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Milady Montagu décrit bien, raconte d'une manière piquante; on regrette de trouver dans ses lettres les traces d'une coquetterie froide, et d'une prudence de calcul dont les lettres de madame de Sévigné sont entièrement exemptes.

Les femmes devaient réussir dans le genre qui demande le plus d'abandon et de delicatesse; c'est à elles qu'appartiennent l'éloquence des émotions et la grâce des details: il n'y a peut-être pas de femme qui, douée de quelques facultés de l'esprit, n'ait eu l'occasion d'écrire dans sa vie des modèles de style épistolaire. Pope lui-même, dans sa belle épître d'Héloïse, a de la peine à atteindre à la perfection des lettres originales.

Horace Walpole, en Angleterre, le pape Ganganelli, en Italie, et surtout Voltaire, en France, ont fait, en se jouant, des lettres charmantes et précieuses pour l'histoire de l'esprit humain. Le grand seigneur se montre davantage dans les lettres de l'Anglais, le politique dans celles du pape italien, et l'homme de génie dans celles de Voltaire, qui offrent l'exemple le plus complet et le plus brillant de ce qu'il peut y avoir d'ironie, d'esprit, de verve et de bon sens dans le commerce épistolaire le plus libre et le plus négligé.. E. J. ÉPITAPHE. En grec impio, d'i'ni, sur, et rapes, tombeau.

Les Grecs désignaient ainsi les vers que l'on chantait en l'honneur d'un mort au jour de ses funérailles, et à l'anniversaire de ce jour.

Aujourd'hui, l'on ne donne ce nom qu'à l'inscription qu'on met sur un tombeau. L'épitaphe a pour objet de faire connaître le caractère, la condition et les actions de l'individu à la mémoire duquel le monument est consacré. Elle doit donc être claire et simple: si à ce mérite elle joint celui de la concision, elle sera parfaite. Telle est celle du général Mercy, qui fut enterré sur le champ de bataille de Nordlingue, où il avait été blessé mortellement:

Sta, viator, heroem calcas.
« Arrête, voyageur, tu foules un héros. »

C'est une epitaphe ingénieuse que celle qui se lit à Saint-Paul de Londres, sur la pierre sépulcrale de Christophe Wren, architecte de cette métropole :

Si monumentum queris, circumspice.

« Si tu cherches son monument, regarde autour de toi, »

Il est fâcheux seulement que la pierre qui porte cette épitaphe, au lieu d'être cachée dans un caveau, ne soit pas placée au milieu même de l'édifice. L'envie a désigné la place, l'estime a tracé l'inscription.

La colonne funéraire élevée à Paris, dans le cimetière de l'Est, au vainqueur de Zurich, porte pour toute inscription: MASSENA.

On a cru cette épitaphe imitée de celle du Tasse. C'est une erreur; l'épitaphe qui décore le tombeau que le cardinal Bevilacqua fit élever à ce grand poète, n'est pas, à beaucoup près, si simple et si concise. Il est vrai que, sur la modeste pierre qui le couvrit pendant qu'il attendait un mausolée, on ne lisait que ces mots, gravés par les moines de Saint-Onuphre:

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struire. »

séna, c'est comme un bloc de marbre conSi cette épitaphe contient celle de Mastient une statue parfaite, jusqu'à ce qu'un artiste vienne l'en dégager.

On lit à Rome, sur le tombeau que la marquise de Santa-Cruz fit sculpter pour sa fille, par Canova, et dans lequel elle-même elle est déposée :

Mater infelicissima filiæ et sibi.

« La plus infortunée des mères à sa fille et à elle-même. » Rien de plus touchant.

L'épitaphe n'est pas toujours grave: témoin celle qui était inscrite dans l'église de Saint-Côme sur la tombe de François Trouillac, que la nature ayait gratifié d'une corne au front:

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Ci-git Piron qui ne fut rien,

Pas même académicien.

Autre exemple :

Ci-gît ma femme. Ah! qu'elle est bien Pour son repos et pour le mien! Quelquefois aussi elle prend le caractère de la facétie. Montmaur avait moins de jugement que de mémoire ; on fit pour lui ces

vers:

Sous cette casaque noire
Repose bien doucement,
Montmaur, d'heureuse mémoire,
Attendant le jugement.

