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coutumée, mais ne put empêcher qu'elle fût adoptée à une grande majorité.

§ VIII. CONGRÈS DE LAYBACH. Tandis qu'en France, la Révolution était ainsi attaquée par des lois et par des discours, elle subissait ailleurs une plus brutale agression.

Les trois souverains réunis à Laybach avaient appelé auprès d'eux le roi de Naples; il s'y rendit, déclarant aux Cortès qu'il allait défendre la cause de la Constitution napolitaine. Mais, une fois arrivé, il n'eut d'autre pensée que de presser l'intervention armée, déjà décidée par les trois monarques.

Il y avait aussi à Laybach un plénipotentiaire anglais et trois représentants de la France. L'Anglais déclara que son gouvernement ne pouvait consentir à une intervention, mais qu'il reconnaissait que d'autres gouvernements pouvaient avoir des raisons d'agir différemment, pourvu qu'ils assurassent n'avoir aucun projet d'agrandissement. Les diplomates français, tout en cherchant, dans leurs conversations particulières, à amener des mesures de conciliation, adhéraient officiellement, quoique sous réserve, aux résolutions des trois cours.

Pour ne pas heurter trop ouvertement le sentiment public et pour paraître respecter la souveraineté du roi de Naples, les trois puissances mirent à sa disposition une armée autrichienne dont il prenait l'entretien à ses frais, depuis le moment où elle aurait franchi le Pô jusqu'à l'époque où elle cesserait d'occuper le royaume de Naples, ce qui devait durer trois ans.

L'armée autrichienne était en Lombardie. Elle passe le Pô, traverse les États de l'Église que le pape lui ouvre gracieusement et arrive à la frontière des Deux-Siciles où se trouvait l'armée napolitaine, commandée par le fils du roi. Les soldats napolitains jettent leurs armes, les uns s'enfuient, les autres font cortège aux envahisseurs; le commandant se rallie à ceux-ci qui occupent tout le royaume sans brûler une amorce et rétablissent le roi absolu. La restaurationbourbonienne à Naples est accompagnée d'arrestations, de tortures, de supplices. Le début des événements avait été accueilli avec joie par les libéraux de France; le dénouement causa des transports d'enthousiasme aux royalistes: ils espéraient bien arriver au même résultat.

Le Piémont n'attendait, pour se soulever, que l'éloignement de l'armée autrichienne de Lombardie. Quand on la sut arrivée à la frontière napolitaine, la garnison d'Alexandrie proclama la Consti

tution espagnole (10 mars). Le 11, même manifestation à Turin. Le 12, le vieux roi, Victor-Emmanuel Ier, ne voulant ni reconnaître ni combattrela révolution, abdiqua au profit de son fils le duc de Genévois et, en l'absence de ce prince, alors à Modène, nomma régent le duc de Savoie-Carignan, son parent, celui qui fut, depuis, Charles-Albert, désigné pour être un jour l'héritier de la couronne, le roi et son fils n'ayant pas d'enfants. Charles-Albert proclame à son tour la Constitution de 1812, nomme une junte provisoire, avise le duc de Genévois de ce qui vient de se passer et attend ses ordres. Charles-Albert passait pour acquis à la cause révolutionnaire, tous ses amis y étaient attachés et faisaient partie de la vaste association italienne des Carbonari.

Le duc de Genévois ordonne à Charles-Albert de repousser toute innovation contraire à la plénitude du pouvoir royal, d'appeler tous ses sujets à la défense du trône et de se concerter avec le général Sallier de la Tour, commandant de Novare, qu'il nomma général en chef pour soumettre les rebelles.

Dans la nuit du 11 au 12 mars, Charles-Albert quitte subitement Turin avec les gardes du corps, l'artillerie légère, deux régiments de cavalerie et va se mettre, à Novare, aux ordres de Sallier de la Tour.

Cette défection ne ralentit pas l'ardeur des constitutionnels. Le jeune comte de Santa Rosa, ministre de la guerre, envoie un corps de 5,000 hommes pour entraîner la garnison de Novare et envahir la Lombardie.

