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dénonçait la proximité d'une armée française. Il y eut là une véritable trahison que des sentiments politiques ne sauraient atténuer. Bourmont était libre de ne pas servir Napoléon: mais, ayant accepté du service, il ne devait plus l'abandonner.

A Charleroi, Napoléon fut rejoint par le maréchal Ney, auquel il donna le commandement de deux corps (environ 43,000 hommes), avec ordre d'aller occuper au plus tôt la position des Quatre-Bras, pour empêcher les Anglais de porter secours aux Prussiens.

Ceux-ci, surpris par l'attaque française, plièrent et reculèrent; un de leurs corps cependant résista assez pour donner au reste de l'armée le temps de se rallier. Napoléon ne les poussa pas davantage ce jour-là. Ney, entendant le canon derrière lui, revint vers Napoléon, qui le renvoya, en le pressant d'aller aux Quatre

Bras.

§ II. BATAILLE DE LIGNY.-Le 16, Napoléon fait ses dispositions pour livrer bataille aux Prussiens, expédie de nouveau à Ney l'ordre de s'emparer des Quatre-Bras, et, cela fait, de détacher une quinzaine de mille hommes, pour prendre les Prussiens à revers.

C'est seulement dans l'après-midi, entre deux et trois heures, que Napoléon commence l'attaque. Le général Vandamme enlève le village de Saint-Amand, mais ne peut le dépasser, arrêté par un violent feu d'artillerie : Gérard se jette sur Ligny et l'arrache aux Prussiens, qui vainement tentent plusieurs fois de le reprendre. Pendant ce temps, Napoléon envoie encore un ordre pour presser Ney, et expédie Labédoyère pour ramener une des divisions du maréchal.

Napoléon fait avancer sa réserve pour tourner les Prussiens, dont toutes les forces sont engagées. Ligny est attaqué de face et de flanc. Blucher se lance à la tête de trois régiments de cavalerie pour rompre les Français, et manque de périr ou d'être pris dans cette charge désespérée. Enfin, à huit heures du soir, les Prussiens se mettent en retraite dans la direction de Wavre, afin de se réunir aux Anglais.

L'armée ennemie n'était que vaincue, elle aurait dû être anéantie. Mais, aux Quatre-Bras, Ney avait attaqué tardivement, ce qui avait donné à Wellington le temps de renforcer le détachement, placé là en observation. Ney eut affaire à 40,000 hommes, tandis que luimême n'en avait guère que la moitié, une de ses divisions faisant d'inutiles contre-marches, sans servir ni aux Quatre-Bras que Ney ne put occuper, ni à Ligny, où elle devait envelopper les Prussiens.

Ney réussit seulement à empêcher les Anglais de porter secours à leurs alliés.

A Ligny, les Français eurent 6,800 hommes tués ou blessés; les Prussiens y laissèrent 10,000 morts; on n'avait pas fait de prisonniers. Huit mille hommes des contingents allemands se débandèrent après la bataille et se dispersèrent. Napoléon crut à une déroute de toute l'armée prussienne et ne la fit pas poursuivre; il négligea aussi d'informer Ney de la victoire de Ligny.

Dans la journée du 17, Napoléon apprit les nouvelles des QuatreBras el réitéra encore à Ney l'ordre de déloger les Anglais, ajoutant que, si le maréchal avait a faire à toute l'armée anglaise, il lui en donnât avis. Dans ce cas, Napoléon irait à son secours.

Puis, l'empereur passa ses troupes en revue, visita les blessés et divisa son armée en deux parties. Il donna l'une, forte de 33,000 hommes et 96 piéces au général Grouchy, avec ordre de poursuivre les Prussiens, de les attaquer, de ne pas les perdre de vue et de se tenir toujours en communication avec lui, Napoléon, par la route des Quatre-Bras.

De sa personne, l'empereur avec 70,000 hommes et 240 pièces, laissant une division à Saint-Amand, allait se joindre au maréchal Ney et combattre les Anglais, s'ils essayaient de tenir en avant de la forêt de Soignes.

