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1793 repoussent la loi religieuse de la cité. Depuis la publication de ces lois, les canons n'ont plus eu de force que dans l'église. Vainement on invoquerait aujourd'hui l'article 6 de la loi du 18 germinal an 10 : « Les cas d'abus sont l'infraction « des règles consacrées par les canons reçus en « France. » Cet article ne saurait s'appliquer au citoyen qui fut prêtre, mais qui ne l'est plus. On conçoit qu'on s'en fasse une arme contre celui qui veut réunir dans la même main l'anneau conjugal et l'encensoir; mais on ne comprend pas comment il pourrait y avoir abus de la part d'un homme redevenu simple citoyen. Otez le ministère religieux, le cas d'abus n'est plus possible. Il y aura, si l'on veut, violation du canon si quis dixerit regulares castitatem, etc......, comme il y a violation des canons, cum igitur, etc... æqualiter sanè, etc.... et de affinitate nullum, etc...., lorsque des parens ou alliés au degré prohibé par ces canons contractent mariage ensemble. Cette infraction de la loi de l'église pourra être un péché, elle ne sera certainement pas un cas d'abus, et ne pourra conséquemment recevoir l'application de l'article 6.

On ne saurait s'appuyer davantage sur les lettres peu conséquentes ou peu honorables de Portalis. Elles n'ont d'ailleurs d'autre valeur que celle d'une opinion privée. Ce n'est pas par des circulaires ministérielles qu'on fait ou qu'on défait des lois.

Jusqu'à la Charte il n'existe donc aucune dis

position légale qui sanctionne les canons de l'église et s'en empare. La trouvera-t-on dans ce pacte de liberté? Serait-il vrai que la reconnaissance de la religion catholique pour la religion de l'état eût érigé les canons en lois civiles? Non vraiment ; car il n'est pas plus possible de concilier la liberté religieuse avec l'obligation de se conformer aux préceptes d'une croyance quelconque, que l'obligation d'obéir à la loi avec le droit d'enfreindre ses défenses.

Si ces canons sont, ainsi qu'on l'a prétendu (r), des lois de l'état, ils sont obligatoires pour tous les membres de l'état, quelle que soit leur croyance; l'article 5 de la Charte est violé. Si on veut que ces prétendues lois de l'état ne soient telles que pour les catholiques; comme les catholiques peuvent cesser de l'être quand ils le trouvent bon, ces lois ne sont obligatoires pour personne. Je le demande, alors, qu'est-ce qu'une loi de l'état que chacun dans l'état peut enfreindre, qui n'a de force pour contraindre que celle que lui accorde ceux qu'elle régit.

Il faut donc décider que la liberté n'existe pour personne en France, ou tout au moins pour aucun catholique, ou se résoudre à ne plus voir dans les canons de l'église que des commandemens spirituels qui n'obligent que de la même manière que

(1) V. arrêt à la Cour royale de Paris du 28 mai 1818, jugement du tribunal de la Seine du 15 juin 1828, et arrêt confirmatif de la Cour royale de Paris du 27 décembre 1828.

la religion catholique elle-même, qu'il est libre à chacun d'admettre ou de rejeter.

C'est une vérité à laquelle le gouvernement, dans sa plus grande ferveur catholique, a été forcé de rendre hommage. A-t-il voulu satisfaire aux canons de l'église qui ordonnent la sanctification du dimanche et des jours de fêtes, il a demandé une loi aux chambres. A-t-il voulu fortifier l'anathème lancé par l'église contre le sacrilége et si cruellement réfléchi dans les anciennes ordonnances de nos rois, il a, pendant deux années, sollicité la piété des chambres. Pourquoi aurait-on à grand'peine arraché une loi nouvelle, si l'ancienne eût encore été en vigueur? Disons-le donc avec M. Toullier (1), il n'existe aucune loi prohibitive du mariage des prêtres catholiques, et tant qu'il en sera ainsi leur union sera légitime, rien ne devra les empêcher de la former.

(1) Tome 1er, p. 470.

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DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE DANS SES RAPPORTS AVEC L'ÉTAT.

CHAPITRE PREMIER.

D'une religion de l'état.

De toutes les conséquences que j'ai précédemment déduites du principe de la liberté religieuse, il n'en est aucune qui ne touche à l'état par quelque point, mais c'est indirectement et à l'occasion des membres de la cité ou des églises. Il en est d'autres qui le concernent principalement, qui lui sont personnelles en quelque façon, et qu'il est indispensable de bien fixer parce qu'elles sont comme la clé de la voute. Ce sont elles qui font l'objet de cette dernière partie. La plus importante de ces conséquences, sans contredit, celle qui fixe d'abord l'attention, c'est la défense pour l'état de se choisir une religion en propre, soit pour l'imposer à ses sujets, soit seulement pour lui rendre hommage..

L'état est un ètre collectif dans lequel viennent

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