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TESTAMENT

De Noftre Seigneur

JESUS CHRIST,

Traduit en François

Selon l'edition Vulgate, avec les differences

du Grec.

SECONDE EDITION.

ENIXAFIDES

A MONS,

Chez GAS PARD MIGEOT,
à l'enseigne des trois Vertus.

M DC LXVII.

Avec Privilege & Approbation.

C

EXTRAIT DU PRIVILEGE.

HARLES par la grace de Dieu Roy de Caftille, de Leon, d'Arragon &c. Archiduc d'Auftriche, Duc de Bourgogne & de Brabant &c. a donné Privilege à GASPARD MIGEOT Libraire juré en la ville de Mons de pouvoir luy feul imprimer ou faire imprimer, vendre & diftribuer par tous les païs & Seigneuries de Sa Majesté le Nouveau Teftament traduit du Latin en François par un Docteur de la Sorbonne, & ce pour le terme de fix ans, avec deffenfes à tous Imprimeurs & Libraires ou autres de quelle qualité qu'ils foient d'imprimer ou contrefaire ledit livre, ou ailleurs imprimé & contrefait apporter, vendre & diftribuer durant ledit terme, à peine de confifcation des exemplaires & autres peines; comme il eft plus amplement porté par les lettres dudit Privilege données à Bruxelles le 24 Juillet 1666.

Par le Roy en fon Confeil,

E. DE BERTI.

PREMIERE PARTIE.

De Pexcellence de l'Evangile & des livres du Nouveau Teftament. De la ma-. niere de le traduire. Avec quel refpeft on doit lire la parole de Dieu. Que la pieté en donne l'intelligence.

I

Left tellement propre & effentiel à tous les Chreftiens d'avoir de l'amour & de la veneration pour le Nouveau Teftament, qu'on peut dire qu'ils ne fçauroient laiffer éteindre ces fentimens en eux amoins que d'oublier le nom qu'ils portent,& de renoncer à ce qu'ils font. Nous fommes les enfans & les difciples de JESUSCHRIST, puifqu'il nous a rendu de nouvelles creatures en nous regenerant par fon fang, & qu'il eft venu nous enfeigner la doctrine toute celefte qu'il a apprife de fon Pere. Si nous aimons donc veritablement ces deux admirables qualitez & que nous les regardions comme faifant toute noftre dignité & noftre gloire, combien ce Livre facré nous doit-il cftre precieux, puifqu'il eft tout enfemble le recoüil des divins enfeignemens de noftre Maiftre, & le Teftament qui nous affeure l'heritage de noftre Pere.

11 eft vray que la Loy nouvelle, que S. Paul appelle la Loy de l'Efprit de vie & qu'il oppose toujours à la loy ancienne comme à un miniftere de mort, n'eft pas la fimple lettre du Nouveau Teftament, mais l'amour de Dieu que le S. Efprit écrit dans le cœur des Chreftiens comme une loy vivante & interieure qui les rend proprement enfans de la nouvelle alliance,ainfy que les appelle S.Auguftin. Mais il eft certain auffy que cette loy interieure a une telle liaifon avec la loy exterieure contenue dans le livre du Nouveau Teftament,que tous les Saints en ont toujours confideré les paroles comme le principal inftrument dont Dieu fe fert pour écrire dans les cœurs cette loy d'amour & de grace, & que c'eft pour cette raifon qu'ils ont toujours fait confifter un des principaux devoirs de la pieté chreftienne à mediter fans ceffe les veritez que Dieu nous enfeigne par ce divin livre; Car ils n'en ont pas confideré les paroles comme feparées du S. Efprit, mais comme eftant toutes remplies de fon feu, do fon onction & de fa force, ce qui les rend capables de produire dans les ames bien difpofées les mêmes effets de grace qu'elles ont produits dans toute la terre par la conversion de tous les peuples.

Il ne faut donc pas s'étonner que les faints l'eres fe plaignent fi fouvent du peu de foin qu'avoient les fidelles de s'acquitter d'un devoir fi important. L'Evangile, difent ces Saints,eft la bouche de JESUS CHRIST. Il eft affis dans le ciel; mais il parle continuellement fur la terre. Comment donc celuyla ofe-t'il fe dire ferviteur de JESUS CHRIST qui ne fe met point en peine de fçavoir ce qu'il luy ordonne? Et comment fera-t'il preft de luy obeir s'il neglige de l'écouter? Les preceptes de l'Evangile, dit S. Cyprien, font le fondement de noftre confiance & la nourriture de noftre cœur. C'eft dans cette lecture que nous trouvons la lumiere qui nous conduit, la force qui nous foutient,& les remedes qui nous gueriffent.

