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catholique? N'est-ce pas déchirer la Charte?

Mais, dit-on, c'est seulement pour ajouter à la pompe et à l'éclat de la procession qu'on l'y appelle; on n'exige de lui aucune croyance. C'est-àdire qu'on fait si peu de cas de sa conscience qu'on l'oublie; on le transforme en un instrument de parade et de décoration; on le retient pour son uniforme, on le traite comme une tapisserie. Si l'on n'attache pas d'importance à ses actions, il n'est pas probable qu'il s'estime si peu qu'il consente à être traité comme un automate, à séparer toute moralité de ses actes, et se soumette sans douleur à des pratiques que sa croyance réprouve. Qu'il s'y refuse donc! la Charte lui en assure le droit, et le Code pénal défend qu'on le contraigne, soit par menace, soit par violence, à l'exercice d'un culte quelconque (1).

Aussi, malgré l'opinion contraire que semble professer M.Favard de Langlade (2), je n'hésite pas à croire abrogé le décret du 24 messidor an XII qui règle les honneurs militaires que l'on doit au SaintSacrement. A mon sens rien n'est plus contraire à la liberté religieuse que l'obligation d'honorer un culte que l'on méprise peut-être. Pour que ce décret fût encore en vigueur, il faudrait l'une de ces deux choses: ou que les militaires ne fussent pas appelés, comme tous les Français, à jouir des droits consacrés par l'article 5 de la Charte; ou (1) Article 260.

(2) Répertoire de législation, v° Procession.

que ce ne fût pas attenter à la liberté religieuse que de commander à un citoyen de prendre les armes, de les présenter, de mettre un genou en terre et de s'incliner sur le passage du Saint-Sacrement (1).

Il en est de même, et à plus forte raison encore, du décret du 19 février 1806 dont l'article 4 ordonne aux autorités civiles, militaires et judiciaires d'assister à la procession de l'Assomption; comme le leur commandait la déclaration du 16 février 1638 par laquelle Louis XIII avait fondé cette procession en l'honneur de la Vierge, et lui avait consacré sa personne, son état, sa couronne et ses sujets (2).

(1) L'article 1 er du titre 2 de ce décret était ainsi conçu :, « Dans les villes où, en exécution de l'article 45 de la loi du 18 germinal an 10, les cérémonies religieuses pourront avoir lieu hors des édifices consacrés au culte catholique, lorsque le saint sacrement passera à la vue d'une garde ou d'un poste, les sous-officiers et soldats prendront les armes, les présenteront, mettront le genou droit en terre, inclineront la tête, porteront la main droite au chapeau, mais resteront couverts: les tambours battront aux champs, et les officiers se mettront à la tête de leurs troupes, salueront de l'épée, porteront la main gauche au chapeau, mais resteront couverts; le drapeau saluera, etc.

(2) V. cette déclaration dont le préambule, comme ceux de la plupart des ordonnances de ce temps, mérite l'attention à plus d'un égard.

CHAPITRE VII,

Des dimanches et des fêtes.

Il me reste à parcourir maintenant les lois prohibitives qui contrarient l'article 5 de la Charte. Il n'en est aucune, peut-être, qui blesse plus ouvertement la liberté religieuse, que celle qui défend le travail et les jeux le dimanche et les jours de fête consacrés par la religion catholique. Il était difficile, il est vrai, que cette liberté ne reçût pas quelques atteintes sous l'empire des opinions armées du pouvoir en 1814. Le clergé, qui voulait faire de la restauration de la monarchie un instrument pour opérer la sienne et réconquérir sa puissance, trouvait que c'était bien peu que d'être protégé à l'égal de tous. Le titre de religion de l'état donné au catholicisme était insuffisant; il Jui fallait plus qu'une prééminence nominale; c'était une distinction utile, une prééminence de fait qu'il ambitionnait. Il n'attendit pas long-temps; trois mois s'étaient à peine écoulés depuis la promulgation de la Charte, que l'ordonnance illégale du 7 juillet 1814 confirmée dans son principe par la loi inconstitutionnelle du 18 novembre suivant, avait satisfait à une partie de ce désir.

Le repos du dimanche est un devoir pour les chrétiens, comme pour les juifs celui du samedi, et celui du vendredi pour les mahométans; c'est un devoir religieux. Le dimanche ne fut pas d'abord le seul jour consacré au repos; l'église naissante, composée de juifs convertis, conserva longtemps la sanctification du sabbat; et cet usage fut imité par ceux que nous nommons païens, dont les conversions augmentèrent le nombre des fidèles.

Le premier jour de la semaine fut néanmoins en très grande vénération dès le commencement. La résurrection du Christ, qu'ils plaçaient à ce jour, fit prendre aux convertis la résolution de le sanctifier aussi. Ils y transférèrent leurs assemblées, pour y entendre la parole de Dieu, y offrir leurs vœux et leurs prières, et y célébrer les mystères de la loi nouvelle. Ce jour était, appelé le premier jour du sabbat; les chrétiens ne lui avaient pas encore donné de nom particulier; mais peu de temps après ils le distinguèrent par celui de jour du seigneur ou jour dominical, dont nous avons fait, par abréviation, dimanche. Les Grecs le nommèrent encore jour de la résurrection du seigneur, parce qu'en effet c'est le mystère, de la rédemption qu'on y célèbre le jour de Pâques, et qu'on renouvelle tous les dimanches de l'année, comme une octave continuelle de cette solennité.

Ainsi les chrétiens des premiers siècles de l'é

glise sanctifiaient deux jours de la semaine, le samedi et le dimanche. Dans l'un, disent les Pères ils honoraient Dieu créateur suivant le vœu de l'ancienne loi, et dans l'autre ils rendaient leur culte à Dieu rédempteur suivant la disposition de la loi nouvelle. Enfin cette solennité du samedi s'est éteinte insensiblement; et d'après le sentiment des Pères de l'église et de l'ordre formel du concile de Laodicée, tenu en 365, elle a été totalement transférée au dimanche (1).

A l'égard des fêtes, on ne contestera pas qu'elles soient purement religieuses. Il suffira de faire remarquer que les seules que la loi confirme sont au nombre de quatre. Les jours de fête qui seront célébrés en France, outre le dimanche, dit l'indult du 9 avril 1802 (2), sont : la naissance de notre seigneur Jésus-Christ, l'Ascension, l'Assomption de la Vierge, et la fête de tous les Saints.

La révolution, qui mêla parfois des accès d'intolérance à des accès de liberté, voulut avoir aussi ses fêtes et ses jours de repos, comme l'église. Par

(1) V. le canon 29 de ce concile dont la date n'est pas certaine. Dès le deuxième siècle de l'église, St-Ignace d'Antioche reprochait aux chrétiens l'observance de ce jour. « Nous ne de«vons pas, leur disait-il, observer le sabbat à la juive, comme • si on en fesait une fête d'oisiveté; celui qui ne veut pas tra«vailler le samedi doit aussi passer ce jour sans manger. Le ⚫ vrai jour du sabbat des chrétiens est celui de la résurrection • du Seigneur, et nous devons transporter le repos et la joie de la fète du samedi au dimanche. »

(2) V. l'arrêté du 29 germinal an io.

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