Il n'est pas certain, à la vérité, que ces épitaphes aient été inscrites ailleurs que sur le papier.

L'épitaphe a pris quelquefois encore le caractère du madrigal. Dans un jardin pit toresque, sur un cénotaphe gothique placé au milieu des fleurs, on lisait :

Ci-gît amour qui bien aimer fesait; Li faux amants l'ont jeté hors de vie. Amour vivant n'est plus que tricherie; Pour franc amour, priez Dieu s'il vous plaît. Les tombeaux qui ornent les jardins ne sont pas toujours vides; ils contiennent souvent les cendres d'un chien ou d'un chat, ou de tel autre favori de la maison, auquel le poète de la société a fait une épitaphe. Voici celle que portait une urne où un pauvre moineau était inhumé sous des

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et de plaisirs, un homme qui avait passé sa vie dans les cours, un seigneur suédois, le comte de Tessin, gouverneur de Gustave III, ayait ordonné de mettre sur son tombeau : « Tandem felix (Heureux enfin')! »

De tous les hommes qui ont fait leur épitaphe, celui qui s'est le mieux connu et s'est fait le mieux connaître, c'est l'auteur de celle-ci :

Jean s'en alla comme il était venu,
Mangeant le fouds avec le revenu,
Croyant trésor chose peu nécessaire.
Quant à son temps, bien sut le dispenser:
Deux parts en fit, dont il soûlait passer
L'une à dormir et l'autre à ne rien faire.
LAFONTAINE,

C'est faire l'éloge d'une épitaphe que la citer après celle-ci ; celle qui suit ne nous semble pas indigne de cet honneur :

Nu j'étais quand on m'a pondu,
Et nu je suis sous cette pierre;
Ainsi, mes amis, sur la terre
Je n'ai ni gagné, ni perdu.

A. V. A. ÉPITHALAME. ('Ezi, sur, et Oxλæμes, lit nuptial.) On donne généralement ce nom aux poésies composées à l'occasion d'un mariage.

L'épithalame nous vient des Grecs, auteurs de toute invention en fait de poésie. Celle-ci est communément attribuée à Stésichore, qui vivait 612 ans avant JésusChrist. Quelques doctes la réclament toutefois pour Hesiode, le contemporain d'Homère. Plus vieille de 370 ans, l'invention de l'épithalame serait donc aussi vieille que l'épopée.

chanter leurs nations, les hommes ont Je la crois plus vieille encore. Avant de chanté leurs affections; ils ont célébré les fêtes de famille avant d'instituer des fêtes publiques. L'épithalame doit être une des plus anciennes productions de la poésie; il lisation. doit dater de la première époque de la civi

Hymen! ó hyménée, tel est le refrain de ce chant joyeux.

Catulle est le premier des latins qui se soit exercé dans ce genre; son style, facile et suave, y convient parfaitement. Son épithalame de Julie et de Mallius serait un modèle, s'il n'était pas entaché d'obscenité : l'hymen est chaste, ses plaisirs ne s'allient pas à ceux de la débauche.

L'épithalame que Catulle composa pour les noces de Manilius et de Junia est exempt 14

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La verginella é simile alla rosa.

Puisse-t-on les retrouver dans les vers suivants, que nous publions pour l'utilité de ceux de nos lecteurs à qui le latin et l'italien ne sont pas familiers :

Tant que la rose, honneur du beau jardin,
Où l'enferme un prêtre de Flore,
Voit renaître avec le matin

Le vif éclat qui la colore,

Elle a droit de s'enorgueillir.

Tout lui sourit, et l'onde et le ciel et la terre;
Pas de berger, pas de bergère,
Qui ne brûle de la cueillir.

Mais hélas! une main furtive, injurieuse
La vient-elle enlever à sa tige épineuse,

Le charme se dissipe. Aux yeux les plus épris,
La rose à l'instant même a perdu tout son prix.
Son destin, jeune vierge, est l'image du vôtre :
Du toit où vous coulicz des jours si purs, si doux,

Vous ne sauriez passer sous le toit d'un époux,
Sans perdre les faveurs et d'un sexe et de l'autre.

