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nople, d'Andrinople, et plusieurs autres prêtres, detruisant les églises grecques, persécutant partout les populations chrétiennes. Les îles de l'Archipel se soulevèrent à leur tour et infligèrent des pertes considérables à la marine ottomane. Alexandre Ypsilanti est battu et se réfugie en Autriche, où on le garde prisonnier. La guerre continue en Morée, sous Démétrius et Mauromichalis. Tripolitzas, prise au mois d'octobre, devient le siége d'un gouvernement provisoire. En décembre, un congrès se réunit à Épidaure, où Démétrius et Maurocordato préparent la déclaration d'indépendance. La Porte appelle en Morée les troupes de Méhémet Ali, pacha d'Égypte, commandées par Ibrahim.

Cette renaissance de la Grèce, évoquant tous les souvenirs de l'antiquité classique, excita en Europe un enthousiasme inexprimable. De tous côtés, des volontaires partirent pour combattre avec les Grecs, des souscriptions s'ouvrirent pour leur envoyer des armes, des munitions, de l'argent. Le gouvernement français ne pouvait prendre ouvertement parti pour les insurgés, mais il ordonna à la marine française dans ces parages d'employer tous les moyens possibles d'humanité pour soustraire les victimes de la guerre aux atroces vengeances des Turcs.

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§ VIII. LETTRES, ARTS, SCIENCES. Sismondi commence, en 1821, la publication de sa grande Histoire des Français, qui ne sera achevée qu'en 1843. Les pamphlets de Paul-Louis Courier prennent place parmi les œuvres littéraires. Deux ouvrages posthumes de Joseph de Maistre sont mis au jour : l'Église anglicane et les Soirées de Saint-Pétersbourg. Alfred de Vigny publie ses premiers Poëmes.

Champollion découvre le secret de l'écriture hiéroglyphique des Égyptiens; le Zodiaque de Denderah est apporté à Paris et placé à la bibliothèque de la rue Richelieu. L'État fonde l'École des Chartes, it Malte-Brun la Société de géographie.

CHAPITRE XII

Le nouveau ministère. Lois sur la presse. - Conspirations. Les sergents de la Rochelie. Fin de la session.. Troubles, élections, mort du duc de Richelieu. Session de 1822. Lettres et sciences.

§ I. LE NOUVEAU MINISTÈRE. L'année 1822 s'ouvrait sous de sombres auspices on apprenait des tentatives d'insurrection, à

Saumur et à Belfort, et l'avénement du ministère Villèle inaugurait un gouvernement de combat.

La coalition de la gauche et de la droite avait produit le résultat cherché. La chute du cabinet Richelieu et la reprise du pouvoir par les hommes de 1815. Ce nouveau règne devait-il être aussi court que l'avait calculé la gauche? Elle put le croire.

Le 14 décembre, au sortir de chez le roi, où il venait d'apprendre sa nomination de ministre, M. de Villèle rencontra M. de Serre, dont il allait proposer la succession à M. de Peyronnet, et lui offrit de rester dans la nouvelle combinaison : « Je m'en garderai bien, répondit le chancelier in extremis, vous n'en avez pas pour trois mois. >>

M. de Serre y mettait de la courtoisie; dans les conversations des Tuileries et de la Chambre, on était moins généreux on n'accordait au ministère de la droite que quinze jours d'existence.

Les ministres se présentèrent devant la Chambre le jour même de leur nomination, et leur premier acte fut de retirer le projet de loi pour la prolongation de la censure.

Le rejet de cette loi avait été une des bases de la coalition; le retrait en fut le dernier effet. Les deux alliés retournèrent chacun à ses préférences.

Les ministres pouvaient être embarrassés de leur succès; quelle que fût la valeur personnelle des deux principaux, MM. de Villèle et Corbière, ils ne seraient pas parvenus au pouvoir s'ils n'y avaient été portés par des intrigues de cour et par la coalition parlementaire. Vis-à-vis de la gauche, sa position était bien nette; ce n'était pas par sympathie pour lui qu'elle avait contribué à la chute du duc de Richelieu; il n'était donc tenu de rien faire pour elle ils étaient des ennemis naturels, irréconciliables.

