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formément à l'article 644, et que l'entreprise, qui lui serait reprochée, ne constituerait pas, en soi, un abus de jouissance, mais c'est que, alors, la faculté légale, que lui accordait l'article 644, se trouve atteinte et intervertie par la possession contraire, qu'il a laissé acquérir à l'autre riverain; et dès que cette possession annale s'est exercée, comme nous le supposons, par des entreprises, qui ont restreint, à son préjudice, l'exercice du droit que l'article 644 lui concédait, il ne peut plus dire que c'était, de sa part, un acte de pure faculté d'user ou de ne pas user de cette concession; la vérité est qu'il était, au contraire, mis en demeure d'en user ou du moins de faire cesser l'obstacle, par lequel l'autre riverain s'interposant, pour ainsi dire, entre lui et la loi, attentait à cette faculté que la loi leur concédait également, et détournait la concession à son profit (voy. supra, n° 178; comp. sur cette distinction, Cass., 16 janvier 1856, Lecout, Dev., 1856, I, 577; Cass., 17 févr. 1858, SaintOuen, Dev., 1860, I, 491; Cass., 12 mai 1862, Barrès, Dev., 1862, 1, 769; Devilleneuve, Observations, 1846, I, 401; Lévesque, Observations J. du P., 1860, p. 691; Carette, Observations; Dev., 1862, I, 769-771; Cass., 16 janv. 1866, Lefillâtre, Dev., 1866, I, 101).

N@ 3.

Sous quelles conditions et dans quelles limites peut être exercé le pouvoir réglementaire, que l'article 645 accorde, en cette matière, aux tribunaux?

1 185.

SOMMAIRE.

Les riverains sont appelés à une jouissance indivise du cours d'eau; et le législateur, qui ne pouvait pas en faire entre eux, a priori, la répartition, a confié ce soin soit à l'autorité judiciaire, soit à l'autorité administrative.

186. De la mission de l'autorité judiciaire.

ment? Division.

Quel en est le fonde

187. 1o Dans quels cas les tribunaux peuvent-ils statuer sur ces sortes

d'affaires?

188. Suite.

189.-Suite.

190.

2o Suivant quelles règles, et comment les tribunaux doivent-ils alors statuer?

191. Suite. Des cas où il existe des règlements particuliers.

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Des règlements locaux.

193. - Suite. — Il ne faut pas confondre les règlements avec les simples autorisations.

194.- Suite. Des usages non écrits.

195. Lorsqu'il n'existe aucun règlement, les magistrats exercent un pouvoir modérateur et discrétionnaire.

196.

197.

198.

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Suite.
Suite.

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Exemples.

3o Quel est l'effet des décisions rendues par les tribunaux en ces sortes d'affaires?

199.

Observation générale sur la mission de l'autorité administrative en ce qui concerne les cours d'eau.

185. Les riverains ne sont, comme nous venons de le voir, que de simples usagers; et les droits de jouissance que la loi leur confère, sont nécessairement indivis; il était bien impossible d'en régler d'avance le partage, et de faire a priori une répartition, dont les circonstances si diverses et si nombreuses de chaque espèce, peuvent seules founir les éléments.

Mais l'indivision, pourtant, est une des sources les plus fécondes de querelles ; et c'est surtout en ce qui concerne la jouissance commune des cours d'eau, que l'expérience a dès longtemps démontré cette vérité; au point que c'est du nom même des riverains, rivales, rivalibus, que paraissent être venues les expressions qui désignent, dans notre langue, les sentiments les plus vifs de con currence et d'antagonisme : rival, rivalité (L. 1, § 26, et L. 3, § 5, ff. de aqua quotid. et æstiv.; Villemain, Dict. de l'Académie, disc. prélim.).

Le législateur devait done, dans l'intérêt privé des ri. verains non moins que dans l'intérêt général de la société, afin de prévenir le désordre et l'anarchie, qui seraient inévitables, si chacun avait le droit de jouir des eaux, autant, quand et comme il voudrait, le législateur, disons-nous, devait conférer à une autorité supérieure le

pouvoir d'organiser, en pratique, la concession législative qu'il faisait aux riverains (comp. Cass., 7 nov. 1876, Hocloux, Dev., 1878-1-105.).

Deux autorités sont chargées de cette mission, chacune à un point de vue tout à fait différent et dans une sphère d'action très-distincte :

L'autorité judiciaire, en vertu de notre article 645;

Et l'autorité administrative, en vertu des lois qui lui confèrent, sur tous les cours d'eau sans exception, une tutelle providentielle (supra, no 171, art. 714).

Nous n'avons à nous occuper ici que de l'article 645, qui seul est de notre domaine; mais en déterminant le caractère de la mission du pouvoir judiciaire, en ces circonstances, nous ferons, par cela même, connaître en même temps le caractère de la mission qui appartient à l'autorité administrative.

