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toraux ne pouvant être résolues qu'avec l'intervention du Sénat, le vœu du peuple ne sera jamais méconnu.

» Les listes des candidats que ces colléges choisissent étant souvent renouvelées, l'une des plus belles portions de la souveraineté du peuple sera fréquemment exercée.

» Les membres du Corps législatif, rééligibles sans intervalle, seront, s'il est possible, des organes plus fidèles de la volonté nationale; les discussions auxquelles ils se livreront, et leurs communications plus grandes avec le Tribunat, éclaireront de plus en plus les objets soumis à leur approbation; et une plus longue durée des fonctions des tribuns ajoutera à leur expérience dans les affaires.

» Une haute-cour, garante des prérogatives nationales confiées aux grandes autorités, de la sûreté de l'Etat et de celle des citoyens, formera un tribunal véritablement indépendant et auguste, consacré à la justice et à la patrie.

Son siége tutélaire et retoutable sera dans cette enceinte. >> Les conservateurs du pacte social, les dépositaires des lois civiles Ꭹ rassureront l'innocence en faisant trembler le crime, qu'aucun asile ne pourra dérober à la puissance de la nation.

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L'aréopage d'Athènes jugeait au milieu des ombres de la nuit; c'était un emblème de l'impartiale équité. La France aura la réalité de cette image.

» La haute-cour, placée au sommet de l'Etat, n'apercevra ni les intérêts privés ni les affections particulières, que la distance fera disparaître.

» Elle ne verra que la République et la loi.

» Elle assurera la responsabilité des grands fonctionnaires, de ceux particulièrement qu'un grand éloignement de la métropole pourrait soustraire à la crainte de la vengeance des lois.

» Elle assurera surtout la responsabilité des ministres, cetle responsabilité sans laquelle la liberté n'est qu'un fantôme derrière lequel se cache le despotisme..

» Enfin le sénatus-consulte organique rend l'hommage le plus éclatant à la souveraineté nationale.

» Il détermine que le peuple prononcera lui-même sur la proposition d'établir l'hérédité impériale dans la famille de NAPOLEON BOnaparte.

» Il fait plus, et je prie qu'on soit attentif à cette observation, il consacre et fortifie, par de sages institutions, le gouvernement que la nation française a voulu dans les plus beaux jours de la révolution, et lorsqu'elle a manifesté sa volonté avec le plus d'éclat, de force et de grandeur.

>> La commission a donc pensé, à l'unanimité, qu'elle devait

proposer au Sénat d'adopter le projet de sénatus-consulte qui lui a été présenté.

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Que Napoléon Bonaparte soit empereur des Français ! » Et puisse-t-il faire le bonheur de nos arrière-neveux, comme il fera à jamais l'admiration de la postérité!

>> Ce sentiment nous amène à l'expression de la reconnaissance publique envers les deux consuls, qui, pendant tout le cours de leur haute magistrature, n'ont cessé de bien mériter de la patrie, et que l'estime du Sénat suivra dans tous les rangs où le bien de l'Etat les portera.

Mais, citoyens sénateurs, lorsque vous aurez adopté le projet de sénatus-consulte qui vous est présenté, il vous restera encore un grand devoir à remplir envers la patrie.

» Le peuple sera consulté sur la proposition de l'hérédité de la dignité impériale dans la famille de Napoléon Bonaparte. » Nous attendrons avec respect sa décision souveraine sur cette importante proposition.

» Mais c'est par le sénatus-consulte organique qui vous est soumis que la dignité consulaire est changée en dignité impériale pour Napoléon, et pour le successeur que les constitutions actuelles de la République lui donnent le droit de pré

senter.

» A l'instant où vous aurez imprimé le sceau de votre autorité au sénatus-consulte, Napoléon est empereur des Français.

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Hâtez-vous de satisfaire la juste impatience des citoyens des magistrats, de l'armée, de la flotte, de la France entière ! » Donnez le signal qu'on vous demande de toutes párts, et qu'une démarche solennelle proclame l'empereur!