Autre était leur position vis-à-vis de la droite; ils en étaient les chefs, mais à la condition de la servir. Or, quand des hommes arrivent au pouvoir par la victoire d'un parti, s'il y a des idées générales, des principes qu'ils ont le devoir de faire prédominer, il y a aussi des passions excessives, des exigences prématurées ou outrées auxquelles ils ont le devoir de résister; car, autre est la conduite de chefs de parti, autre celle de chefs de gouvernement. Ceux-là n'ont à satisfaire que leurs adhérents, ceux-ci ont à tenir compte de l'opinion du pays. Il y a, dans les partis, des hommes qui ne combattent que par dévouement à une idée; il y en a aussi qui ne se dévouent qu'à leur propre ambition et pour la curée des places.

Ces derniers ne méritent que mépris; mais les chefs victorieux ont le droit de réclamer des premiers un concours actif, que ceux-ci ont le devoir de donner. Si le parti vainqueur négligeait d'occuper les fonctions principales de l'État, les ennemis les garderaient ou s'y glisseraient, et la victoire pourrait en être compromise. Les fonctionnaires, en France, regardent leur place comme une propriété qui leur appartient et qu'ils ont le droit de garder sous tous les gouvernements. Il n'est pas bien sûr que le service y gagne en expérience et en stabilité. Il est certain que la routine en profite à peu près seule, que le caractère de l'homme s'y abaisse, que la considération du fonctionnaire en est amoindrie.

Le ministère du 15 décembre ne se fit pas faute de destitutions et de nominations nouvelles, mais, ne pouvant satisfaire à toutes les cupidités, il eut contre lui et les réclamations de ceux qu'il frappait et les clameurs de ceux qu'il mécontentait. Il usait du droit de la victoire et remplissait le devoir de veiller à sa sûreté. L'opinion publique lui fut hostile, parce que sa victoire était remportée sur la France même par une coterie de cour el une majorité parlementaire que repoussait la nation.

C'était le régime de 1815 qui triomphait, et l'on ne tarda pas à s'en apercevoir.

Deux ambassades étaient vacantes, celles de Londres et de Naples, dont venaient de se démettre MM. Decazes et Narbonne Pelet. La première fut donnée à Chateaubriand, la seconde à M. de Serre dont la santé altérée avait besoin du climat de Naples, et qui n'avait d'ailleurs, pas grand'chose à y faire : l'Autriche y régnait.

D'autres places furent distribuées à de « fidèles >> royalistes; M. de Vatimesnil fut nommé secrétaire général du ministère de la justice.

§ II. LOIS SUR LA PRESSE. En retirant le projet de loi sur la censure, le ministère avait promis à ses amis de la droite d'y substituer autre chose, et il n'avait pas dessaisi la Chambre du projet, présenté aussi par M. de Serre, au nom du cabinet précédent, sur « les délits commis par la voie de la presse. » Le 2 janvier, M. de Peyronnet, accomplissant la promesse faite, déposa un nouveau projet de loi « sur la police des journaux, » qui fut renvoyé à la commission déjà chargée d'examiner le projet de M. de Serre.

Le 14 janvier, la commission déposa son rapport sur le premier des deux projets. Celui-ci arrivait devant la Chambre considérablement modifié, c'est-à-dire aggravé par la commission.

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Aux attaques contre « la morale publique et religieuse, vues en la loi de 1819, le projet de 1821 ajoutait « les attaques contre la religion de l'État et contre toute autre religion légalement reconnue. » La commission faisait ici une différence et doublait l'amende, quand il s'agissait de la « religion de l'État. »

La loi de 1819 punissait les « attaques contre la dignité royale, les droits et l'autorité constitutionnelle du roi. » Le projet de 1821 de la commission effaçaient le mot constitutionnelle, dont le maintien eût semblé livrer aux attaques la personne, les droits et l'autorité du roi, pour toute l'époque antérieure à la promulgation de la Charte. Or il ne faut pas oublier que, pour les purs royalistes, Louis XVIII régnait depuis 1795, et lui-même l'entendait bien ainsi.

