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LE CONGRÈS DE VIENNE

DANS SES RAPPORTS

AVEC LA CIRCONSCRIPTION ACTUELLE

DE L'EUROPE.

On vient de faire la récente expérience de tout ce qu'a d'important pour un pays l'étude du droit diplomatique. Une nation telle que la France n'est pas née d'hier; elle ne date pas exclusivement de ce chiffre égoïste de 1789 que notre orgueil pose tout le monde comme la dernière limite de l'esprit humain. Les traités des XVII et XVIIe siècles viennent d'être invoqués comme s'ils étaient faits de la veille et les transactions d'Utrecht sont expliquées

à

et commentées avec la jeunesse et la nouveauté de

nos jugemens.

Cette direction d'idées a placé les esprits dans une situation particulière; les caractères les plus paresseux se sont vus forcés à travailler, à fouiller bien ou mal; on s'est aperçu que l'étude du passé était bonne à quelque chose et que notre grande histoire formait un tout, avec son passé, son présent et son avenir.

L'insuffisance de l'éducation politique et la vanité des jugemens sont un peu les défauts de notre époque; la génération nouvelle parle, agit, condamné ou absout sans connaître les faits; elle veut régir l'Europe sans en savoir le Code.

Prenons un exemple récent. On a dit partout dans la presse plus ou moins éclairée: «< la réunion de Cracovie à l'Autriche a brisé les traités de Vienne; donc ces traités ne nous obligent plus, et nous pouvons relever les fortifications d'Huningue.

"

Oui, l'article vi de l'acte final du congrès de Vienne a été violé par l'acte qui réunit Cracovie à l'Autriche, nul n'en doute; mais ce n'est pas cet acte final qui a prescrit la démolition des ouvrages d'Huningue; c'est le traité signé à Paris le 20

novembre 1815, tandis que le congrès de Vienne avait clos ses travaux le 9 juin de la même année. Cette confusion a donné des armes à la polémique de l'Observateur autrichien ; et c'est une faute.

Ce n'est pas l'Europe qui a imposé la démolition des fortifications d'Huningue, mais les négocians de Bâle qui l'ont demandée pour s'éviter dans l'avenir un bombardement semblable à celui que le général Barbanègre leur avait fait subir en 1815.

Nous citons ces faits parmi cent autres; le patriotisme n'est pas toujours éclairé, ni studieux; il déclame avec plus d'énergie que de science. Il ne faut pas lui en faire un reproche: rien n'est moins dans le vrai que la poésie ou l'enthousiasme; et pourtant lorsque l'enthousiasme se lie à l'honneur de la patrie, il est noble même dans ses erreurs.

J'ai résolu encore d'aider l'étude de nos affaires diplomatiques par l'intelligence et la publicité des faits réels et des documens positifs.

Ce petit livre ne veut être qu'un manuel à l'usage de la discussion des Chambres et de la polémique des journaux ; il est destiné à éviter beaucoup de recherches spéciales aux hommes de tribune, aux fonctionnaires, aux gens du monde

qui s'occupent dans leur salon des affaires de ce pays. On fait tant de théorie que je me sens toujours porté à ramener les questions à leur réalité.

Le congrès de Vienne a fixé les bases du droit public actuel de l'Europe; il a été la conséquence du plus grand des bouleversemens à l'époque moderne, la révolution française et les conquêtes de Napoléon. C'est ce congrès dont on invoque journellement les actes et dont peu de personnes connaissent les dispositions précises.

Il m'a paru important d'en détailler les circonstances, les particularités, en ce qui touche les diverses souverainetés européennes et la circonscription des Etats.Tel est le but de ce travail qui ne sera ni éloquent ni magnifique d'expressions; je me défends de ces sortes de triomphe en notre temps.

Je résume d'abord quelques idées générales qui peuvent servir à l'étude du droit public.

On appelle congrès dans la langue diplomatique, les grandes réunions de souverains ou de ministres qui ont pour but non pas seulement la constitution d'un Etat particulier, mais la solution définitive d'un ensemble de questions qui touchent au droit général de l'Europe. Ce sont en quelque

sorte les conciles diplomatiques; en quoi ils diffèrent des conférences, simples réunions de ministres, ayant pour objet une question spéciale plus ou moins grande, mais néanmoins particulière. On distingue parmi les congrès :

1° Celui de Munster, qui finit par la paix de Westphalie (1648);

2° Celui de Nimègue, tenu sous l'influence des deux médiateurs, le pape et le roi d'Angleterre (1676, 1677, 1678 et 1679) dont la conséquence fut la paix signée entre la France et la Hollande le 10 août 1678 et le 5 février 1679 entre Louis XIV et l'Empereur;

3° Celui de Riswick (1697). La France, l'Espagne, l'Angleterre et la Hollande y signèrent la paix, le 20 septembre, par la médiation de Charles XII, roi de Suède; l'empereur fit un traité particulier le 30 octobre;

4° Celui d'Utrecht (1712 et 1713), véritablement capital, quoique l'Autriche n'eût définitivement traité qu'à Rastadt (6 mars 1714);

5° Celui d'Aix-la-Chapelle (1747 et 1748);
6° Celui de Teschen (1779).

Depuis la révolution française, il y a eu des

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