Ce Saint fait voir enfuite, & les autres Peres aprés luy, le grand avantage que l'Evangile a fur tous les livres de l'Ancien Teftament. Car encore que JESUS CHRIST foit la fin de la loy, & qu'il y ait esté figuré en une infinité de manieres, neanmoins il y eft tellement caché qu'il fe trouve peu de perfonnes, principalement dans ces derniers temps où l'Ecriture eft fi peu lue, qui ayent affez de lumiere pour l'y découvrir : Mais dans l'Evangile celuy que predifoient les Prophetes fe prefente luymême à nous. Dieu defcend du ciel pour nous y conduire,dit S.Cyprien;

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& nous ne recevons plus comme autrefois les oracles de Dieu dans les paroles de fes Saints, niais nous adorons la verité de Dieu dans la bouche de Dieu même.

La vie de Jesus CHRIST qui y eft décritte, dit S. Auguftin, eft une inftruction continuelle pour le reglement de la noftre. Nous y voyons dans les malades & les poffedez qu'il guerit tout ce qui fe paffe dans les maladies & dans la guerifon de nos ames. Et il fuffit pour ne pecher plus & Pour vivre faintement, ajoûte ce même Pere, de confiderer les biens qu'il a rejettez & les maux qu'il a foufferts. Car on ne peche qu'en deux manieres ;ou en fouhaittant ce qu'il a méprifé, ou en fuyant ce qu'il a bien voulu fouffrir. Non enim ullum peccatum committi poteft, nifi dum appetuntur ea quæ ille contempfit, aut fugiuntur quæ ille fuftinuit.

Que fi Dieu avoit commandé autrefois à fon peuple de lire fans ceffe la loy qu'il luy avoit donnée & de la mediter jour & uit ; & files Religieux fe croient obligez de lire tous les jours la Regle qu'ils ont reçue de leur Instituteur, comment pouvons-nous negliger de lire la loy de J ESUS CHRIST, dont les paroles font efprit & vie; puifqu'eftant entrez par le baptême dans la Religion catholique & univerfelle dont J ESUSCHRIST eft le fondateur, nous devons regarder l'Evangile comme noftre Regle, qui nous fait connoiftre fa volonté ; qui nous affure de fes promefles; qui eft noftre lumiere en ce monde,& qui nous doit un jour juger dans l'autre. Sermo quem locutus fum,ipfe vos judicabit in noviffimo die.

C'EST ce qui a fait dire à S.Cefaire Evêque d'Arles, que ceuxmêmes qui ne fçavent pas lire ne font pas excufables pour cela d'ignorer ce que l'on apprend par la lecture de l'Evangile. Car fi les perfonnes les plus fimples & les plus groffieres non feulement des villes mais des villages, trouvent bien moyen, dit ce Saint, de fe faire lire & d'apprendre des chansons profanes

mondaines, comment pretendront-ils après cela s'excufer fur leur ignorance de ce qu'ils n'ont jamais rien appris de l'Evangile? Vous avez affez d'inventions, ajoûte-t'il, pour apprendre fans fçavoir lire ce que le demon vous enfeigne pour vous perdre; & vous n'en avez point pour apprendre de la bouche de JESUS CHRIST la verité qui vous doit fauver.

CE feroit une chofe infinie que de rapporter tout ce qu'ont dit les SS. Peres de l'excellence de l'Evangile. Tous leurs ouvrages font pleins des marques du refpect qu'ils avoient non feulement pour cette histoire facrée de la vie de JESUS CHRIST, mais auffy pour tous les autres livres qui compofent le Nouveau Teftament. Nous pourrions faire voir de quelle maniere ils en parlent; mais comme nous en avons marqué quelque chofe au commencement de ces livres, nous dirons feulement icy; que les Actes font l'accompliffement de l'Evangile, puifqu'on y voit la defcente du S.Efprit que Jesus CHRIST avoit promis; la formation de l'Eglife, & la charité, la patience, & la parfaitte union des premiers fidelles; que S.Paul eft le premier interprete de l'Evangile, qu'il explique tous les myfteres de JESUS CHRIST, & qu'il nous inftruit de toutes les regles de la morale & de la vertu chreftienne; que les Epiftres de S. Pierre & des autres Apoftres font remplies du feu & de l'onEtion du S. Efprit, & que l'Apocalypfe dans fon obfcurité prophetique & divine a des étincelles de lumiere qui frappent le cœur & qui impriment un profond refpect de la grandeur de Dieu dans les ames humbles.