C'est aux jeunes filles que Catulle prête ces gracieuses paroles; la strophe par laquelle les garçons y répondent n'est pas moins ingenieuse. Virgile faisait sans doute allusion à cette sorte de dialogue, quand il disait : « Ament alterna camenæ (les muses aiment les chants alternatifs). »

Les Juifs, qui chantaient à tout propos, ne négligerent probablement pas de chanter à propos de noces. On pense que c'est à pareille occasion que fut composé le psaume 44, celui où se trouve un certain passage dont l'abbé de Choisi a fait application à Mme de Maintenon: « Audi, filia, et vide, et inclina aurem tuam (fais attention, ma fille, ouvre les yeux et les oreilles). Obliviscere populum tuum, et domum patris tui (il te faut oublier ton peuple et la maison de tou père). Concupiscet rex decorem tuum (car le roi convoitera ta beauté). »

Ces conseils auxquels, soit dit en passant, Mme de Maintenon, qui était protestante, s'est très-scrupuleusement conformée, peuvent, au fait, entrer dans un

chant nuptial. Ce psaume qui, d'ailleurs, contient l'éloge du roi, eût été d'un fort bon effet aux noces d'Esther et d'Assuérus: on peut y voir un épithalame; mais en voir un dans le Cantique des cantiques, qu'Origène range dans cette catégorie, c'est autre chose. Cette expression très-animée des amours de Chaton et de la Sulamite, et où l'on voit une allusion mystique à une union plus sainte et plus intime encore, est une pièce de poésie éminemment érotique; mais ce n'est pas pour cela un épithalame: des amours ne sont pas des noces.

Nous aurions peu d'épithalames proprement dits, en français, si l'on ne veut donner ce nom qu'à des compositions lyriques; mais nous avons un grand nombre de poésies faites à propos de mariage. A ce titre, c'est un épithalame que la fable l'Hymen et l'Amour, composée par Lafontaine pour le mariage du prince de Conti et de Mlle de Bourbon; mais ce n'est pas le meilleur de ses ouvrages.

C'est un excellent ouvrage, au contraire, que l'épître de Voltaire à Mile de Guise, quand elle épousa le duc de Richelieu ; elle surabonde en grâce comme en esprit, et, quoiqu'elle n'ait pas le caractère de l'ode, moins occupé de la forme que du sujet, le poète n'a pas hésité à lui donner le titre d'épithalame.

Dans une circonstance qui semblait devoir consolider un état de choses qui n'est plus, à l'époque du mariage de Napoléon Bonaparte et de Marie-Louise d'Autriche, parut une innombrable quantité d'épithalames. Tous n'étaient pas également bons; il y aurait pourtant injustice à ne pas distinguer, parmi ces rapsodies : la Journée de l'Hymen, par M. Briffaut, et la Fête nuptiale, par M. Treneuil.

Mais, entre les formes diverses que la flatterie prêta en cette circonstance à l'épithalame, il n'en est pas de plus remarquable que celle qu'il reçut de M. Michaut, dans son treizième livre de l'Énéide, où les deux époux figurent sous les noms d'Énée et de Lavinie, et où lui-même se met en action sous le nom d'Iopas, qui les chante sur sa lyre d'or. Semblable à certains hommes prêts à chanter à toutes les occasions, Iopas-le-Chevelu, crinitus Iopas, célèbre l'hymen d'Énée et de Lavinie, sur la même lyre qui avait célébré les amours de Didon et d'Enée. Il était difficile d'établir, entre les chantres antiques et les trou

badours modernes, un plus juste rapport. Les poètes italiens, et particulièrement Metastase, ont composé un grand nombre d'épithalames. Le chœur final des opéras de ce dernier, faits en partie à l'occasion du mariage de quelques princes, n'est souvent qu'un chant nuptial.

Las des fadeurs de l'épithalame, les Hollandais avaient substitué à ce poème des estampes qui faisaient allusion aux vertus des maries; on en distribuait des exemplaires aux parents, et la planche, qu'on avait fait dorer, était offerte ensuite aux héros de la fête, et déposée par eux dans les archives de la famille. On s'est lassé aussi de ce genre d'épithalame, auquel le burin de Bernard Picard a donné momentanément quelque prix. Mais, comme on J'a vu, l'épithalame n'était pas mort pour cela, ou bien il n'attendait qu'une circonstance pour ressusciter sous une nouvelle forme. A. V. A..