186. Aux termes de l'article 645:

<< S'il s'élève une contestation entre les propriétaires <«< auxquels ces eaux peuvent être utiles, les tribunaux, « en prononçant, doivent concilier l'intérêt de l'agricul << ture avec le respect dû à la propriété; et, dans tous les <«< cas, les règlements particuliers et locaux sur le cours << et l'usage des eaux doivent être observés. »

Il faut bien se garder de croire que cet article accorde aux tribunaux un pouvoir exceptionnel et qui serait en dehors du caractère normal de leurs attributions. La compétence que leur confère l'article 645 en est, au contraire, une conséquence toute naturelle.

Il ne s'agit pas en effet, ici, pour les magistrats, de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire; la défense qui leur est faite, à cet égard par l'art. 5 de notre Code, est applicable à toutes les affaires, sans excepter celles qui concernent les cours d'eau.

Voici le véritable fondement de la compétence que l'article 645 attribue, en ces sortes d'affaires, aux magistrats: C'est le pouvoir judiciaire qui est, de droit commun, com

pétent pour prononcer sur les contestations que fait naître, entre les copropriétaires ou co-usagers, la jouissance d'une chose indivise; et il peut, en conséquence, arrêter entre eux un règlement ou un partage de jouissance;

Or, les riverains ne sont que des co-usagers dont la jouissance est indivise;

Donc, il n'y a rien que de très-conforme aux règles du droit commun sur la compétence, à voir les magistrats chargés de prononcer sur les prétentions individuelles des riverains, lorsqu'ils se disputent entre eux des droits d'usage, qui constituent, comme nous l'avons dit, dans leur patrimoine, de véritables biens, soumis en tant qu'il ne s'agit que de leurs intérêts privés, aux règles de la loi commune, soit quant au fond, soit quant à la forme.

Cette idée une fois comprise, il nous sera facile de déterminer :

1o Dans quels cas les tribunaux peuvent statuer sur ces sortes d'affaires;

2° Suivant quelles règles, et comment;

3o Quel est enfin l'effet de leurs décisions en pareil cas. 187.-1° Les tribunaux ne peuvent prononcer, dans ces sortes d'affaires comme dans toutes les autres, que lorsqu'ils sont saisis par les parties intéressées, qui leur défèrent la décision du litige privé qui s'élève entre elles (voy. notre t. I, n° 109).

C'est effectivement devant l'autorité judiciaire que les riverains doivent se pourvoir en règle générale, pour faire décider les contestations particulières qui naissent, entre eux, sur leurs intérêts privés et individuels (comp. Cass., 8 nov. 1836, Sellière, D., 1836, 1, 411; arrêt du conseil du 4er sept. 1825).

Et voilà bien ce que déclare notre article 645 : « S'il « s'élève une contestation entre les propriétaires auxquels « ces eaux peuvent être utiles....... >>>>

Les tribunaux peuvent d'ailleurs être saisis, soit au possessoire, soit au pétitoire (supra, no 184).

L'action peut avoir pour cause un fait particulier, une entreprise quelconque, consommée ou simplement tentée par l'un des riverains à l'encontre de l'autre, qui en nie la légitimité; et, dans ce cas, les magistrats, après avoir prononcé sur l'objet déterminé du litige, peuvent régler, entre les parties contendantes (au pétitoire seulement, bien entendu), le mode de jouissance des eaux. La demande d'un règlement de ce genre est, en effet, toujours virtuellement comprise, aux termes de l'article 645, dans les conclusions des parties; et la vérité est que la décision, qui le renferme, statue sur la demande des parties, dont le but, finalement, est de faire cesser, pour l'avenir, les difficultés qui les divisent (comp. Cass., 18 déc. 1865, Baboin, Dev., 1866, I, 55; Cass., 19 juill. 1865, Syndicat de l'étang de Raynans, Dev., 1866, I, 163; Daviel, des Cours d'eau, t. III, no 990).

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188.-Rien ne s'oppose, du reste, à ce que, indépendamment même de toute entreprise particulière, les riverains contendants saisissent, de part et d'autre, les magistrats par une demande directe, afin d'obtenir un règlement d'eau. C'est ainsi que le partage peut être demandé en justice, lorsque les communistes ne peuvent pas s'entendre à l'amiable; et, encore une fois, le règlement dont il s'agit a le caractère d'un partage judiciaire de jouissance entre les riverains usagers (comp. Duranton, t. V, n° 216 et suiv.; Demante, Cours analyt., t. II, no 496 bis, I).

189. Il est bien entendu d'ailleurs que les tribunaux sont compétents, à cet effet, dans les deux hypothèses prévues par l'article 644, et qu'ils peuvent régler le mode de jouissance, non seulement entre les deux riverains latéraux, mais aussi entre les riverains supérieurs et les riverains inférieurs (supra, no 166; comp. Cass., 20 janvier 1840, Beudon, Dev., 1840, 1, 207; Cass., 15 avril 1845, Hillerin, et le rapport de M. le conseiller Mesnard, Dev., 1845, 1, 585; Merlin, Rép. v° Cours d'eau, no3; Pardessus, t. I, p. 283).

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