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Angleterre, ne lui faisait pas moins peur. Il s'en était formé une sous le nom d'Association nationale, ayant pour objet de créer des moyens de résistance contre le rétablissement des Bourbons. Casimir Périer frappa de révocation des fonctionnaires publics qui avaient adhéré à l'association.

Le premier ministre avait d'ailleurs hautement formulé son programme, le 18 mars, devant la Chambre, en présentant une demande de crédits et il l'avait fait avec une véritable habileté.

« Le principe de la Révolution, disait-il, ce n'est pas l'insurrection, c'est la résistance à l'agression du pouvoir. On a provoqué la France, on l'a défiée, elle s'est défendue, et sa victoire est celle du bon droit indignement outragé; le respect de la foi jurée, le respect du droit, voilà donc le principe de la révolution de Juillet, le principe du gouvernement qu'elle a fondé. »

Le sophisme était spécieux. Mais qu'est-ce que la résistance à l'agression du pouvoir si ne n'est l'insurrection?

« Car, ajoutait-il, elle a fondé un [gouvernement et non pas inauguré l'anarchie; elle n'a pas bouleversé l'ordre social, elle n'a pas touché à l'ordre politique. Elle a eu pour but l'établissement d'un gouvernement libre et régulier. Ainsi, la violence ne doit être ni au dedans ni au dehors le caractère de votre gouvernement: au dedans tout appel à la force, au dehors de toute provocation à l'insurrection populaire est une violation de son principe. Voilà la pensée, voilà la règle de notre politique intérieure et de notre politique étrangère. »

Quoi qu'en dît Casimir Périer, avec la fausse distinction entre l'ordre social et l'ordre politique, qui sont une seule et même chose, la révolution de Juillet y avait opéré un bouleversement radical en substituant la royauté élective à la royauté légitime, la souveraineté de la nation à la souveraineté du ciel.

Il s'arrêtait là, à la vérité, et la grande majorité de la France s'y arrêtait avec lui, mais il se hasardait trop lorsqu'il montrait la Charte comme un cercle infranchissable au delà duquel il n'y avait plus rien à espérer, rien à conquérir. C'est en prétendant poser des bornes immuables à la féconde mobilité de l'esprit humain que les gouvernements arrivent à ces agressions contre lesquelles lui-même proclamait la résistance légitime.

§ IV. LES AUTRICHIENS EN ITALIE. - Au mois de décembre précédent, Laffitte avait expressément formulé devant la Chambre le principe de non-intervention. Si la France consentait à se l'imposer

et à le pratiquer, c'était à condition que les autres gouvernements le pratiqueraient aussi; cependant, au mois de mars 1831, Metternich avait déclaré à l'ambassadeur de France à Vienne que l'Autriche était résolue à intervenir par les armes contre les insurrections italiennes qui avaient éclaté au centre de la péninsule, la guerre avec la France dût-elle en résulter. L'ambassadeur avait donné avis de cette déclaration, qui ne lui semblait pas laisser de chance du maintien de la paix. Le ministre des affaires étrangères, Sébastiani, communiqua cette dépêche au roi, qui n'en donna pas connaissance au président du conseil; ce fut la cause déterminante de la retraite de Laffitte.

Les Autrichiens, en effet, se mirent en marche vers les Romagnes insurgées. Lafayette, à la Chambre des députés, dit : « Je demande formellement à M. le ministre des affaires étrangères s'il n'est pas vrai qu'il a déclaré officiellement que le gouvernement français ne consentirait jamais à l'entrée des Autrichiens dans les pays actuellement insurges de l'Italie ? »

Sébastiani répondit : « Entre ne pas consentir et faire la guerre, il y a une grande différence. » Pour un particulier, sans doute : mais quand un grand pays comme la France déclare qu'il ne consentira pas à un acte annoncé, cela ne signifie pas qu'il le laissera passivement accomplir. Lafayette eut raison de s'écrier qu'une telle conduite n'était pas compatible avec la dignité de la France.

Cependant, on laissa faire; puis, l'année suivante, quand les gouvernements restaurés eurent, à force d'atrocités et de mauvaise gestion, provoqué de nouvelles révoltes, la France ne se contenta pas, comme en 1831, d'envoyer une escadre croiser sur les côtes d'Italie.

