Page images
PDF
EPUB

procuré ces avantages serait aussi intéressé à les conserver, et que celui-ci voudra risquer de détruire la première base de son existence? Il est impossible de le présumer; comment peut-on donc méconnaître le véritable objet de notre vœu ?

[ocr errors]

Mais, dit-on, l'unité et l'hérédité du gouvernement ne sont rien moins qu'un gage de stabilité, car l'empire romain dura moins que la République. Cette assertion, en ce qui regarde l'unité, est un paradoxe qui n'a pas besoin d'être réfuté; car c'est une vérité généralement reconnue, et constatée par l'expérience de tous les temps, qu'un gouvernement est d'autant plus fort qu'il est plus concentré, et que sa stabilité dépend principalement de sa force. Quant à ce qui concerne l'hérédité, il était difficile de choisir un exemple plus favorable au système que nous défendons; car il est évident que la faiblesse et l'instabilité du gouvernement, sous les empereurs romains, tenaient surtout à ce que cette dignité était élective, et à ce que le mode de succession à l'autorité suprême était une source continuelle de révolutions qui entretenaient sans cesse l'inquiétude dans l'âme des gouvernans, et qui favorisaient toutes les entreprises ambitieuses qu'on voulait former contre eux. On sait que ce fut la politique ambitieuse de Stilicon qui, dans l'espérance de s'emparer du trône que se partageaient les fils de Théodose, provoqua, ou du moins favorisa l'irruption des barbares dans la Gaule, où ils accablèrent la puissance romaine, qui depuis cette époque tomba en décadence jusqu'à sa ruine définitive.

» Nous nous serions abstenus de ces détails s'ils n'eussent été nécessaires pour détruire une assertion fondée sur des faits d'où dérivent évidemment des conséquences contraires à celles que notre collègue en a tirées.

» Il est d'ailleurs incontestable que le système de l'unité et de l'hérédité du pouvoir exécutif est dans le vœu de la nation, bien moins encore à raison de l'habitude que par la conviction de préexcellence qui résulte, en faveur de ce système, de l'antiquité à laquelle il remonte. Ce fut, comme on l'a déjà dit, le vœu de l'Assemblée constituante, composée de tant d'hommes recommandables par leurs lumières et leur patriotisme, auxquels on ne reprochera pas sans doute d'avoir manqué d'idées libérales, puisqu'ils proclamèrent les premiers le principe inaliénable de la souveraineté du peuple, l'égalité de tous aux yeux de la loi, l'affranchissement des personnes et des propriétés en un mot l'abolition entière du régime féodal. C'était aussi le vœu de tous les amis de la révolution en 1789; et quoique plusieurs d'entre eux eussent pu être séduits par les avantages apparens d'un gouvernement démocratique, ils étaient trop éclairés pour vouloir faire un essai dont ils prévoyaient les dan

[ocr errors]

gers et l'inutilité chez une nation comme la nôtre. Nous ne faisous donc qu'exprimer le désir bien réfléchi et bien prononcé de tout ce qu'il y a d'hommes éclairés dans la République moins quelques fanatiques partisans d'une démocratie qui ne peut nous convenir, ou d'une dynastie que nous avons rejetée. Si, après avoir démontré que l'unité et l'hérédité du gouvernement sont nécessaires à la tranquillité de l'Etat, et l'objet des vœux de tous les Français, nous examinons ses avantages relativement à notre situation politique actuelle dans l'intérieur et à l'égard des puissances étrangères, nous verrons que sous ce double rapport l'établissement en est encore commandé par l'intérêt de tous. Dans l'intérieur il est bien peu de Français dont le sort ne soit lié plus ou moins directement avec l'ordre de choses actuel, soit par la part qu'ils ont prise à son établissement, soit par l'acquisition ou l'héritage de domaines ci-devant nationaux. Si vous consolidez cet ordre de choses de la manière qui est la seule efficace, vous dissipez toutes les craintes, vous fixez toutes les incertitudes, vous réunissez à l'intérêt commun tous les esprits, auxquels il ne restera plus d'autres espérances.

:

» A l'égard des puissances étrangères, vous mettez la forme de votre gouvernement en harmonie avec celle qu'elles ont adoptée; vous n'êtes plus pour elles un sujet d'inquiétude continuelle elles ne peuvent voir qu'avec satisfaction tarir une source d'agitations intestines dans une grande nation qui, à raison de son influence nécessaire dans le système politique de l'Europe, ne peut guère être ébranlée sans que les autres états ne s'en ressentent. Vous changez en système de bienveillance pour votre gouvernement ce sentiment de défiance dont les gouvernemens d'une autre nature ne peuvent se défendre envers lui, quelque estime qu'ils aient d'ailleurs pour son chef; ainsi vous faites cesser un état secret, mais réellement permanent de préventions contre la France, et vous détruisez peutêtre la cause éventuelle de plusieurs guerres sanglantes.

