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Le proverbe populaire a dit que, dans un péril suprême, mieux vaut demander secours et protection à Dieu qu'à ses saints.

En vertu de ce proverbe et posé dans les conditions qu'il indique, j'ai conçu la pensée un peu hardie, j'en conviens, sans cesser d'être respectueuse, d'écrire trois fois à Sa Majesté l'Empereur.

La première lettre fut remise par moi à son palais de SaintCloud, le 15 octobre 1859; la deuxième à Compiègne, le 26 novembre suivant; la troisième enfin au palais de Fontainebleau, le 12 juin 1860. Celle-ci portait la date du 4 juin, jour où je la fermai.

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Avec l'intention de remercier l'Empereur de l'appui moral que Sa Majesté a daigné me prêter, j'étais mû par un sentiment moins égoïste.

J'essayai de Lui payer, de payer à la commune patrie, dont les intérêts se confondent, dans mon opinion, avec ceux du souverain, la dette de reconnaissance que tout bon Français a contractée envers le chef d'un gouvernement fort et glorieusement protecteur.

J'ai voulu, comme on dirait en langage ascétique, confesser ma foi politique et religieuse.

Cette foi repose sur la double conviction que les intérêts bien compris de la France représentée par la dynastie napoléonienne, et ceux du Saint-Siége, sous le rapport de son pou

voir temporel, sont et demeurent inévitablement unis.

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J'avais d'ailleurs à protester contre les interprétations plus que malveillantes auxquelles ma démarche si naturelle pourtant a déjà, sans préjudice de l'avenir, servi de prétexte.

Par ces motifs et sans aucune arrière-pensée mauvaise, je suis induit à publier ma dernière lettre à l'Empereur.

Il s'agit pour moi d'un devoir de conscience, devoir qui doit prendre le pas sur les arguments d'un ordre inférieur.

Il ne me fallait rien moins que l'exigence de ces motifs impérieux pour justifier, aux yeux de tous et à mes propres yeux, la tentative d'un auteur peu familier avec l'art si difficile d'écrire à l'adresse du public.

Mon excuse est dans l'obligation que je me suis imposée de soutenir le droit et l'équité, suivant la mesure de mes forces et la part de bon sens qu'il a plu au Ciel de m'octroyer.

C'est une lutte incessante contre l'injuste et le faux.

A ces divers points de vue l'indignation ne saurait-elle suppléer au talent en faisant de la prose comme on a dit qu'elle fait les vers?

Voici cette lettre, telle que j'ai eu l'honneur de la faire tenir à Sa Majesté, sans y ajouter ni en retrancher un iota.

J'en excepte un petit nombre de corrections purement grammaticales et qui ne changent rien au fond.

J'ai dû en rayer aussi les détails qui me sont personnels et dont je ne voudrais pas embarrasser des considérations d'un ordre si élevé.

A

S. M. L'EMPEREUR

Sire,

La situation présente est de plus en plus tendue; nul ne saurait le contester.

L'avenir offre naturellement ce degré d'incertitude inhérent à toutes les grandes époques de transition.

Me sera-t-il permis une troisième fois de soumettre à Votre Majesté les réflexions qui se rattachent, de près ou de loin, aux principes généraux du gouvernement, et, de plus près, au principe dynastique; celui de tous qui, à mon sens, présente, au suprême degré, une actualité permanente?

Cette actualité doit être considérée comme le fond de la question, qui reste immuable, tandis que certaines formes varient suivant les circonstances et les temps.

Votre Majesté croit à la Providence.

Ainsi que la Providence, elle sait cacher les voies, le plus souvent impénétrables, par où Votre Majesté veut conduire simultanément la fortune de la France et celle de sa dynastie.

S'il est un point sur lequel on ne saurait se méprendre, un but marqué, nè varietur, que Votre Majesté est résolue

d'atteindre et qu'elle atteindra, c'est assurément la consolidation de sa dynastie.

Or, j'ai dit et ne crains pas de redire à Votre Majesté que cet événement immense sera, quoi qu'il advienne, hérissé de difficultés sans nombre, entouré d'obstacles renaissants comme les têtes de l'hydre, et que le génie de Votre Majesté est seul capable de conjurer.

Elle y parviendra, Dieu aidant.

Mais à certaines conditions qui n'ont pu échapper à la merveilleuse sagacité dont est douée Votre Majesté; Elle travaille incessamment, après les avoir acceptées, à en poursuivre le développement régulier.

Pour conduire à bonne fin cette œuvre épineuse et gigantesque, Votre Majesté devra se cramponner à un principe incommutable.

De tous les principes générateurs et conservateurs dont l'action sur les sociétés s'est fait et se fera éternellement sentir, le principe de légitimité est, selon moi, le plus vi

vace.

Votre Majesté est entrée dans la légitimité par la bonne porte, celle que lui ont ouverte huit millions de suffrages, alors que le trône de France était vacant et ne pouvait plus être occupé par les descendants des anciens possesseurs.

Votre Majesté doit, en conséquence, comme il lui est dû, respect aux légitimités qui toutes, sans exception, sont solidaires les unes des autres :

Légitimité de la famille,

Légitimité de la propriété,

Légitimité du gouvernement.

Au-dessus des autres légitimités plane, pour les catholiques, la légitimité de notre Saint-Père le Pape.

Les catholiques forment la grande majorité des peuples que Votre Majesté et les princes de sa dynastie ont reçu la mission de gouverner.

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