>> Votre commission a donc l'honneur de vous proposer, l'unanimité :

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» Premièrement d'adopter le projet de sénatus-consulte organique présenté par les orateurs du gouvernement;

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» Secondement de rendre le décret suivant :

» Le Sénat en corps présentera, immédiatement après sa séance, le sénatus-consulte organique de ce jour à Napoléon Bonaparte, empereur des Français.

«Le président du Sénat, Cambacérès, portera la parole.»

(« Le Sénat, sur ce rapport, a dans la même séance adopté le projet de sénatus-consulte organique.

» Il a pareillement adopté le projet de décret proposé par sa

commission.

» En conséquence de ce décret, le Sénat en corps s'est mis en marche pour Saint-Cloud immédiatement après la fin de sa

scance. Le cortége était accompagné de différens corps de ca

valerie.

» Le Sénat, à son arrivée, a été admis à l'audience de l'empereur. » — Procès-verbal.)

DISCOURS prononcé par le second consul, président du Sénat, Cambacérès, en remettant au premier consul le sénatus-consulte organique du 28 floréal an 12. — (Le même jour à Saint-Cloud.)

་་

Sire, le décret que le Sénat vient de rendre, et qu'il s'empresse de présenter à Votre Majesté impériale, n'est que l'expression authentique d'une volonté déjà manifestée par la na

tion.

» Ce décret, qui vous défère un nouveau titre, et qui après vous en assure l'hérédité à votre race, n'ajoute rien ni à votre gloire ni à vos droits.

» L'amour et la reconnaissance du peuple français ont depuis quatre années confié à Votre Majesté les rênes du gouvernement, et les Constitutions de l'Etat se reposaient déjà sur vous du choix d'un successeur.

» La dénomination plus imposante qui vous est décernée n'est donc qu'un tribut que la nation paie à sa propre dignité, et au besoin qu'elle sent de vous donner chaque jour des témoignages d'un respect et d'un attachement que chaque jour voit augmenter.

» Eh! comment le peuple français pourrait-il trouver des bornes pour sa reconnaissance, lorsque vous n'en mettez aucune à vos soins et à votre sollicitude pour lui?

» Comment pourrait-il, conservant le souvenir des maux qu'il a soufferts lorsqu'il fut livré à lui-même, penser sans enthousiasme au bonheur qu'il éprouve depuis que la providence lui a inspiré de se jeter dans vos bras!

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Les armées étaient vaincues, les finances en désordre, le crédit public anéanti; les factions se disputaient les restes de notre antique splendeur; les idées de religion et même de morale s'étaient obscurcies'; l'habitude de donner et de reprendre le pouvoir laissait les magistrats sans considération, et même avait rendu odieuse toute espèce d'autorité.

» Votre Majesté a paru. Elle a rappelé la victoire sous nos drapeaux ; elle a établi la règle et l'économie dans les dépenses publiques: la nation, rassurée par l'usage que vous en avez su faire, a repris confiance dans ses propres ressources : votre sagesse a calmé la fureur des partis; la religion a vu relever ses autels; les notions du juste et de l'injuste se sont réveillées

dans l'âme des citoyens quand on a vu la peine suivre le crime, et d'honorables distinctions récompenser et signaler les

vertus.

>> Enfin, et c'est là sans doute le plus grand des miracles opérés par votre génie, ce peuple, que l'effervescence civile avait rendu indocile à toute contrainte, ennemi de toute autorité, vous avez su lui faire chérir et respecter un pouvoir qui ne s'exerçait que pour sa gloire et son repos.

» Le peuple français ne prétend point s'ériger en juge des constitutions des autres états.

» Il n'a point de critiques à faire, point d'exemples à suivre; l'expérience désormais devient sa leçon.

» Il a pendant des siècles goûté les avantages attachés à l'hérédité du pouvoir.

» Il a fait une épreuve courte, mais pénible, du système

contraire.