Après tant et de si grandes considérations, citoyens tribuns, pouvons-nous hésiter à nous rendre l'interprète du vœu du peuple français en votant l'établissement d'une nouvelle dynastie? Non, sans doute; et déjà vous auriez peut-être à vous reprocher d'avoir trop différé, si vous n'aviez dû mettre dans votre délibération toute la maturité qu'exige un sujet d'un si grand intérêt.

» Nous avons dit l'établissement d'une nouvelle dynastie; car nous n'imaginons pas qu'il existe un seul Français assez ennemi de la gloire et du bonheur de son pays pour vouloir y rappeler, avec les membres de cette famille dégénérée qui a

laissé tomber le sceptre de ses mains, l'esprit de vengeance et de proscription qui les anime; ils ont rompu tous les liens qui les unissaient à la France; ils ont soulevé contre elle toutes les puissances de l'Europe; ils ont allumé les torches de la guerre civile. Et ces mêmes hommes, qui n'avaient pas osé se mettre à la tête de leurs partisans lorsqu'il s'agissait de les rétablir sur le trône d'où ils étaient tombés, viennent d'offrir leurs bras à l'Angleterre, maintenant qu'il s'agit de venger l'honneur de la nation française, outragée par la violation de la foi des traités! Ainsi ils n'ont de courage que lorsqu'ils espèrent pouvoir livrer le sort de leur patrie à la merci de son plus cruel ennemi, et ils aspirent bien moins à l'honneur de la gouverner qu'à l'horrible satisfaction de la déchirer. Mais qu'ai-je dit, leur patrie! non, ils n'en ont plus; du moment où ils se sont déclarés ses ennemis, ils l'ont perdue sans retour! Qu'ils renoncent donc à l'odieux espoir d'y venir exercer leurs vengeances!

» Assez et trop longtemps les Français ont été divisés par les passions haineuses et l'esprit de parti; éloignons désormais tout ce qui pourrait les réveiller parmi nous. Livrons nos cœurs aux sentimens doux et généreux qui nous pressent : ce sont ceux de l'affection, de la reconnaissance publique et de l'honneur national qui nous désignent, comme le seul digne de verner la France et d'être le chef de la dynastie que la nation veut créer, le héros qui l'a illustrée par ses exploits, qui l'a sauvée des horreurs de l'anarchie, et qui l'a fait jouir enfin des douceurs d'une sage liberté.

gou

» En recevant de la nation, qui dispense tous les pouvoirs, le dépôt de l'autorité suprême héréditaire dans sa famille, qu'il reçoive aussi le titre le plus analogue à sa gloire militaire et à la grandeur du peuple qui lui a confié ses destinées! Qu'il soit proclamé empereur de la République française !

>>

Jamais création d'une dynastie ne fut faite en faveur d'un guerrier plus grand par ses exploits, ni d'une famille qui offrit plus d'espérances. Aux grands souvenirs des victoires de Rivoli, d'Arcole et de Marengo, se joignent ceux des services rendus à la patrie par le sage négociateur de Lunéville et d'Amiens, et par l'éloquent président du Conseil des Cinq Cents au 18 brumaire. Que de motifs de sécurité dans la concession solennelle qu'elle va faire ! Une administration dont la sagesse est éprouvée depuis quatre ans ; l'usage modéré d'une grande autorité, dont le premier consul n'abusa jamais; le rétablissede l'ordre le plus exact dans les finances; le respect le plus constant pour les principes de la souveraineté du peuple et pour la liberté civile; tout nous garantit, de la part du magistrat que nos vœux appellent à la première dignité de l'univers, le

gouvernement le plus propre à faire la gloire et le bonheur de la France.