ÉPITRE. Chez les anciens, une épître était une lettre écrite dans la familiarité de la vie intime, et servant à entretenir les rapports de la société. Les Romains attachérent à cette expression le même sens que les Grecs (i'migodǹ, d'i'ni, vers, et eriw, j'envoie ).

Chez les modernes, ce qu'on nomme épitre est une lettre travaillée, savante, didactique, quelquefois religieuse; souvent, par une fiction de l'écrivain, c'est un discours qui semble adressé à un personnage mort ou vivant, à un être moral ou allégorique, et qui ne s'adresse qu'au lecteur. Le même terme, qui exprimait autrefois les rapports familiers et le commerce des lettres entre des personnes éloignées par la distance des lieux, emporte aujourd'hui l'idée du travail, de la réflexion et d'une sorte de solennité didactique. C'est un des effets bizarres des révolutions du langage.

On a traduit ces mots : Epistolæ familiares Marci Tullii Ciceronis, par ceux-ci Épitres familières de Cicéron; ce contresens pédantesque s'est perpétué par la coutume. C'est comme si l'on disait : les Épitres familières de Voltaire et de madame de Sévigné.

Lorsque le christianisme naissant cachait ses autels et son culte dans les caveaux et dans les chaumières, les apôtres avaient coutume d'envoyer aux diverses églises ou réunions de fidèles, sous le nom d'épîtres,

des instructions pieuses, écrites en langue vulgaire, en style prophétique et figuré. On a conservé à ces lettres morales et religieuses le nom d'épîtres; et l'usage s'est établi d'en réciter un fragment au milieu de la messe catholique, immédiatement avant l'évangile. L'Apocalypse de saint Jean était une épitre; l'apôtre, cruellement traité par les Romains et réfugié dans la déserte Pathmos, communiquait aux sept églises alors existantes sa mission gigantesque. Rome détruite, le monde croulant et se repliant comme un livre, Dieu apparaissant comme une émeraude au milieu du ciel, et jugeant les persécuteurs ; ces rêveries terribles, fruits d'une imagination en délire, ont fait pendant seize siècles le désespoir des savants; Bossuet, Newton et Grotius en ont donné, comme on sait, des explications différentes et toutes également lucides.

Quelques auteurs anciens ont adressé à leurs amis des lettres en vers, d'un style libre, enjoué, facile. Les épîtres d'Horace sont le seul monument de ce genre qui soit parvenu jusqu'à nous. On y trouve beaucoup de finesse, de grâce, de science sociale et d'atticisme. L'homme d'esprit, qui embellissait les soupers de Mécène, montre, dans ses épîtres ou lettres en vers, une profonde connaissance du monde, de ses préjugés et de ses ridicules. Lui-même, il avoue qu'il n'écrit que de simples lettres : sa muse, ditil, marche à pied ; musa pedestris. On peut ajouter qu'elle boite quelquefois.

Boileau, dont le talent était tout entier dans l'exécution, et qui ne prétendait pas à la force créatrice du génie, a imité Horace avec un succès dont la postérité a consacré l'éclat, mais dont une critique sévère doit réduire le mérite à sa juste valeur. Le poète français n'a pas su, comme Horace, passer en revue la société entière, et flétrir les vices des hommes, en se jouant de leurs travers. L'ami de Mécène avait plus d'originalité, de malice, de goût et de souplesse. Boileau, moins courtisan et moins homme du monde, a trop exclusivement choisi pour but de ses observations satiriques le ridicule borné des mauvais écrivains et les lieux communs de la morale. L'intelligence et l'imagination de ce poète célèbre parcouraient un cercle d'idées peu étendu ; il suppléait à la stérilité de la pensée par l'énergie de l'expression. La justesse, la force, l'exactitude, et, si je puis me servir de ce terme,

la concentration vigoureuse de la versification, lui ont valu cette illustration qui date de plus d'un siècle, sans s'affaiblir encore, et à laquelle Marmontel a eu tort de contester ses droits acquis.

Un autre versificateur habile, et qui, par une sorte de merveille littéraire, a fait de belles odes sans enthousiasme, J.-B. Rousseau, a écrit aussi des épitres. Elles sont bizarres, incohérentes, affectées, sans éléganee et sans goût. L'auteur avait quitté la France, et, en perdant l'estime des gens de bien, il avait semblé perdre le secret des bons vers.