Grouchy fit observer à Napoléon que les Prussiens avaient une avance de quatorze heures, qu'on ignorait la direction exacte prise par eux, que son corps d'armée était, il est vrai, supérieur en nombre à celui de Bulow, mais que celui-ci n'avait pas été engagé à Ligny, et que, si les deux corps prussiens s'étaient réunis, ils compteraient encore 90,000 hommes contre 33,000 Français; que ses troupes n'étaient pas en mesure de partir sur-le-champ; qu'enfin, en poursuivant les Prussiens par la route de Namur, comme le voulait Napoléon, tandis que l'armée impériale se dirigerait vers les Quatre-Bras, les deux corps français mettraient entre eux une distance qui s'augmenterait incessamment. Napoléon maintint ses ordres.

Toutefois, dans la soirée, Napoléon donna des instructions supplémentaires au maréchal pour le cas où les Prussiens chercheraient à opérer leur jonction avec les Anglais. Mais, si les Prussiens avaient ce projet, ce n'était pas par la route de Namur qu'ils pouvaient l'exécuter; il fallait donc les chercher dans une autre direction. C'est ce qui 72 fut pas fait.

Grouchy ne put se mettre en route qu'à deux heures et, marchant par des chemins défoncés, sous une pluie battante, arriva seulement à sept heures à Gembloux, où il ne recueillit que de vagues informations; il les transmit à Napoléon, qui renouvela les ordres déjà donnés.

Cependant Blucher avalt activement employé les loisirs que lui laissait Napoléon; ses différents corps et lui-même avaient marché toute la nuit du 16 au 17, toute la journée du 17, et, le soir de ce jour, l'armée prussienne tout entière, soit environ 90,000 hommes, était concentrée à Wavre.

Dans la journée, un officier, expédié par Blucher, avait annoncé Wellington la perte de la bataille de Ligny et la marche des Prussiens. Wellington répondit qu'il allait se retirer dans la direction de Bruxelles et qu'il livrerait bataille, le lendemain, à MontSaint-Jean, s'il pouvait compter sur deux corps prussiens.

Wellington put opérer sa retraite sans être sérieusement inquiété par Ney. Napoléon arriva, vers 6 heures du soir, à la BelleAlliance, ferme distante de trois kilomètres du plateau de MontSaint-Jean, où était concentrée l'armée anglo-hollandaise. Il était alors trop tard pour engager la bataille. Mais, si Napoléon, actif comme il l'était autrefois, comme l'était en ce moment le vieux Blucher, n'eût pas perdu toute la journée du 17, il serait arrivé aux Quatre-Bras de manière à attaquer Wellington en plein mouvement de retraite, sans secours possible des Prussiens, et il eût gagné, le 17, la bataille qu'il allait perdre le 18.

§ III.

WATERLOO.

Le plateau de Mont-Saint-Jean, que couronnait l'armée de Wellington, était à quatre kilomètres en avant d'un petit village appelé Waterloo, où le général anglais avait son quartier général, et situé à 15 kilomètres de Bruxelles, avec lequel il communiquait par une route ouverte dans la forêt de Soignes, unique et dangereuse ligne de retraite.

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Dans la soirée, Wellington reçut de Blucher cette réponse à sa dépêche du même jour : « J'irai vous rejoindre non-seulement avec deux corps, mais avec mon armée tout entière. Si l'ennemi ne vous attaque pas le 18, nous l'attaquerons ensemble le 19. »

Cette position de Mont-Saint-Jean, Wellington la connaissait bien. Dès l'année précédente, il l'avait remarquée, étudiée, désignée comme champ de bataille.

Dans l'armée française, personne ne la connaissait, bien qu'elle fût à quelques heures seulement de la frontière, et l'on ne possédait

aucune carte exacte de cette région; pourtant la Belgique avait appartenu à la France pendant vingt ans.

Les Français occupaient une espèce de demi-cercle de collines d'où l'on descendait, en pente douce, dans un vallon, au delà duquel le terrain se relevait pour former une autre colline sur le faite de laquelle était rangée l'armée anglaise. L'accès de ce plateau semblait facile, car, de loin, on n'apercevait pas un chemin creux, allant au village d'Ohain, qui, coupant le flanc de la colline, défendait le plateau par un large et profond fossé, au dela duque! le terrain était très-escarpé. En outre, la position anglaise était protégée, à droite, par la ferme ou château d'Hougoumont; au centre, par la ferme de la Haie-Sainte; à gauche, par le château de Frichemont et le village de Smohain.

