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avait fait courir aux armes. Enfin le nombre des congés fut tel, que beaucoup de corps se trouvèrent réduits à leurs cadres; encore ceux-ci n'étaient-ils pas complets. L'armée remise sur le pied de paix, le premier consul retira à M. Carnot le portefeuille de la guerre, qu'il confia au général Berthier.

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CHAPITRE XXI.

Paix de Lunéville.

État de l'Europe.

Négociations

avec l'Angleterre.

LA paix de Lunéville avait contrarié au dernier point les projets de M. Pitt, qui était alors premier ministre d'Angleterre. Il avait déclaré hautement qu'il fallait faire la guerre à la France jusqu'à extinction, et il venait de voir échapper le seul allié qui lui restât. Il entrevit donc qu'à moins de renouer une coalition générale, il fallait se résoudre à voir aussi l'Angleterre conclure sa paix avec la république française.

L'empereur Paul régnait en Russie; il avait manifesté l'intention de se rapprocher de la France, et le premier consul avait été au-devant de ces heureuses dispositions qui furent bientôt suivies d'un traité de paix.

La Prusse était inébranlable dans le système de neutralité qu'elle observait depuis la paix de Bâle.

L'Autriche venait, à la suite d'une lutte malheureuse, de déposer les armes.

L'Espagne était encore engourdie dans ses

vieilles habitudes, et tout à la dévotion de la France.

L'Italie entière était au premier consul.

La Hollande était liée à la France par sa politique et sa révolution.

Les autres petites puissances d'Allemagne n'avaient pas encore l'importance militaire qu'elles ont acquise dans la suite.

Dans cet état de choses, M. Pitt se trouvait seul pour soutenir la guerre; aussi quitta-t-il le ministère, lorsqu'il eut reconnu, pour l'Angleterre, la nécessité de faire la paix.

Mais en s'éloignant des affaires, il se fit donner pour successeur M. Addington, dont tous les sentimens lui appartenaient. Les noms étaient changés; mais les vues, les maximes restaient les mêmes. On cédait à la nécessité; on souscrivait une trève avec la résolution bien réfléchie de ne la laisser durer que le temps nécessaire pour renouer une coalition générale contre la France que l'on redoutait, que l'on peignait comme d'autant plus dangereuse pour la sécurité commune, qu'elle avait remis le soin de défendre les intérêts que la révolution avait créés aux mains du premier consul. Le ministère des affaires étrangères de France était, à cette époque, rempli par M. de Talleyrand, homme de beaucoup d'esprit sans nul doute, mais qui, dans

cette circonstance, fut tout-à-fait dupe de ses antagonistes, et resta au-dessous de sa réputation d'habileté. J'ai souvent entendu le premier consul témoigner son étonnement de n'avoir rien appris par son ministre lors de la rupture du traité d'Amiens, et de la coalition qui ne tarda pas à en être la suite, surtout lorsqu'il eut reconnu que cette coalition ne s'était point formée sans une multitude de démarches particulières dont son ministère aurait dû être informé.

Je reviens aux ouvertures du nouveau ministère anglais. Celui auquel il succédait avait donné ordre de poursuivre et de capturer les bateaux pêcheurs. Cette mesure, qui n'avait d'autre but que d'accroître gratuitement les maux de la guerre, était contraire à tous les usages.

M. Otto prévint le cabinet anglais que sa présence était désormais inutile, qu'il ne lui restait qu'à quitter un pays où l'on abjurait toutes les dispositions à la paix, où les lois, les usages de la guerre étaient violés et méconnus. La mesure dont il se plaignait fut aussitôt révoquée. Lord Hawkesbury le prévint en même temps que le roi était prêt à renouer les négociations qui avaient été rompues, que son souverain était disposé à envoyer un ministre plénipotentiaire

à Paris.

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Le premier consul, dont les dispositions étaient toujours les mêmes, accueillit vivement l'ouverture; mais, convaincu qu'une négociation d'apparat n'était pas la voie la plus expéditive pour résoudre une question difficile qu'avaient encore compliquée huit années de guerre, il proposa ou de suspendre de suite les hostilités, ou même d'arrêter sur-le-champ les articles préliminaires de la pacification. Le ministère anglais accepta le dernier de ces deux moyens, mais il essaya de mettre en avant toutes les prétentions qu'il avait affichées. Les événemens qui venaient d'avoir lieu dans le nord de l'Europe, le passage de la flotte anglaise au Sund, la mort inattendue de Paul Ier, lui donnaient de la confiance; il proposa des conditions inadmissibles. Le premier consul les repoussa en prévenant le cabinet britannique qu'il désirait la paix, mais qu'il ne la signerait néanmoins qu'autant qu'elle serait honorable, et basée sur un juste équilibre dans les différentes parties du monde; qu'il ne pouvait laisser aux mains de l'Angleterre, des pays et des établissemens d'un poids aussi considérable dans la balance de l'Europe que ceux qu'elle voulait retenir. Il reconnaissait toutefois que les grands événemens survenus en Europe et les changemens arrivés dans les limites des grands. États du continent pouvaient autoriser une partie

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