» Il rentre, par l'effet d'une délibération libre et réfléchie, dans un sentier conforme à son génie.

I use librement de ses droits pour déléguer à Votre Majesté impériale une puissance que son intérêt lui défend d'exercer par lui-même.

» Il stipule pour les générations à venir, et, par un pacte solennel, il confie le bonheur de ses neveux à des rejetons de

votre race.

» Ceux-ci imiteront vos vertus.

» Ceux-là hériteront de notre amour et de notre fidélité. >> Heureuse la nation qui, après tant de troubles et d'incertitudes, trouve dans son sein un homme digne d'apaiser la tempête des passions, de concilier tous les intérêts, et de réunir toutes les voix !

» Heureux le prince qui tient son pouvoir de la volonté, de la confiance et de l'affection des citoyens!

» S'il est dans les principes de notre Constitution, et déjà plusieurs exemples semblables ont été donnés, de soumettre à la sanction du peuple la partie du décret qui concerne l'établissement d'un gouvernement héréditaire, le Sénat a pensé qu'il devait supplier Votre Majesté impériale d'agréer que les dispositions organiques reçussent immédiatement leur exécution; et, pour la gloire comme pour le bonheur de la République, il proclame à l'instant même Napoléon empereur des Français. »

( « L'EMPEREUR a répondu en ces termes : » )

« Tout ce qui peut contribuer au bien de la patrie est essentiellement lié à mon bonheur.

» J'accepte le titre que vous croyez utile à la gloire de la

>> nation.

» Je soumets à la sanction du peuple la loi de l'hérédité. J'espère que la France ne se repentira jamais des honneurs » dont elle environnera ma famille.

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>> Dans tous les cas, mon esprit ne sera plus avec ma pos» térité le jour où elle cesserait de mériter l'amour et la con» fiance de la grande nation. »

( « Le Sénat a été ensuite admis à l'audience de Sa Majesté l'impératrice. Le consul Cambacérès, président, lui a dit : » )

«

Madame, nous venons de présenter à votre auguste époux le décret qui lui donne le titre d'empereur, et qui, établissant dans sa famille le gouvernement héréditaire, associe les races futures au bonheur de la génération présente.

» Il reste au Sénat un devoir bien doux à remplir, celui d'offrir à Votre Majesté impériale l'hommage de son respect, et l'expression de la gratitude des Français.

que

» Oui, Madame, la renommée publie le bien que vous ne cessez de faire; elle dit que, toujours accessible aux malheureux vous n'usez de votre crédit auprès du chef de l'Etat pour soulager leur infortune, et qu'au plaisir d'obliger Votre Majesté ajoute cette délicatesse aimable qui rend la reconnaissance plus douce, et le bienfait plus précieux.

» Cette disposition présage que le nom de l'impératrice Joséphine sera le signal de la consolation et de l'espérance; et, comme les vertus de Napoléon serviront toujours d'exemple à ses successeurs pour leur apprendre l'art de gouverner les nations, la mémoire vivante de votre bonté apprendra à leurs augustes compagnes que le soin de sécher les larmes 'est le moyen le plus sûr de régner sur tous les cœurs.

» Le Sénat se félicite de saluer le premier Votre Majesté impériale; et celui qui a l'honneur d'être son organe ose espérer que vous daignerez le compter au nombre de vos plus fidèles serviteurs. »

« LETTRE de Sa Majesté impériale aux consuls Cambacérès et Lebrun.» (Remise à Saint-Cloud le méme jour. )

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Citoyen consul Cambacérès (Lebrun), votre titre va changer; vos fonctions et ma confiance restent les mêmes. Dans la haute dignité d'archi-chancelier de l'Empire (d'architrésorier) dont vous allez être revêtu, vous manifesterez, comme vous l'avez fait dans celle de consul, la sagesse de vos conseils et les talens distingués qui vous ont acquis une part aussi importante dans tout ce que je puis avoir fait de bien.

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