Napoléon avait son quartier général à une ferme dite du Caillou. La pluie avait tombé toute la journée du 17, toute la nuit suivante et le matin du 18. Il fallut laisser passer quelques heures pour que l'artillerie pût manoeuvrer sans embourber ses pièces.

L'armée française comptait 72,000 hommes présents, dont 15,000 de cavalerie, avec 240 canons. Wellington avait 70,000 hommes, dont 13,500 de cavalerie, et 159 pièces. Les forces étaient donc à peu près égales, mais les Anglais avaient l'avantage du terrain.

Napoléon se proposait d'attaquer la gauche de l'ennemi pour le séparer des Prussiens, le couper de la route de Bruxelles et le rejeter dans un pays où il ne pouvait trouver aucune ressource. Le premier coup de canon fut tiré un peu après 11 heures et demie.

Pour masquer et favoriser l'effort projeté contre la gauche anglaise, Napoléon en faisait attaquer la droite au château d'Ilougoumont. Toutes les murailles en étaient crénélées, de sorte que l'ennemi, bien abrité, tirait en visant sur les Français tout à fait découverts. On resta plusieurs heures à tourner inutilement autour du château jusqu'au moment où Napoléon, impatienté de cette résistance, envoya du canon qui entama cette espèce de citadelle; les bâtiments furent enlevés, mais les jardins restèrent au pouvoir de l'ennemi.

Un grave incident s'était produit vers une heure. Des têtes de colonnes s'étaient montrées dans la direction de Wavre. Napoléon les fit reconnaître et apprit que c'était le corps prussien de Bulow, fort de 30,000 hommes. Cette arrivée imprévue changeait, au profit de l'ennemi, la proportion numérique des deux armées. Napoléon

détacha Lobau avec 10,000 hommes, en lui ordonnant de choisir une position où il pût avec avantage tenir les Prussiens en échec. Pendant ce temps, Ney avait conduit contre la gauche anglaise une attaque furieuse qui rencontra une résistance non moins furieuse, devant laquelle il fut obligé de se retirer, après de grandes pertes respectives.

La Haie-Sainte était l'objet d'un combat semblable à celui d'Hougoumont. Le verger fut pris et repris. Dans un mouvement de retraite des Anglais, une division de cuirassiers français les sabra, ́les poursuivit, et, dans un élan irrésistible, arriva sur le plateau de Mont-Saint-Jean, rompit l'infanterie hanovrienne, formée en carrés, et la détruisit en partie. Les gardes anglaises, lancées par Wellington, repoussèrent les cuirassiers jusque dans le vallon.

A trois heures de l'après-midi, le feu roulait sur toute la ligne des deux armées sans résultat marqué.

Napoléon modifie alors son plan primitif, abandonne l'attaque de gauche et se résout à tenter d'enlever, au centre même, la position du Mont-Saint-Jean. C'est encore le maréchal Ney qui conduit l'attaque. La Haie-Sainte est emportée; Wellington, pour abriter son infanterie, que le feu de l'artillerie française décime au bord du plateau, la fait reculer derrière un pli de terrain. Ney, croyant àun mouvement de retraite, appelle à lui quatre régiments de cuirassiers, se met à leur tête, et, malgré une grêle de boulets, arrive sur le plateau. Les Anglais sont là, impassibles, formés en carrés dans lesquels est retirée l'artillerie. Les cuirassiers se précipitent comme une avalanche sur les carrés, écrasant des files entières, ouvrant des brèches dans cette muraille humaine: mais les rangs se resserrent, les brèches se referment, les carrés ne rompent pas. Ney fait avancer quatre autres régiments de cuirassiers. Toute cette cavalerie tourbillonne avec fureur sur le front des carrés, qui tiennent opiniâtrément. Cette effroyable mêlée met le désordre dans les escadrons français; Wellington le voit, et lance sur eux trois brigades de cavalerie. Les cuirassiers sont ramenés et poursuivis par les Anglais. A son tour, Ney charge ceux-ci avec les lanciers et les chasseurs de la garde, les rejette sur le plateau, les y suit, mais, refoulé par le feu d'artillerie, il redescend en bon ordre.

Il était alors cinq heures du soìr. L'armée anglaise n'était entamée nulle part. Vers la gauche, Blucher, arrivé de Wavre, avait fait attaquer par Bulow le général Lobau, qui tint bon.

Cependant Ney, voyant sa cavalerie décimée par les batteries an

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