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avec personne, n'avait point voulu mettre ses troupes sur le pied de guerre, que nos mouvements se faisaient toujours comme pour des changements de garnison et avec une quantité de bagages que, malgré nos efforts, nous n'avions pu réduire à des proportions raisonnables.

Enfin, il fallait à la hâte mettre La Rocca de Spolète en état de se défendre seule. Le commandement en fut confié au major O'Reilly avec 300 Irlandais, une soixantaine de gendarmes et 150 hommes environ de divers corps non encore équipés. Le commandement de l'artillerie de la petite place fut donné au capitaine de Baye, arrivé de France depuis trois jours.

J'écrivis au général de Courten pour lui dire de se replier sur Ancône; au général Schmid, pour l'informer de ce qui se passait, en lui disant de se replier sur Viterbe ou sur Pérouse, s'il se trouvait en présence de forces piémontaises supérieures aux siennes; et je l'informais que j'emmenais avec moi dans les Marches un bataillon du 2o étranger faisant partie de sa brigade et laissée en observation avec une section de campagne aux environs de Pérouse.

Le 12, de grand matin, je me mettais en marche de Spolète avec les 2 bataillons du 1er étranger, une compagnie du bataillon Saint-Patrick et un petit bataillon de 5 compagnies du 1er de ligne.

Le soir, je faisais ma jonction à Foligno avec le 2o bataillon du 2o étranger rappelé de Pérouse, en tout 4 bataillons. Le général de Pimodan partait de Terni, une marche derrière moi, avec 4 bataillons et demi et 300 chevaux. Nous avions, entre nous deux, seize pièces d'artillerie.

Nous suivions la route ordinaire d'étapes par Foligno et Tolentino pour gagner Macerata, où il était très-important d'arriver avant les colonnes piémontaises.

Notre route se fit sans accidents, et j'arrivai, en faisant une marche de nuit, le 15 au matin à Macerata. Les têtes de colonnes piémontaises qui s'avançaient pour cerner Ancône n'étaient qu'à une marche de nous, dans la direction de lesi. Elles avaient. été retardées d'un jour par la résistance désespérée que le colonel Zappi avait faite dans la petite forteresse de Pesaro, où, avec une poignée d'hommes et 3 canons, il avait arrêté pendant vingt-deux heures le corps d'armée du général

Cialdini. N'ayant hissé un pavillon blanc et envoyé un parlementaire que quand il fut réduit à la dernière extrémité, il avait dù se rendre prisonnier de guerre. Mais il avait glorieusement accompli son devoir et rendu un grand service à l'armée.

Me trouvant à une marche de l'ennemi très-supérieur en nombre, j'aurais dû attendre le général de Pimodan afin de diminuer la distance qui me séparait de lui; mais une circonstance, secondaire en apparence, compliquait ma situation.

J'avais demandé à Votre Excellence de nous envoyer quelques fonds afin d'assurer la solde des troupes en marche ainsi que le service des vivres, qui jusqu'ici n'avait point été organisé. Or, en même temps, le service de la trésorerie à Ancône s'apercevait un peu tard qu'il manquait de fonds pour le payement des travaux, des approvisionnements de grains, et pour celui de diverses fournitures que l'étranger nous avait faites; des demandes beaucoup plus importantes que la mienne et non moins urgentes étaient donc venues de ce côté.

Sa Sainteté avait fait envoyer à Ancône, il y a environ six mois, et déposer dans la citadelle, une somme de 500,000 francs, à laquelle on ne devait toucher qu'en cas d'urgence. Malgré cette injonction, ce dépôt avait été employé pour les besoins ordinaires, sans même qu'on se fût donné la peine d'en rendre compte. Il était épuisé, et la caisse camérale, chargée du service courant, était dépourvue de fonds. Tout cela se présentait à point nommé au jour de l'invasion des Piémontais.

Votre Excellence m'envoya non-seulement les sommes assez restreintes dont j'avais besoin pour le service des troupes en marche, mais aussi celles beaucoup plus importantes que réclamait le service d'Ancône.

J'aurais mieux aimé que les fonds destinés à Ancône fussent envoyés par mer; car, dès le premier moment, j'avais regardé mon arrivée dans cette ville avec toutes mes voitures et les nombreux bagages dont j'ai parlé déjà comme fort problématique, et les voitures du Trésor n'étaient pas de celles qu'il était le plus facile de sauver en cas d'embarras. Mais il n'était plus temps de modifier les dispositions prises, et je devais subir les conditions qui m'étaient faites.

J'avais vu pendant la nuit le général de Pimodan, dont les

troupes étaient comme les miennes très-fatiguées par la chaleur et la marche; je lui fis part de la résolution que j'avais prise de quitter, à partir de Macerata, la route postale qui traverse la plaine de Potenza, par Sambucheto et Recanati, et de prendre une route qui suit la crête des collines entre le bassin de la Potenza et celui de la Chienti, va passer la Potenza auprès de son embouchure et conduit à Porto de Recanati.

J'allongeais ma marche, mais je débouchais directement sur la mer, où je pouvais embarquer le trésor destiné à Ancône; je m'éloignais aussi de l'ennemi, et par la configuration du terrain, je n'avais rien à craindre de sa nombreuse cavalerie; enfin, d'après les positions qu'il occupait, s'il n'était pas impossible qu'il me précédât à Lorète, il y avait tout à croire que j'arriverais avant lui au bord de la mer, et pourrais réaliser mon projet.

J'avais prescrit en route au général de Pimodan d'éviter, autant qu'il le pourrait, tout combat sérieux autour de Macerata, et de suivre la même route que moi.