SV. LA COLONNE, LA REINE HORTENSE. Le 8 avril, une ordonnance royale avait prescrit le rétablissement de la statue de Napeléon sur la colonne de la place Vendôme. Le 5 mai, ce monument devint le but d'hommages rendus par d'anciens soldats de l'empire au souvenir de leur chef. Des rassemblements se formèrent sur la place, il y eut des cris de: Vive l'empereur! Le général Lobau, ne voulant pas employer des moyens violents de répression, fit avancer les pompiers, dont la caserne était voisine et, fit jouer les pompes sur les attroupements, que cette pluie artificielle dissipa.

En ce moment même, l'ex-reine Hortense était à Paris, avec son second fils, qu'elle ramenait malade d'Italie, où son autre fils était mort dans l'insurrection des Romagnes. Hortense avait été reçue en

secret par Louis Philippe et sa famille; Casimir Périer lui avait fait aussi une visite secrète, car l'ex-reine était sous le coup de la loi, non encore modifiée, qui proscrivait la famille Bonaparte. Sans lui attribuer aucune connivence dans les démonstrations de la place Vendôme, où elle logeait, le gouvernement crut devoir l'engager à s'éloigner, en lui fournissant les pièces officielles dont elle avait besoin afin de passer en Angleterre et, plus tard, pour se rendre en Suisse en traversant la France.

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§ VI. PROCÈS DES ARTILLEURS. VENDÉE. Dans le courant d'avril, la cour d'assises de la Seine eut à juger une accusation de complot dirigée contre des artilleurs de la garde nationale. Les pièces de cette légion étaient remisées dans la cour du Louvre. Pendant le procès des ministres de Charles X, le bruit avait été répandu que les artilleurs de quelques batteries étaient d'accord avec la population qui voulait la mort des prisonniers, et qu'ils devaient tourner, avec leurs pièces, du côté de l'émeute. Une instruction judiciaire en renvoya devant les assises un certain nombre parmi lesquels se trouvaient Ulysse Trélat, Godefroy Cavaignac et Guinard. Les charges relevées contre les accusés étaient légères et furent facilement combattues. L'intérêt de l'affaire fut surtout dans l'attitude des accusés, dans les paroles que plusieurs, et notamment Trélat, Cavaignac et Guinard prononcèrent, non pour se défendre mais pour proclamer hautement leurs opinions républicaines.

Tous les accusés furent acquittés, aux applaudissements d'une foule considérable.

Ce fut la profession de foi presque solennelle du parti républicain, faite par de jeunes hommes ardents, chevaleresques, éloquents, qui revendiquaient avec honneur les traditions patriotiques de la Révolution et de la Convention nationale. Cette ardeur même, qui faisait leur prestige, devint funeste au parti entier, qu'elle précipita trop souvent à des prises d'armes. De l'époque dont ils se plaisaient à rappeler les grandioses efforts, on leur opposa les terribles expédients; on effraya les imaginations, on alarma les intérêts, et pour beaucoup, le mot république fut le synonymne de désordre, de violence, d'anarchie.

Un autre parti, ayant des traditions bien différentes, le parti légitimiste, s'agitait aussi et tentait de ranimer dans l'ouest de la France l'esprit de la Vendée de 1793. Ses menées n'avaient pas beaucoup de succès. Cependant le gouvernement jugea prudent d'exercer une active surveillance et envoya dans les départements travaillés

par les carlistes le général Bonnet, investi de pouvoirs spéciaux, mais non exceptionnels.

§ VII. VOYAGES DU roi. - Du 18 au 28 mai, Louis-Philippe visita la Seine-Inférieure et une partie du département de la Somme. Du 6 juin au 1er juillet, il fit une tournée dans les départements de l'Est. Il reçut partout cet accueil empressé que ne manquent jamais d'attirer un nouveau gouvernement et un spectacle officiel. Il y eut cependant une vive et vraie sympathie pour le roi « scrti des barricades. » Les populations rurales étaient peu accessibles aux causes secondaires qui émouvaient les Parisiens; elles ne savaient pas mauvais gré à Louis-Philippe de son éloignement pour la guerre.