C'a efté fans doute dans cet efprit que la Faculté de theologie de Louvain entreprit dans le fiecle paffé de donner à l'Eglife une traduction françoife de toute la Bible, dans laquelle les fidelles puffent s'inftruire fans tomber dans les pieges de Calvin & de fes premiers difciples, qui en avoient alteré & falfifié quelques endroits pour feduire les peuples en mêlant le poifon de leurs erreurs avec le pain des enfans de Dicu. On ne

çau

feauroit affez louer le zele & le travail de ces fçavans Docteurs, dont la fuffifance extraordinaire s'eft encore fignalée dans la revue tres-exacte qu'ils ont faitte de tous les ouvrages de S. Auguftin; mais il faut auffy reconnoiftre, que les changemens qui font arrivez dans noftre langue depuis leur temps,& qui font ordinaires à toutes les langues vivantes avant qu'elles ayent efté portées jufqu'à un point de perfection où elles s'arreftent, ont tellement defiguré leur ouvrage qu'encore que de temps en temps on ait retranché de leur verfion certaines expreffions qui n'eftoient plus intelligibles, elle eftoit neanmoins devenue fi étrangement éloignée de noftre ufage que fi elle fubfiftoit encore ce n'eftoit plus que par Pimpuiffance où l'on eftoit de s'en paffer, jufqu'à ce qu'on en euft donné u

ne autre.

C'EST un effet qu'on ne fçauroit attribuer qu'au feul changement de la langue, & qui ne diminue rien de l'obligation qu'on a à ceux qui ont fait cette verfion. Ils ont fervi l'Eglife de la meilleure maniere qu'ils le pouvoient, & ils n'ont pu écrire que comme ils ont fait. Si nous avions efté de leur temps, nous aur ions parlé comme eux; & s'ils eftoient du noftre, ils parleroient comme nous. Mais le fruit qu'on a recoüilli longtemps de cette traduction & qu'on en auroit pu efperer encore eftant ceffé par la peine qu'on a à s'accoûtumer au langage de ce temps-là, des perfonnes de pieté & des Evêques celebres dont la vertu eft reverée de tout le monde ont fouhaitté avec raifon que l'on s'employaft à un ouvrage qu'ils jugeoient non feulement utile, mais neceffaire à l'Eglife de France. Ils ont cru, que c'eftoit un refpect qu'on devoit à l'Evangile de ne le pas laiffer dans un langage qui produit dans l'efprit de la plupart du monde des impreffions contraires à la veneration que l'on doit avoir pour un Livre fi divin; & que même c'eftoit fuivre l'efprit que l'Eglife fait paroiftre dans toutes les autres chofes qui appartiennent au culte de Dieu. On voit qu'elle a foin, que toutes les ceremonies qu'elle expofe aux yeux des fidelles ayent quelque chofe qui imprime du refpect; qu'elle defire que les vafes qui fervent au facrifice, foient d'une matiere precieufe; qu'elle croit que c'eft honorer Dieu que d'employer ce qu'il y a de plus riche aux ciboires & aux calices qui enferment le Corps & le Sang du Sauveur. Puis donc qu'on a tant de foin que tout ce qui approche du Corps de JESUS CHRIST contribue à le faire refpecter, il eftoit jufte de ne pas laiffer fa parole dans un langage, qui n'eftant gueres propre à la faire reverer par la plufpart de ceux qui la lifent, pouvoit nuire à l'edification des fidelles. Ĉar la difpofition la plus neceffaire pour profiter de la lecture de l'Ecriture fainte eftant de la regarder avec un profond refpect & une adoration interieure de toutes les veritez qu'elle enferme, il n'y a rien de plus contraire au bien des ames que ce qui peut diminuer ce refpect, ny rien qui foit plus capable de l'affoiblir que de voir dans ces fortes de verfions une fi grande difproportion entre la Majefté de Dieu qui parle, & la baffeffe furprenante des paroles qu'on luy attribue.

IL eft vray que c'eft une foibleffe aux hommes d'eftre choquez des mots & des expreffions qui ne font plus en ufago. Mais il faut avouer qu'il y en a peu qui en foient exempts, & qui ne foient aumoins détournez de l'application qu'ils devroient avoir aux chofes les plus divines par ces façons de parler qui ne laiffent pas de les furprendre, quand même ils n'en feroient pas bleffez.

CE font là les raifons qui ont fait fouhaitter qu'on entreprift la tradu&tion du Nouveau Teftament; & il y a prés de trente ans que ceux qui y ont travaillé ont eu ces vies dans l'efprit fans qu'elles les determinaflent à rien;parce que cette entreprise leur paroiffoit auffy difficile dans l'execution, qu'elle cftoit utile & avantageufe en ellemême. Enfin ayant dif

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feré

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