» Sous son empire la nation sera libre et tranquille; les magistrats, toujours dignes de la confiance publique, pourront se livrer à l'exercice de leurs fonctions sans inquiétude pour la stabilité de leur état; les acquéreurs de domaines nationaux ne craindront point d'être dépouillés de leurs propriétés; les défenseurs de la patrie recevront les honneurs et les récompenses dus à leurs services; ils ne seront point exposés à se voir déchus des grades qu'ils ont acquis au prix de leur sang et par de glorieux exploits; tous les citoyens, quelles qu'aient été jusqu'ici leurs opinions et leur conduite politiques, vivront en paix sous la protection des lois, et la carrière de toutes les dignités civiles et militaires sera ouverte à tous les Français sans autre distinction que celle de leurs talens et de leurs vertus. Quel autre gouvernement que celui que nous allons consolider pourrait nous offrir les mêmes garanties? Quel est le Français. qui pourrait ne pas donner son assentiment à une institution qui nous assure tant d'avantages?

» Hâtons-nous donc, citoyens tribuns, de consacrer de la manière la plus authentique l'adhésion que nous avons déjà donnée individuellement au vou dont l'émission vous a été proposée ! N'attendons pas que l'armée, dans un mouvement d'enthousiasme bien légitime pour le chef auguste qui va bientôt la mener à de nouvelles victoires, nous devance en l'élevant sur le bouclier! Qu'il reçoive du vœu calme et réfléchi de la nation entière la dignité héréditaire d'empereur de la République, et qu'il soit déjà revêtu de la pourpre impériale lorsqu'il ira montrer à l'Angleterre le héros et le vengeur de la France!

» Voici le projet d'arrêté que votre commission m'a chargé de vous présenter:

[ocr errors]

» Le Tribunat, considérant qu'à l'époque de la révolution » où la volonté nationale put se manifester avec le plus de liberté, le vœu général se prononça pour l'unité individuelle » dans le pouvoir suprême, et pour l'hérédité de ce pouvoir; » Que la famille des Bourbons, ayant par sa conduite rendu » le gouvernement héréditaire odieux au peuple, en fit ou» blier les avantages, et força la nation à chercher une des» tinée plus heureuse dans le gouvernement démocratique ; Que la France, ayant éprouvé les divers modes de ce gou» vernement, ne recueillit de ces essais que les fléaux de l'a>> narchie;

[ocr errors]
[ocr errors]

Que l'Etat était dans le plus grand péril lorsque Bona

parte, ramené par la providence, parut tout à coup pour

» le sauver;

>>

Que sous le gouvernement d'un seul la France a recouvré » au dedans la tranquillité, et acquis au dehors le plus haut » degré de considération et de gloire;

>>

Que les complots formés par la maison de Bourbon, de >> concert avec un ministère implacable ennemi de la France, » l'ont avertie du danger qui la menace, si, venant à perdre » Bonaparte, elle restait exposée aux agitations inséparables » d'une élection;

[ocr errors]

Que le consulat à vie, et le droit accordé au premier con» sul de désigner son successeur, ne sont pas suffisans pour prévenir les intrigues intérieures et étrangères qui ne manqueraient pas de se former lors de la vacance de la magis»trature suprême;

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

Qu'en déclarant l'hérédité de cette magistrature on se » conforme à la fois à l'exemple de tous les grands états an»ciens et modernes, et au premier voeu que la nation exprima >> en 1789;

[ocr errors]

Qu'éclairée par l'expérience, elle revient à ce vœu plus » fortement que jamais, et le fait éclater de toutes parts; Qu'on a toujours vu dans toutes les mutations politiques » les peuples placer le pouvoir suprême dans la famille de ceux auxquels ils devaient leur salut;

[ocr errors]
[ocr errors][ocr errors]

»

[ocr errors]

Que quand la France réclame pour sa sûreté un chef héréditaire, sa reconnaissance et son affection appellent Bonaparte;

[ocr errors]

Que la France conservera tous les avantages de la révolution par le choix d'une dynastie aussi intéressée à les main» tenir que l'ancienne le serait à les détruire ;

[ocr errors]
[ocr errors]

>>

Que la France doit attendre de la famille de Bonaparte, plus que d'aucune autre, le maintien des droits et de la » liberté du peuple qui la choisit, et toutes les institutions » propres à les garantir;

[ocr errors]

Qu'enfin il n'est point de titre plus convenable à la gloire » de Bonaparte et à la dignité du chef suprême de la nation française que le titre d'empereur;

[ocr errors][ocr errors]

» Le Tribunat, exerçant le droit qui lui est attribué par l'arde la Constitution, émet le vœu :

ticle

29

» 1°. Que Napoléon Bonaparte, premier consul, soit pro»clamé empereur des Français, et en cette qualité chargé » du gouvernement de la République française;

נג

» 2°. Que le titre d'empereur et le pouvoir impérial soient » héréditaires dans sa famille de måle en mâle, et par ordre » de primogéniture;

« PreviousContinue »