CHAPITRE V

Dissolution de la Chambre. Élections. - Affaire de Portugal.

L'adresse.
Invasion de la Belgique.

1831.
de Varsovie.

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- Session de

Prise

Cour des pairs. Hérédité de la pairie. - Bannissement des Bourbons. Scandales judiciaires. Insurrection de Lyon. - Algérie.— Lettres, arts,

sciences.

Étranger.

§ I. DISSOLUTION DE LA CHAMBRE. Entre ces deux voyages, le roi signa, le 31 mai, une ordonnance portant dissolution de la Chambre, qui avait déjà été prorogée le 3 mai. Les colléges électoraux furent convoqués pour le 5 juillet et les Chambres pour le 9 août. Une autre ordonnance, du 22 juin, rapprocha cette dernière date au 23 juillet.

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§ II. ELECTIONS. Les élections, sur lesquelles le gouvernement s'abstint de toute pression illicite, ramenèrent 222 des députés de 1830; il y en avait 195 nouveaux; 34 élections doubles devaient amener 17 réélections; 1 élection était à recommencer à Marseille. Deux cent trois députés sortants n'avaient pas été réélus. Comme on pouvait le prévoir, la majorité de la nouvelle Chambre était favorable au gouvernement.

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§ III. AFFAIRE DE PORTUGAL. La France était encore dans l'émoi de la lutte électorale, quand on apprit un fait d'armes auquel ne prêta pas une attention suffisante l'opinion publique, qui sait rarement s'occuper de deux questions à la fois.

Le gouvernement de don Miguel avait, sans motifs plausibles, maltraité deux Français, puis refusé les réparations demandées par la France. Le gouvernement résout de les exiger par la force. Une es

cadre, aux ordres du contre-amiral Roussin, fut envoyée devant Lisbonne. L'amiral réitéra la demande déjà faite, menaçant, si elle n'était pas accueillie, de forcer l'entrée du Tage. Nouveau retus. Le 7 juillet, l'amiral, à la tête de l'escadre, franchit l'entrée du port, éteignant avec ses canons le feu des défenses et vient s'embosser devant Lisbonne. Le gouvernement portugais faisant mine de vouloir gagner du temps, Roussin menace de bombarder la ville, si sous vingt-quatre heures ses conditions ne sont pas acceptées. Le soir même, tout ce qu'il exigeait était consenti. L'escadre portugaise, prisonnière de guerre, fut ramenée à Brest; don Miguel avait refusé de l'échanger contre quelques prisonniers politiques réclamés par l'amiral.

Forcer les passes du Tage était une opération réputée impossible, ce fut un grand honneur pour la marine française de l'avoir exécutée avec autant de succès que de précision. L'effet en fut moindre en France qu'en Angleterre, où la jalousie nationale rendit, par sa mauvaise humeur, hommage à l'escadre française.

§ IV. SESSION DE 1831. Le roi vint au palais Bourbon, le 25 juillet, ouvrir la session des Chambres. On attendait surtout ce qu'il dirait de la Pologne. Il annonça qu'il avait offert sa médiation et provoqué celle des autres puissances pour arrêter l'effusion du sang et assurer aux Polonais, « cette nationalité qui a résisté au temps et à ses vicisitudes. >>

Pour la présidence de la Chambre, l'opposition portait Laffitte ; le ministère M. Girod (de l'Ain). Ce dernier eut 181 voix contre 176 données à son concurrent. La majorité acquise au ministère était donc seulement de cinq voix, et trois ministres avaient voté. Pour la vice-présidence, les deux premiers élus appartenaient à l'opposition, les deux autres à la majorité ministérielle.

Casimir Périer, vivement froissé de cet acte d'hostilité, remit sa démission au roi et entraîna celles de MM. Louis et Montalivet.

C'était une crise grave qui éclatait au début de la session, sur une question de personnes et non de principes ou de conduite politiques, avant que la Chambre eût eu l'occasion de se prononcer sur le système du ministère.

Un événement imprévu vint y mettre fin et donner de la force au gouvernement.

§ V. INVASION DE LA BELGIQUE.

A la suite du refus fait par Louis-Philippe d'accepter le trône de Belgique pour le duc de Ne

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