Mais l'inaction de Charles-Albert a donné le temps aux Autrichiens de réunir leurs troupes disséminées, et quand les constitutionnels se mettent en mesure d'attaquer Novare, ils se voient menacés d'être enveloppés par les troupes autrichiennes (8 avril). Ils ne peuvent que se retirer en disputant vaillamment le terrain. Le lendemain, 9, Sallier de la Tour et Charles-Albert rentrent à Turin et y rétablissent l'autorité royale, tandis que les amis du prince partent pour l'exil. Santa Rosa s'en alla, quelques années plus tard, se faire tuer pour l'indépendance de la Grèce; Gonfalonieri, Maroncelli, Silvio Pellico, tombés aux mains des Autrichiens, furent déportés dans les prisons d'Autriche; d'autres, pris aussi, furent livrés au bourreau. Charles-Albert acheva de faire oublier ses aspirations libérales en allant, deux ans après, combattre, au service de la France, la révolution d'Espagne. Plus tard encore, il perdra, avec une autre bataille de Novare, la liberté italienne.

Les rois venaient de faire la police de l'Europe; la façon dont ils avaient agi avec le Bourbon de Naples, montrait ce qu'on voulait faire avec le Bourbon d'Espagne et ce qu'on ferait, au besoin, avec les Bourbons de France.

SIX. LOI DES DOTATIONS. La contre-révolution piémontaise ne fut pas accueillie avec moins de joie que la napolitaine par les contrerévolutionnaires français qui se montrèrent, dès lors, plus agressifs, plus menaçants.

Dans la discussion d'une loi présentée par le ministère Decazes et dont l'objet était d'indemniser les anciens titulaires de donations imputées sur des domaines restitués à l'étranger par le traité de 1814, les orateurs de la droite se livrèrent aux plus violentes diatribes, aux plus outrageantes personnalités contre ces titulaires, qui étaient presque tous des officiers français de tout grade, ou des veuves et orphelins d'officiers tués au service de la France. Le fonds originaire des dotations s'élevait, en 1814, à 38 millions. Les événements de la guerre et diverses autres circonstances le réduisaient, en 1820, à 1,800 mille francs qu'il fallait partager entre 3,636 ayants droit. Le maximum de part devait être 1,000 francs de rente, le minimum 100 francs de rente. Cette rente devait constituer une propriété transmissible aux héritiers des titulaires.

Les royalistes contestaient absolument le droit des indemnitaires. « Ce n'étaient que des complices ou des serviteurs de la rébellion, des coupables qui avaient combattu contre leur souverain. Il n'y avait de fidèles français que ceux qui avaient pris les armes pour le roi, les soldats de Condé et de la Vendée. Tandis que ceux-ci étaient spoliés, volés, laissés sans ressources, on proposait d'indemniser les autres, les voleurs! » Ainsi raisonnaient les gens de la droite et ils étaient dans la logique de leurs idées et de leur situation. L'opposition aussi était dans la logique de sa situation et de ses idées, qui étaient celles de la France, en soutenant les droits d'hommes qui avaient combattu ou étaient morts pour le service de la France. Le ministère n'osait rien dire, car il s'agissait des officiers, des fonctionnaires de l'Empire et il y avait, parmi les ministres, des hommes qui avaient servi le régime impérial et à qui des royalistes purs rappelaient durement ce souvenir pour leur en faire un outrage. La loi fut volée, mais non pas comme l'avait proposée le ministère : les indemnités ne devinrent plus que des secours viagers, accordés par le roi selon son bon plaisir.

Cette discussion, où les hommes et les choses de la Révolution et

de l'Empire furent encore une fois livrés à l'ignominie, où les noms des indemnitaires furent lus publiquement avec les commentaires les plus injurieux, n'était pas de nature à diminuer les ressentiments qui, chaque jour, s'augmentaient et s'aggravaient contre la Restauration.

§ X. FIN DE LA SESSION. - La Chambre termina ses travaux par le vote d'une loi prolongeant le régime de la censure à l'égard des journaux. Il n'y fut introduit qu'un amendement pour étendre ce régime aux journaux littéraires : même dans ce modeste domaine, la liberté ne pouvait être tolérée. Le budget fut l'objet des dernières séances de la session dont la clôture eut lieu le 31 juillet.