A un article du projet de M. de Serre, instituant le délit « d'excitation à la haine et au mépris du gouvernement du roi, la commission ajoutait que cet article ne gênerait en rien le droit de contrôle, de critique et de blâme sur les actes du ministère.

Le projet punissait l'infidélité et la mauvaise foi dans le compte rendu des séances des Chambres et des tribunaux, et investissait du droit de poursuite et de jugement les Chambres et tribunaux intéressés. La commission aggravait la pénalité édictée, en y ajoutant la faculté d'interdire temporairement ou pour toujours au ournal condamné le compte rendu des séances ou audiences de la Chambre ou du tribunal offensés.

Le projet et la commission proposaient l'institution d'un nouveau délit, celui de tenter de troubler la paix publique, en excitant le mépris et la haine contre une ou plusieurs classes de personnes.

Fidèle à la doctrine constamment soutenue par lui, M. de Serre conservait au jury la connaissance des crimes et délits commis par la voie de la presse.

La commission parlementaire transférait la juridiction aux tribunaux correctionnels jugeant en première instance, avec appel devant les cours royales.

La discussion ou, pour employer le vrai mot qui doit caractériser désormais les débats parlementaires sous la Restauration, la bataille sur le projet de la commission s'engagea le 19 janvier 1822, et ne dura pas moins de dix-sept jours.

Avec quelle violence, avec quelle âpreté, avec quel acharnement, que rien ne lassait, que rien ne décourageait, les deux partis se prirent corps à corps, se renvoyèrent les reproches, les accusations,

les injures même ! La passion était égale des deux côtés, et, il faut le dire, la conviction, la sincérité aussi. Tout ce monde d'émigrés, absent de France pendant vingt-cinq ans, ramené dans la patrie et au pouvoir par un coup inespéré de fortune, voulait et croyait pouvoir, de bonne foi, rétablir le régime sous lequel il avait vécu avant 1790. Tout ce qui avait pu se faire depuis n'était qu'une œuvre de révolte et de crime; les plus sages consentaient bien à en tenir compte le moins possible, dans les plus strictes limites de la Charte; mais les exagérés, ceux qu'on pourrait appeler les royalistes radicaux, et c'était toute la droite de la Chambre, reprochaient au roi d'avoir, en concédant la Charte, aliéné des droits dont il n'était que dépositaire, et ils réservaient soit à lui-même, soit tout au moins à son successeur, le pouvoir de retirer ce qui avait élé octroyé. Le successeur était de cet avis. Ce n'était pas pour les séductions qu'on y trouve, qu'ils désiraient le pouvoir, c'était pour accomplir l'œuvre de Restauration.

L'opposition n'était pas moins passionnée : elle défendait l'œuvre de la Révolution. Les temps de cette grande époque n'étaient pas encore si éloignés, que le souffle en fût déjà trop affaibli. Beaucoup de ceux qui alors composaient le parti libéral, avaient combattu, les armes à la main, ces mêmes émigrés, auxiliaires jadis de l'étranger, aujourd'hui rendus, on disait imposés, à la France par l'étranger Lafayette était, dans la Chambre, la représentation vivante de la Révolution et de ces républicains, peu nombreux, qui n'avaieni pas fléchi devant l'Empire. D'autres généraux avaient défendu le sol de la France jusqu'à la dernière heure, et n'avaient quitté qu'avec déchirement les couleurs de la Révolution, devenues celles de la France entière. Si l'immense majorité de la nation avait accueilli avec confiance les Bourbons promettant la paix et la liberté, elle n'entendait les conserver qu'avec ces deux grands biens et tous les droits civils conquis par vingt-cinq ans de luttes ou de possession.

C'étaient deux mondes inconciliables, chacun appuyé sur son droit, celui-là tirant le sien d'un passé disparu sans retour, celuici trouvant le sien dans un présent chèrement payé et se sentant responsable de l'avenir. Aussi le choc était-il toujours violent, tempêtueux; la sincérité, la conviction des combattants donnaient à la lutte un caractère de grandeur qui a souvent manqué aux luttes ultérieures.

Royer-Collard, avec un de ses plus mémorables discours, Manuel

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