indépendance; ils nous devront désormais leur affermissement et leur grandeur.

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L'Espagne reste neutre.

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» L'Helvétie est rassise sur ses fondemens, et sa constitution n'a subi que les changemens que la marche du temps et des opinions lui a commandés la retraite de nos troupes atteste la sécurité intérieure et la fin de toutes ses divisions. Les anciennes capitulations ont été renouvelées, et la France a retrouvé ses premiers et ses plus fidèles alliés.

» Le calme règne dans l'Italie. Une division de l'armée de la République italienne traverse en ce moment la France pour aller camper avec les nôtres sur les côtes de l'Océan. Ces bataillons y trouveront partout des vestiges de la patience, de la bravoure et des grandes actions de leurs ancêtres.

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L'empire Ottoman, travaillé par des intrigues souter

raines, aura, dans l'intérêt de la France, l'appui que d'antiques liaisons, un traité récent et sa position géographique lui donnent droit de réclamer.

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» La tranquillité, rendue au continent par le traité de Lunéville, est assurée par les derniers actes de la diète de Ratisbonne l'intérêt éclairé des grandes puissances, la fidélité du gouvernement à cultiver avec elles les relations de bienveillance et d'amitié, la justice, l'énergie de la nation et les forces de la République en répondent. »

DISCOURS adressé au premier consul par le président du Corps législatif, Fontanes, à la tête d'une députation chargée de porter des félicitations au gouvernement sur la situation de la République (1). Le 1er plu

viose an 12.

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Citoyen premier consul, le tableau de notre situation intérieure est celui de vos bienfaits.

» Le Corps législatif vous remercie, au nom du peuple français, de tant d'utiles travaux commencés en faveur de l'agriculture et de l'industrie, et que la guerre n'a point interrompus. L'habitude des grandes idées fit négliger quelquefois aux esprits supérieurs les détails de l'administration: la postérité ne vous adressera point ce reproche. La pensée et l'action de votre gouvernement sont partout à la fois, et dans les campagnes, fécondées par ces canaux qu'on achève ou qu'on prépare, et dans les cités, qui s'embellissent de nouveaux monumens, et dans les arsenaux militaires, et dans les ateliers paisibles des arts, et dans les camps, et dans les ports, et dans les asiles où repose la vieillesse de nos guerriers, et dans bes écoles où s'instruit la jeunesse de leurs successeurs, dans les hôpitaux, qui rassemblent toutes les misères humaines, et dans les temples, où elles sont toutes consolées.

et

» Ainsi les fondemens de la société se relèvent en moins de temps qu'ils n'ont été détruits. Des lois sages vont former les

(1) Cette députation avait été nommée le 25 nivose, sur la proposition de Viennot-Vaublanc, faite après la lecture de l'Exposé de la situation de la République; elle fut composée ainsi que le prescrivait T'article 34 du sénatus-consulte du 28 frimaire an 12. Fontanes portait la parole au consul pour la première fois en qualité de président, et pour la seconde comine orateur de députation du Corps législatif. (Nous avons mentionné plus haut, après le sénatus-consulte du 28 frimaire, la nomination de Fontanes à la présidence.)

mœurs ; les mœurs maintiendront les lois; l'autorité des opinions religieuses affermira les lois et les mœurs.

» Tout se perfectionne; les haines s'éteignent, les oppositions s'effacent ; et, sous l'influence victorieuse d'un génie qui entraîne tout, les choses, les systèmes et les hommes qui paraissaient le plus éloignés se rapprochent, se confondent, et servent de concert à la gloire de la patrie. Les habitudes anciennes et les habitudes nouvelles se mettent d'accord: on conserve tout ce qui doit maintenir l'égalité des droits civils et polititiques; on reprend tout ce qui peut accroître la splendeur et la dignité d'un grand empire.

>> Ces bienfaits, citoyen premier consul, sont l'ouvrage de quatre années. Tous les rayons de la gloire nationale, qui pâlissaient depuis cent ans, ont repris un éclat qu'ils n'avaient point eu jusqu'à vous.

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L'appareil de la guerre ne trouble pas cette sécurité que nous vous devons. Votre âme semble avoir passé dans celle de tous les Français : un siècle de gloire peut suivre un moment de danger, et c'est assez pour qu'ils soient invincibles. Je ne sais quel sentiment de confiance et d'audace s'est emparé de la nation, et fait taire les alarmes : ce que le présent a déjà manifesté nous défend de craindre ce que l'avenir nous cache encore; il est permis de tout oser à celui qui sait tout prévoir. » Les sentimens que je vous exprime sont ceux du Corps législatif tout entier; c'est par un mouvement unanime qu'il a voté la députation dont je suis l'interprète.

» Il se félicite d'une nouvelle organisation qui lui permet de communiquer plus immédiatement avec vous. Tour à tour il s'approchera du chef de l'Etat pour les intérêts de la nation, et de la nation pour les intérêts d'un gouvernement digne d'elle. Des formes plus imposantes ne donneraient pas au Corps législatif une dignité qu'il n'aurait point eue par lui-même ; il la doit depuis longtemps à son zèle pour la patrie. C'est par la sécurité générale que peut s'accroître la majesté de ses délibérations: c'est par la prospérité publique que vous préparerez l'amour et le respect des lois sur lesquelles il va délibérer. »

XI.