L'impulsion philosophique du dix-huitième siècle a donné à l'épître un nouveau caractère. Pope, écrivain caustique et ingé.ieux, a le premier consacré au développement d'un sujet de haute morale et de métaphysique la forme de l'épître, trop long-temps vouée à une critique de détail et à de triviales vérités rajeunies par la grâce du langage poétique. Le génie de sa nation se fait sentir dans ses discours en vers ou épîtres, où les pensées ingénieuses et fortes abondent avec une profusion qui n'est pas sans désordre, une originalité qui n'est pas exempte d'affectation, et une gaîté de caprice et d'humeur, plus triste quelquefois dans son amertume qu'elle n'est piquante par sa saillie.

Young, connu en France par ses Pensées nocturnes (Night-Thoughts), traduites ou plutôt recomposées par Letourneur, a fait des épitres satiriques peu estimées aujourd'hui dans son pays même. On y trouve beaucoup d'esprit, et une absence déplorable de mesure et de goût. Ce même génie effréné, qui, dans un autre poème, avait accumulé jusqu'au ridicule la pompe monotone des images lugubres, par un abus contraire au même défaut, a prodigué jusqu'à satiété, dans ses discours en vers, le fracas des épigrammes et la licence des bons mots.

Il faut lire les admirables épitres ou discours en vers de Voltaire, pour se faire une idée et de la perfection du genre et de l'extrême difficulté qu'il a dans son apparente simplicité. Pope avait déjà prêté à la philosophie les ailes d'une poésie souvent brillante et toujours noble; mais, attaché à un système, engagé à soutenir à force de talent une thèse contre laquelle la triste expérience humaine se révolte, il avait souvent donné des images pour des preuves, et des rimes pour dés raisons. Le génie de

Voltaire était surtout impartial; il échappait aux entraves de toutes les théories, et jetait sur le monde un coup d'œil vaste, lumineux, libre. C'est dans les épîtres de ce grand homme que l'on trouve à la fois, et le ton d'urbanité mondaine, et la gaîté satirique dont Horace était doué, et la verve de haute poésie qui distingue Pope, et l'art de tout embellir, le talent de tout dire, qui caractérisaient Boileau. Familiarité, ironie, élévation, eloquence, verve, puissance d'expression; tous les caractères du génie dans sa souplesse et dans sa force se réunissent dans ce chef-d'œuvre on croit voir cette flamme mobile que Virgile a si bien décrite, et qui, embrassant tout dans sa course plus prompte que l'éclair, s'élève, redescend, semble assimiler tous les objets à sa substance, et projette les reflets jusqu'aux bornes de l'horizon.

Une sorte d'épitre est tombée, de nos jours, dans le domaine du ridicule; c'est l'épitre dédicatoire. La bassesse la plus effrontée n'oserait pas employer aujourd'hui, à la tête d'un livre, les formules d'éloges que l'usage avait sanctionnées, et que le grand Corneille lui-même avait la naïveté d'imiter. On a tant abusé de cette flatterie grossière, que la vanité elle-même s'en est dégoûtée à la fin. Les épitres dédicatoires de Dryden sont, comme celles de notre Corneille, remarquables par la gaucherie de l'adulation; celles de Molière ont quelque noblesse; celles de Voltaire sont des modèles de louange et d'ironie cachée. Sterne, dans son étrange histoire de Tristam Shandy, a inséré une dédicace fort originale, et qui peut servir de type à toutes les autres : Dédicace à vendre. Vos belles actions, vos sublimes vertus, votre génie immense, ô vous, qui que vous soyez, si vous voulez bien me payer, etc. E. J.

* ÉPO (BOETIUS). Voyez BOETIUS-ÉPO. ÉPONGE, spongia. (Histoire naturelle.) Sur cent personnes bien élevées qui font un grand usage des éponges, il n'en est peutêtre pas une qui se soit jamais informée de ce qu'elles étaient, et les curieux qui l'eussent demandé aux plus grands naturalistes, eussent été fort surpris de trouver que pas un n'ait été ou ne soit du même avis sur leur nature. Il est, en effet, peu de corps organisés sur lesquels on ait émis autant d'opinions contradictoires: on en a fait des plantes; on en a fait des animaux, et, selon le caprice des savants, qui en raisonnaient

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