Nous partimes avant le jour, et notre marche fut retardée par les pentes rapides que présente la route que nous suivions. La chaleur était très-forte, et nous n'arrivâmes à la mer qu'après six heures du soir. Les petites canonnières que j'avais demandées à Ancône n'étaient point arrivées à Porto di Recanati ; nous mettions à la mer de grosses barques de pêcheurs pour leur confier notre trésor, lorsque nous aperçûmes au large le S. Paolo, petit bâteau à vapeur de service du port d'Ancône, que je croyais pris à Pesaro, et que M. de Quatrebarbes, chef d'état-major à Ancône, avait envoyé à Recanati avec M. de la Péraudière, volontaire à cheval, pour avoir de nos nouvelles. Les lettres qui demandaient les canonnières n'étaient point arrivées.

Le sous-intendant Ferri s'embarqua avec le trésor; dans la précipitation de l'opération, qui se faisait de nuit, on emporta à Ancône les fonds que j'avais fait sortir des caisses pour le service des troupes en marche, ce qui me causa le lendemain de grands embarras.

Nous étions en effet fort pressés de confier notre argent au bateau à vapeur. D'une part, la mer grossissait, et d'un instant à l'autre, l'embarquement pouvait devenir impossible sur la

plage de Porto di Recanati ; d'autre part, mon avant-garde me prévenait que des dragons piémontais avaient occupé Lorète dans la soirée, et qu'ils avaient laissé une grand'garde dans la ville, dont les portes étaient fermées. Je dirigeai immédiatement sur Lorète, dont nous n'étions qu'à cinq kilomètres, les volontaires à cheval et l'escadron de gendarmerie que j'avais pris à Macerata. M. de Bourbon-Chalus commandait cette troupe, qui reçut l'ordre de partir au trot.

Le capitaine de gendarmerie San Pieri et un de ses officiers déclarant ne pouvoir pas soutenir cette allure, je donnai le commandement de l'escadron au capitaine Pallfy, mon officier d'ordonnance.

La cavalerie occupa Lorète sâns difficulté ; l'arrière-garde de la cavalerie piémontaise s'était retirée à notre approche. Mais les gens du pays, ramenés par mes coureurs, me rendirent compte que de l'autre côté de Lorète, au pied de la colline, se trouvait une grosse troupe d'infanterie, soutenue par de l'artillerie, qui tenait les débouchés de la plaine du Musone et qui semblait vouloir occuper Lorète pendant la nuit.

Ces falts étaient exacts, sauf l'intention d'occuper Lorète, qui n'entrait pas dans le plan des Piémontais.

Devant attendre le lendemain le général Pimodan et trouver des vivres pour sa colonne et la mienne, je tenais beaucoup à Occuper cette ville.

Quoique j'eusse promis deux heures de repos à l'infanterie qui faisait halte à Porto di Recanati, je la dirigeai immédiatement sur Lorète, où nous nous établimes pendant la nuit. Partis de Macerata à deux heures du matin, il était plus de minuit quand les troupes commencèrent à se reposer.

La nuit empêchait de voir les troupes piémontaises. Les habitants disaient que les ponts des rivières étaient coupés et qu'on avait fait en arrière des retranchements. Le capitaine Pallfy voulut s'assurer de ce qu'il y avait de vrai dans ce rapport, et s'engagea sur la route qui conduit à Camerano, avec quelques gendarmes et un volontaire à cheval, M. de Pas. Arrivés près du premier pont, à mille mètres environ des murs de Lorète, il reçut deux coups de canon à mitraille qui tuèrent son cheval et blessèrent mortellement M. de Pas et un gendarme.

Ce malheureux accident eut toutefois l'avantage de nous faire connaître la distance à laquelle se trouvait l'ennemi.

C'est pendant cette longue marche que je reçus par Macerata les dernières communications de Votre Excellence, auxquelles se trouvaient jointes des lettres d'Ancône. Ces communications étaient très-importantes.

Le général de Courten m'informait qu'ayant appris dans sa marche sur Fossombronne l'invasion des Piémontais, il s'était retiré à Ancône le 13 sans combat.

Ce général, pour opérer contre les bandes, avait fait deux détachements, l'un aux ordres du colonel Kanzler, l'autre aux ordres du lieutenant-colonel de Vogelsang. Il avait prescrit à ces deux détachements de se réunir, et leur jonction s'était faite heureusement à Mondavio, le 12 au soir. Cette colonne était forte de 1,200 hommes d'infanterie et d'une section d'artillerie.

Le 13, le colonel Kanzler voulait se diriger sur Senigaglia pour gagner la route de la mer; mais ayant appris que cette ville était occupée par une division piémontaise, il resta sur les collines et alla passer la Misa, à deux lieues environ au-dessus de son embouchure.

La division piémontaise, informée de la présence de cette petite colonne, tenta de l'enlever. Sa cavalerie et son artillerie que suivait l'infanterie, la joignirent vers Sant-Angelo.

Le combat commença à une heure de l'après-midi et dura jusqu'à cinq heures du soir.

Plusieurs charges de cavalerie furent brillamment repoussées; notre artillerie, ainsi que le feu de notre infanterie, ayant fait beaucoup de mal aux lanciers piémontais, ils cessèrent la poursuite à Monte-Marsciano. Ce combat nous avait coûté 150 hommes tués, blessés ou pris, dont 4 officiers. Le colonel Kanzler arriva à Ancône au milieu de la nuit, après avoir fait une marche de 45 milles, et fut reçu aux acclamations de la garnison, heureuse de revoir ses camarades sur le sort desquels on avait eu des inquiétudes.

Votre Excellence me donnait connaissance d'une dépêche du duc de Gramont adressée au consul de France à Ancône; elle était ainsi conçue :

« L'Empereur a écrit de Marseille au roi de Sardaigne que si

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