Le ministère n'avait pu traverser cette session qu'avec l'appui de la droite qu'il avait acheté en donnant à deux chefs de celle-ci des ministères sans portefeuille. La droite avait plus d'une fois et cruellement fait sentir au ministère en quelle dépendance elle le tenait. Le ministère n'avait pu que garder le silence ou faire des réponses insuffisantes. La droite, sentant sa force et devenue plus ambitieuse après les événements d'Italie, fit savoir qu'il lui fallait, dans le conseil, plus que des ministères purement honoraires. MM. de Villèle et Corbière eurent de longues négociations avec M. de Richelieu; plusieurs fois on fut près de tomber d'accord; de nouvelles exigences remettaient tout en question. Enfin, la rupture éclata ; le 23 juillet MM. de Villèle et Corbière, quittant le banc des ministres, reprirent leurs anciennes places; deux jours après, ils partaient, l'un pour Toulouse, l'autre pour Rennes. L'alliance finissait avec la session,

§ XI. MORT DE NAPOLÉON. - Avant la fin de la session, le 5 juillet, on avait appris à Paris, d'un bâtiment venu de Sainte-Hélène, que, le 5 mai, Napoléon avait rendu le dernier soupir, léguant « l'opprobre de sa mort à la maison régnante d'Angleterre. »

Pendant les premières années de la Restauration, quelques esprits aventureux, ayant toujours le 20 mars présent à l'esprit, avaient caressé le rêve d'une évasion qui eût, une seconde fois, ramené en France Napoléon. Mais ces chimères s'étaient évanouies. En 1821, personne ne croyait plus à la possibilité de relever l'ancien Empire et les sectateurs de la dynastie napoléonienne, s'ils espéraient encore pouvoir tirer le roi de Rome de sa captivité autrichienne, n'en voulaient faire qu'un souverain libéral. Napoléon était déjà entré dans l'histoire ou, plutôt, il l'avait traversée pour entrer dans la légende. Des récits rapportés de Sainte-Hélène, relatant des

conversations, plus ou moins exactes, mais tenues moins en vue des auditeurs qui les recueillaient que de la postérité à laquelle on les adressait, faisaient disparaître le despote avide de conquêtes pour y substituer «<le missionnaire armé de la Révolution », qui aimait et voulait, pour couronnement de son œuvre, la Liberté. Si Napoléon a aimė la liberté, il l'a aimée passionnément, exclusivement; mais pour lui tout seul, comme l'avare aime l'or, pour l'enfouir, non comme le vrai civilisateur aime la lumière pour la répandre

Depuis six ans, les bonapartistes de France ou s'étaient ralliés à la Restauration et occupaient des situations qu'ils ne se souciaient plus de compromettre, ou étaient entrés dans l'opposition et avaient dû suivre le grand courant libéral, ne gardant de l'époque impériale que les souvenirs de grandeur militaire qu'ils relevaient contre les Bourbons revenus à la suite de l'étranger.

Peut-être eût-il mieux valu pour la Restauration, et certainement il eût mieux valu pour la liberté que le bonapartisme restât ce qu'il avait été en réalité : la pratique cynique du plus abominable despotisme. Sous sa vraie figure, il n'eût plus séduit personne, et la Liberté française n'eût pas accepté cet allié indigne d'elle. Mais le gouvernement royal eut le tort de poursuivre et de vouloir flétrir comme bonapartistes les hommes les moins portés vers l'Empire, et le parti libéral accueillit avec une trop confiante générosité des hommes qui venaient lui demander asile et protection au nom de la liberté. Ce fut, sans doute, une alliance funeste, mais elle était dans la force des choses.

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§ I. SOCIÉTÉS SECRÈTES. Deux jeunes français, compromis dans la conspiration du 19 août et réfugiés à Naples, y avaient étudié l'association secrète des Carbonari (charbonniers) qui venait d'accomplir la révolution de Naples et allait tenter celle du Piémont. Tandis qu'un de ces jeunes gens, Joubert, restait en Italie, l'autre, Dugied, revint à Paris et s'occupa d'y organiser la Charbonnerie.

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