DU COMPLOT DE GEORGES, PICHEGRU, ETC.

'RAPPORT au premier consul, par le grand juge ministre de la justice (Régnier); communiqué le 27 pluviose an 12 ( 17 février 1804) au Sénat, au Corps législatif et au Tribunat.

Citoyen premier consul, de nouvelles trames ont été ourdies par l'Angleterre; elles l'ont été au milieu de la paix qu'elle avait jurée; et quand elle violait le traité d'Amiens c'était bien moins sur ses forces qu'elle comptait que sur le succès de ses machinations.

» Mais le gouvernement veillait : l'œil de la police suivait tous les pas des agens de l'ennemi; elle comptait les démarches de ceux que son or ou ses intrigues avaient corrompus.

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Déjà sans doute on s'imaginait à Londres entendre l'explosion de cette mine qu'on avait creusée sous nos pas; on y semait du moins les bruits les plus sinistres, et l'on s'y repaissait des plus coupables espérances.

» Tout à coup les artisans de la conspiration sont saisis; les preuves s'accumulent, et elles sont d'une telle force, d'une telle évidence, qu'elles porteront la conviction dans tous les esprits.

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Georges et sa bande d'assassins étaient restés à la solde de l'Angleterre; ses agens parcouraient encore la Vendée, le Morbihan, les côtes du Nord, et y cherchaient en vain des partisans que la modération du gouvernement et des lois leur avait enlevés.

» Pichegru, dévoilé par les événemens qui précédèrent le 18 fructidor an 5, dévoilé surtout par cette correspondance que le général Moreau avait adressée au Directoire, Pichegru avait porté en Angleterre sa haine contre sa patrie.

» En l'an 8 il était avec Willot à la suite des armées ennemies pour se rallier aux brigands du midi.

» En l'an 9 il conspirait avec le comité de Bareuth.

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Depuis la paix d'Amiens il était encore le conseil et l'espoir des ennemis de la France.

»La perfidie britannique associe Georges à Pichegru, l'infâme Georges à ce Pichegru que la France avait estimé, qu'elle avait voulu longtemps croire incapable d'une trahison.

» En l'an 11 une réconciliation criminelle rapproche Pichegru et le général Moreau, deux hommes entre lesquels l'hon

neur devait mettre une haine éternelle. La police saisit à Calais un de leurs agens au moment où il retournait pour la seconde fois en Angleterre : cet homme est sous sa main avec toutes les pièces qui constatent la réalité d'un raccommodement inexplicable alors si les noeuds n'en avaient pas été formés par le crime.

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A l'arrestation de cet agent, le général Moreau paraît un moment agité; il fait des démarches obscures pour s'assurer, si le gouvernement est instruit; mais tout se tait, et lui-même, rendu à sa tranquillité, il tait au gouvernement un événement qui a droit d'alarmer sa surveillance; il le tait lors même que Pichegru est appelé publiquement aux conseils du ministère britannique, lorsqu'il s'unit avec éclat aux ennemis de la France.

» Le gouvernement ne voulait voir dans son silence que la crainte d'un aveu qui l'aurait humilié, comme il n'avait vu dans son éloignement de la chose publique, dans ses liaisons équivoques, dans ses discours plus qu'indiscrets, que de l'humeur et un vain mécontentement.

» Le général Moreau, qui devait être suspect puisqu'il traitait secrètement avec l'ennemi de sa patrie, qui, sur ce soupçon plus que légitime, eût été arrêté à toute autre époque, jouissait tranquillement de ses honneurs, d'une fortune immense, et des bienfaits de la République. Cependant les événemens se pressent: Lajollais, l'ami, le confident de Pichegru, va furtivement de Paris à Londres, revient de Londres à Paris, porte à Pichegru les pensées du général Moreau, rapporte au général Moreau les pensées et les desseins de Pichegru et de ses associés. Les brigands de Georges préparent dans Paris même tout ce qui est nécessaire à l'exécution des projets

communs.

>> Un lieu est assigné entre Dieppe et Tréport, loin de toute inquiétude et de toute surveillance; où les brigands de l'Angleterre, conduits par des vaisseaux de guerre anglais, débarquent sans être aperçus; où ils trouvent des hommes corrompus pour les recevoir, des hommes payés pour les guider pendant la nuit de stations en stations convenues, et les amener jusqu'à Paris.

» A Paris des asiles leur sont ménagés dans des maisons louées d'avance, où sont des gardiens affidés; ils en ont dans plusieurs quartiers, dans plusieurs rues; à Chaillot, dans la rue du Bac, dans le faubourg Saint-Marceau, dans le Marais. » Un premier débarquement s'est opéré; c'était Georges avec huit de ses brigands.

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Georges retourne sur les côtes pour assister au débarque

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